Exposition : Jean Arnal et le Néolithique en Languedoc

Au Musée Henri Prades à Lattes, une remarquable exposition rappelle les contributions d'un savant issu du peuple, qui dans les années 1970, domina la science préhistorique en Languedoc : Jean Arnal (1907-1987).

L'album de l'exposition consacrée à Jean Arnal et à son œuvre au Musée Henri Prades à Lattes près de Montpellier.(Crédit Musée Henri Prades)

L'album de l'exposition consacrée à Jean Arnal et à son œuvre au Musée Henri Prades à Lattes près de Montpellier.(Crédit Musée Henri Prades)

Comme tant d'érudits de pays, ce médecin de campagne s'est spontanément mis à étudier les menhirs, dolmens et autres vestiges "celtes", qui parsemaient son terroir, celui de son village Saint-Mathieu-de-Tréviers. En réalité, ces structures dataient de bien avant les Gaulois, puisqu'elles remontaient au Néolithique languedocien (-6000 à -2200 avant notre ère). Jean Arnal commença par fouiller le dolmen de Lamalou; malgré la résistance du garde-chasse, qui ignorait qu'il y était autorisé, il fouilla la grotte de la Madeleine sur la commune de Villeneuve-lès-Maguelonne (où se trouve une abbaye d'époque wisigothe), et y décela, l'étage archéologique du Néolithique moyen (-4500 à -3600) que l'on nomme aujourd'hui le Chasséen méridional. Après une longue lutte scientifique, il en fit admettre l'existence. Issu de la fusion en France des courants de néolithisation danubien et méditerranéen, le Chasséen fut une période de développement intense de l'agriculture et de l'élevage, pratiqués par des groupes humains exploitant un territoire bien défini. Il est en fait à l'origine de la forme la plus ancienne d'aménagement du territoire par des communautés villageoises sédentaires encore chasseuses, mais pratiquant la culture de céréales, de quelques légumes, l'élevage de caprinés et de bovidés ainsi que l'échange de matières première à grande distance. En accompagnant Jean Arnal, les archéologues languedociens apprirent à distinguer les époques successives de ce nouveau mode de vie à partir de la céramique. Ainsi, après le Néolithique moyen (Chasséen), se succédèrent plusieurs faciès locaux - les cultures de Ferrières (3200-2600) et de Fontbouisse (2600-2200), qui marquèrent le Languedoc pendant qu'en Egypte et en Mésopotamie se développaient la métallurgie du cuivre et l'usage des premières écritures.

Grand préhistorien, mais atypique, car autodidacte et indépendant des institutions scientifiques, Jean Arnal fut aussi un maître pour de nombreux jeunes archéologues.

Jean Arnal (Crédit: Montpellier-Agglomération)

Jean Arnal (Crédit: Montpellier-Agglomération).

Ainsi, n'hésitait-il pas à leur donner le conseil suivant: Vous devez distinguer deux choses : la recherche pure, que je fais moi-même, et les idées que vous devez présenter à vos professeurs. De fait, celui qui établira la chronologie du Néolithique languedocien sait en effet avoir de l'avance sur les universitaires. Aux étudiants, il recommande la fouille, base de tout progrès, qu'il faut mener "proprement". Quel attitude plus scientifique, plus pragmatique et plus indépendante d'esprit que celle de ce remarquable chercheur amateur?

Toute simple, l'exposition sera vite parcourue. Un film très bien réalisé résume la vie scientifique de Jean Arnal. Sauf pour celle ou celui qui s'y connait, les objets néolithiques - poignards en silex, perles de pierre, céramiques,... - semblent peu distincts les uns des autres et difficiles à interpréter chronologiquement. Ils sont beaux pour autant, tout particulièrement les productions lithiques comme les grattoirs, les pointes de lance en feuilles de laurier et autres poignards, qui attestent de l'incroyable finesse atteinte par les tailleurs, en une époque où l'on commençait à polir la pierre. Les grandes lames de silex, sans doute peu utilisables mais prestigieuses, semblent avoir joué au cours du Néolithique méridional le même genre de rôle social éminent que l'on a sait qu'elles eurent dans la culture de culture de Gumelnița-Karanovo VI au Ve millénaire en Bulgarie (nécropole de Varna en Bulgarie, -4600 à -4200 ans), puis plus d'un millénaire plus tard en Europe occidentale, par exemple au Grand Pressigny au IIIe millénaire. Une grande lame d'abord taillée, puis polie témoigne de façon fascinante de la façon progressive dont est apparue la pierre polie, laquelle prend aussi la forme de hache en jadéite et autre pierre verte des Alpes italiennes, que l'on sertissait dans quelque bois de cerf. Très émouvants aussi sont ces grands vases à cordons, que les hommes du Néolithique final languedocien plaçaient dans les grottes calcaires de la région afin de recueillir l'eau fraîche qui gouttait du plafond.

Des vases à cordon du Néolithique final languedocien, du type de ceux que l'on a retrouvé dans des grottes. (Crédit: François Savatier).

Des vases à cordon du Néolithique final languedocien, du type de ceux que l'on a retrouvé dans des grottes. (Crédit: François Savatier).

Et puis, au Musée Henri Prades, des hommes néolithiques sont présents! Les statues-menhirs du Néolithique méridional nous ont en effet appris que les menhirs sont des représentations de notables avec les attributs de leur prestige, dont on souhaitait (ou devait) garder le souvenir:

La stèle de Lauris, issue de la vallée de la Durance est un exemple de statue-menhir du néolithique méridional provençal (crédit François Savatier)..

La stèle de Lauris, issue de la vallée de la Durance est un exemple de statue-menhir du néolithique méridional provençal (crédit François Savatier).

Alors, en sortant de l'exposition, vous pourrez leur confier votre avis sur ce que vous avez vu, et discuter avec eux de l'évolution de la société depuis qu'eux y paradaient, décorés de grandes lames de silex, plutôt que d'écharpes tricolores!

 

 

 

 


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