Le livre «Rollon», de Pierre Bouet

Génie normand, d'où viens-tu? Des pommes ?

pommesNon (quoique…), parce que, quand je pose cette question, je ne parle pas des inventeurs du trou normand, des tripes à la mode de Caen, du calvados, de l'andouille de Vire, du Camembert…et de tant d'autres innovations géniales de la basse vallée de Seine, dont la plus merveilleuse, évidemment, est le décolleté gonflé à la crème des belles Normandes…

Non, je parle des Vikings de la Seine et de leurs successeurs, les fondateurs du duché de Normandie et de l'Angleterre moins saxonne et plus française (ouf!), car leur succès au Moyen-Âge est sidérant. Qu'avaient-ils ces Normands pour avoir pu laisser leur empreinte non seulement en France, mais en Italie et en Angleterre et finalement, et profondément, dans tout le monde dit «anglo-saxon», que l'on ferait mieux de qualifier d'anglo-normand? Qu'avaient-ils???

Ce qu'ils avaient? Ils étaient efficaces. Non seulement militairement, mais aussi dans la gestion du pouvoir. Pour s'en rendre compte, il faut commencer par prendre connaissance de ce que l'on sait, de ce que l'on peut dire, sur la vie du fondateur du destin normand : Rollon. Et pour cela, lisez l'historien Pierre Bouet:

Rollon de Pierre Bouet, Éditions Tallandier, (224 pages, 19,90 euros).

Rollon, Pierre Bouet, Tallandier, (224 pages, 19,90 euros).

En lisant ce livre, vous comprendrez ce que les vikings de la Seine ont su faire, que n'ont pas su faire les vikings de la Somme, ceux de la Loire et ceux de la Garonne... (à ce propos, lire l'excellent Les vikings de la Seine, de l'archéologue Vincent Carpentier sur le site de Pour la Science) Vous comprendrez ce que les quelques 5000 gaillards scandinaves et saxons, que l'on avait chassés d'Angleterre (du Daneland) et/ou de Norvège, ont su faire, emmenés par un chef viking nommé Hrolf.

De la prédation, ils sont passés à l'assimilation, et pour cela, nous rend concret Pierre Bouet dans son livre, Hrolf, alias Rollon, les a poussés, les a aidés, à accomplir cinq démarches:

1/ passer du pillage systématique de la vallée de Seine à la sécurisation totale de son commerce.

2/ épouser la sainte église romaine et apostolique, en d'autres termes devenir éternels, c'est-à-dire romain, même si localement, on disait plutôt franc ou disons français.

3/ épouser les femmes du crus (de toute façon les 5000 gaillards n'avaient pas le choix et ne le laissaient guère, et puis les décolletés gonflés à la crème...) pour, en pratiquant l'horizontale, mieux collaborer à la verticale avec leurs pères, mères et frangins francs peu commodes…

4/ garder tout ce qui marchait bien de leur point de vue dans la culture nordique, à la mer, en famille (les concubines) et dans l'organisation de toute aventure…

5/ être tolérants, mais fermes, systématiquement…

Et cela a marché! Et de cela est née une culture, une façon de vivre ensemble et de s'organiser, qui s'est propagée, d'abord en Angleterre que l'arrière arrière arrière petit fils de Rollon a conquise, puis en Italie et en Sicile, île que la famille normande des de Hauteville s'appropria et érigea en royaume médiéval.

Et là est encore une preuve spectaculaire de ce curieux génie normand : la Sicile des Roger de Hauteville I et II fut une terre enfin pacifiée, alors qu'elle était avant l'arrivée des Normands disputée entre des Grecs byzantins, des Siciliens et des Sarrazins d'origine nord africaine... Exactement comme les Normands d'Angleterre surent faire leur place entre Gallois, Saxons et Corniques, les Normands des de Hauteville surent se tailler un royaume entre Sarrazins musulmans, Grecs et Siciliens chrétiens et les calmer tous. Comment? En s'assimilant tout en restant normands… Le meilleur de trois mondes!

Et cela a marché! À lire l'histoire si trouble et si atroce souvent, de la Sicile, on a l'impression que la période où elle fut à la fois la plus riche, la plus paisible, la plus civilisée et, finalement, la plus heureuse, fut la période normande. Une période pendant laquelle des lettrés arabophones parlant et écrivant le latin, le grec, l'arabe traduisaient les œuvres de l'Antiquité ; une période pendant laquelle il y eu des «harems» de frilla (concubines dans les anciennes mœurs danoises) dans les donjons normands de Sicile ; pendant laquelle on frappait des pièces d'or inscrites en arabe dans la Palerme normande ; une période très chrétienne pendant laquelle, l'art religieux s'approcha de la finesse de celui de la Renaissance, mais avec deux siècles d'avance et dans un style mêlant les effets byzantins, arabes et normands ; une période... une période...

 

Je n'ai plus de mots. Le génie normand, çà se regarde:

La chapelle Palatine de Palerme, la plus belle des églises de Roger, avec ses portes normandes, ses arcs sarrasins, son dôme byzantin, et son toit orné de calligraphies arabes, est peut-être le résultat le plus frappant de la brillante civilisation mélangée sur laquelle a régné le petit-fils du Normand Trancrède

La chapelle du palais de Roger de Hauteville avec ses portes normandes, ses arcs sarrasins, ses peintures de haute qualité artistique, son dôme byzantin et son toit orné de calligraphies arabes, le tout doré…

Tout cela, je sais, semble bien loin de Rollon, mais est venu par lui. Alors, apprenez à le connaître en lisant Pierre Bouet.

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