Un trésor qui n’a pas déteint depuis ???

L'André Malraux, le navire archéologique de la Drassm sur le site du naufrage romain. (Osada/Seguin/Drassm)
Un seul navire romain naufragé était connu sur tout l'arc atlantique français. Le deuxième vient d'être découvert et fouillé par l'équipe de Olivia Hulot du Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) non loin de Roscoff en Bretagne, et il transportait de l'étain!
Mon collègue Loïc Mangin, le rédacteur en chef des Dossiers de Pour la Science, qui vient de consacrer tout un dossier à la chute de la Ville éternelle (c'est-à-dire de Rome) vient d'écrire une actualité sur cette très grande découverte d'archéologie romaine : Un trésor romain au large de la Bretagne. Il y place le transport de l'étain dans les échanges romains et nous explique que les lingots provenaient probablement de Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne, qui n'est «grande» que parce que des tribus bretonnes qui voulaient rester chrétiennes (les Saxons ou d'autres exerçaient sur elle une pression «paganisante») vinrent fonder la «petite» Bretagne en Armorique gallo-romaine à la fin du Ve siècle est en effet une source d'étain pour l'Europe depuis l'Âge du bronze (5000 à 900 avant notre ère). Un rôle économique qui fut important dès cette époque puisque l'étain est l'un des deux métaux nécessaires pour produire cet alliage qu'est le bronze (l'autre est le cuivre).
Avant l'époque romaine, l'étain était transporté vers l'espace méditerranéen à travers le réseau fluvial gaulois. Une probable rupture de charge était sans doute organisée vers le cours supérieur de la Seine, puisque la princesse de Vix est réputée avoir contrôlé ce commerce. Une autre l'était sans doute vers le cours supérieur de la Loire.
Pendant l'époque romaine, on se risqua à charger les métaux bretons (au sens antiques du terme), dont l'étain, par tonnes sur des caboteurs, qui longeaient la côte jusqu'au détroit de Gibraltar (que l'on nommait alors «Les colonnes d'Hercule» d'après les montagnes bordant le détroit). Une fois en sécurité en Méditerranée (dans l'Antiquité, la navigation en Atlantique était plus dangereuse, car moins balisée de ports et autre Pharus), le chargement était acheminé vers Rome ou quelque autre port de l'Empire pour produire les objets précieux que les Romains fabriquaient en bronze : mobilier domestique, statues, armes, monnaies, etc.
Pour sa part, le bateau romain qu'une tempête projeta sans doute sur les récifs de Roscoff transportait 800 lingots d'étains, dont certains en forme de cratère ; le tout représentant une masse de 5,5 tonnes. Au moment où le plongeur breton (au sens moderne du terme) Franck Le Ven les remarqua, les lingots en forme de cratères ressemblaient à cela:

Les lingots d'étain tels qu'ils étaient, au moment où Franck Le Ven les a remarqués. (Osada/Seguin/Drassm)
De formes et de poids très divers, ces lingots portent des symboles et des inscriptions, qui constituent sans aucun doute le plus grand trésor de l'épave romaine de Roscoff. Leur étude pourrait en effet nous livrer des informations intéressantes sur les mines et les usages de l'extraction de métaux en «Bretagne» (la Grande-Bretagne romaine) à une certaine époque. Laquelle? L'intérêt de ces nouvelles données espérées va en effet crucialement dépendre de l'âge du navire naufragé à Roscoff. Pour le moment aucune datation n'est disponible, mais les archéologues parlent d'un âge de deux millénaires. C'est à préciser puisque la première épave romaine jamais découverte sur l'arc atlantique français, l'épave de Ploumanac’h, date du Bas-Empire romain (fin du IIIe siècle et après) . Or l'époque de conquête romaine des Gaules (Haut-Empire romain) ou celle du Bas-Empire romain correspondent à des contextes géopolitiques très différents et à des gens différents. Dans le cas de l'épave de Ploumanac’h aussi, les lingots étaient estampillés. Les inscriptions sont en latin et on y aurait reconnu les noms de certaines tribus bretonnes (bretonnes au sens antique du terme). On lit par ailleurs sur la page de la Drassm consacrée à cette épave que les inscriptions retrouvées sur les lingots de plomb ont permis de:
«dater l'épave du Haut-Empire ou du Bas-Empire romain (entre le IIe et le IVe siècle après J.-C.).»
Hummm.
Espérons que la datation des lingots de l'épave de Roscoff permettra une conclusion plus nette. En attendant lisez Un trésor romain au large de la Bretagne et vous saurez tout ce qu'il y a à savoir pour le moment.