Mais qui étaient les Mongols d’il y a 40 000 ans ?
Autour d'Aurélien Simonet, la mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie, a découvert en Mongolie un site que l'on hésite à attribuer aux néandertaliens, aux Denisoviens ou aux hommes modernes. Cet ancien habitat paléolithique est situé au pied d'une barre rocheuse basaltique:

L'abri préhistorique de Tsatsyn Ereg 2 se trouvait il y a quelque 40 000 ans à droite du centre de cette barre basaltique.
A. Simonet.
Mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie.
Ses occupants devaient et savaient se protéger contre l'intense froid mongol, puisque, dans les sondages qu'ils ont fait, les chercheurs ont découvert un lissoir à peau:

Le bout arrondi de cette côte d'ongulé trahit qu'elle a été utilisée pour lisser des peaux
A. Simonet.
Mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie
Toujours employé en tannerie, ce type d'instrument est passé et repassé sur les peaux afin de les assouplir et d'en lisser l'intérieur. Les chercheurs ont aussi trouvé des pointes Levallois:
Ce type d'armature consiste en éclats triangulaires servant à armer des sagaies. Il est obtenu par une seule percussion dure à partir de nucléus spéciaux, c’est-à-dire de blocs de pierre débitables spécialement préparés dans ce but.
Façonnées dans une roche volcanique, celles de Tsatsyn Ereg 2 sont particulièrement minces : elles résultent d'un type de débitage que les lithiciens nomment le «débitage laminaire». Or le débitage laminaire de pointe Levallois est caractéristique des Homo sapiens d'Asie centrale du début du Paléolithique supérieur (après 40 000 ans), donc d'hommes modernes ayant vécu plus à l'Ouest que la Mongolie. Par ailleurs, le débitage de pointes Levallois est aussi caractéristique des néandertaliens non seulement d'Europe, mais de toute l’Eurasie à la fin du Paléolithique moyen (300 000 à 40 000 ans), qui à la fin de cette période préhistorique ont côtoyé en Eurasie du Nord les hommes modernes qui s'y répandaient (ce qu'ils ont commencé à faire après 50 000 ans vraisemblablement). Enfin, le séquençage de l'ADN contenu d'une dent trouvée en Sibérie, nous a appris la présence à la fin du Paléolithique moyen en Asie du Nord, d'une troisième espèce humaine : l'homme de Denisova, lui aussi disparu vers 40000 ans, pense-t-on.
Les chercheurs ont daté Tsatsyn Ereg 2, mais le bouleversement des strates archéologiques par les cycles de gel et de dégel les empêchent de parvenir à un intervalle d'existence du site plus précis que 40 000-30 000 ans. Leur impression est toutefois que le site a été habité au tout début du Paléolithique supérieur, donc vers 40 000 ans. Si l'on est sûr qu'à cette époque, les hommes modernes avaient déjà investi l'Asie du Nord, on ne peut être certain que les néandertaliens, ni les denisoviens, en avaient déjà disparu. Dès lors, on ne peut que s'interroger sur les porteurs de la culture de Tsatsyn Ereg 2, mais pas les identifier à ce stade.
Une autre mission à Tsatsyn Ereg 2 apportera peut-être une réponse, mais ce site illustre une fois de plus les découvertes intrigantes que l'on fait régulièrement aux marges, tant temporelles, que spatiales des zones d'occupations des espèces humaines. Ainsi, en 2011, autour de Ludovic Slimak du CNRS, une équipe franco-russe avait trouvé une industrie moustérienne – donc a priori typiquement néandertalienne – sur le site de Byzovaya dans l'Oural polaire. Or la datation par le radiocarbone d'ossements avait révélé qu'elle datait de… 28 500 ans, soit plus de 10 000 ans après la date estimée de disparition des derniers néandertaliens… Une découverte difficile à interpréter, comme celle de Tsatsyn Ereg 2 pour le moment.