Osiris, les mystères engloutis d’Égypte, à l’IMA

Affiche2ExpoOsiris-300

Osiris, les Mystères engloutis d'Égypte.

 

Accueillie par Jack Lang à l’Institut du monde arabe, l’exposition Osiris, Mystères engloutis d’Égypte est une occasion de voir 250 objets retrouvés lors des fouilles sous-marines menées depuis 10 ans par l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM) sur le site sous-marin de Thônis-Héracléion, l’ancien grand emporion grec en Égypte. À ces sculptures extraordinaires et autres barques solaires s’ajoutent une quarantaine d’œuvres provenant des musées du Caire et d’Alexandrie, dont certaines sortent d’Égypte pour la toute première fois. Thônis-Héracléion, qu'est-ce que c'est? Diodore de Sicile, un historien romain du Thônis-Héracléion nous l'a dit:

«C’est au lieu-dit de Thônis, qui était autrefois l’emporion de l’Égypte, que le fleuve se jette dans la mer.»

Un emporion, c'est un port de commerce grec, donc un comptoir centré, comme toujours dans l'Égypte ancienne, autour de son sanctuaire. Très célèbre dans l'Antiquité, celui de Thônis-Héracléion semble avoir été particulièrement important. Il comportait un temple principal autour duquel se trouvaient des cultes secondaires, dont celui du dieu grec Héraklès, d'ailleurs assimilé à un dieu local. L’exposition est centrée sur le mystère d’Osiris, un culte central de l’ancienne religion égyptienne, d’une étrangeté inouïe. Ainsi, les visiteurs peuvent voir une curieuse sculpture représentant l’accouplement d’Osiris, le dieu–pharaon d’Égypte avec un oiseau rapace:

Le dieux Osiris en train de s'accoupler avec sa sœur un jour où celle-ci avait pris la forme d'un rapace...

Le dieux Osiris en train de s'accoupler avec sa sœur un jour où celle-ci avait pris la forme d'un rapace...

Comment s'explique-t-elle? Il s'agit en fait de la représentation du mythe fondateur de l’Égypte : la résurrection d’Osiris le dieu bon et premier pharaon d’Égypte par sa sœur-épouse Isis, après que son méchant frère Seth, jaloux, l’a noyé puis dispersé son corps en 14 morceaux aux quatre coins de l’Égypte. Son bon époux lui manquant, Isis va en rassembler les morceaux, sauf un – le pénis –, qu’elle ne pourra pas retrouver parce qu’un poisson du Nil, l’oxyrhynque (brochet du Nil) l’a avalé. Néanmoins – allez y comprendre quelque chose ! – Isis ayant pris la forme d’un rapace (un milan à cause de la mode italienne de l’époque) va réussir à s’accoupler avec son frère émasculé…

L'aberrant accouplement d'Osiris et d'Isis vu sous un autre angle.

L'aberrant accouplement d'Osiris et d'Isis vu sous un autre angle. (C: FS/PLS).

 

Difficile de faire plus délirant, et d’autres statues, telle ce taureau coiffé d’un disque solaire grandeur nature ou une représentation de la déesse Thouatis sont tout aussi étonnantes. Elles sont par ailleurs intactes et d’une plastique si parfaite que l’on doute de leur âge millénaire. Ce sont ces objets illustrant un imaginaire exotique qui, dans cette exposition, transporteront aussi bien les enfants que les adultes.

La statue du dieu Thouatis d'une plastique parfaite.

La statue du dieu Thouatis d'une plastique parfaite. (C: FS/PLS).

 

De quel passé culturel sortent ces objets exactement? Il proviennent d’un grand sanctuaire connu dans toute l’Égypte, qu’un jeu de circonstances extraordinaire a brusquement enfoui et figé. Expliquons : le 21 juillet 365 avant notre ère, plusieurs secousses sismiques se produisent sur la côte égyptienne où débouche la branche canopique du Nil, aujourd’hui disparue. Ils déclenchent des raz de marée qui déferlent sur la ville de Thônis-Héracléion et font passer le seuil de liquéfaction au sol limoneux et argileux dans lequel est implanté la ville. Résultat : elle s’effondre instantanément. Ses bâtiments sont disloqués de sorte que leurs éléments sont enfouis ou tombent intacts dans les canaux. «Cet effondrement suivie d’une conservation et d’une protection par la mer sous une couche de limon des vestiges est sans doute un cas unique à l’échelle de l’Égypte, souligne Franck Goddio», qui dirige l’équipe internationale de l’Institut européen d’archéologie sous-marine qui fouille le site sous l’égide du Ministère égyptien des antiquités. Ainsi, Franck Goddio et son équipe ont pu reconstituer les abords du grand sanctuaire :

Une reconstitution de l'emporion de l'Égypte : Thônis-Hérakléion. (C: Yann Bernard Barnebys/ Franck Goddio).

Une reconstitution de l'emporion de l'Égypte : Thônis-Hérakléion. (C: Yann Bernard Barnebys/ Franck Goddio).

 

«Outre le grand temple d’Amon du Gereb que nous avons découvert et fouillons de nombreux temples secondaires, notamment un sanctuaire à Beth, un sanctuaire à Khonsou-Thoth , le gardien des portes d’Égypte (NDB : qu’étaient Thonis-Héracléion) et sanctuaire à Khonsou l’enfant, qui était l’Héraclès des Grecs, explique Franck Goddio. Delà le nom d’Héracléion, c’est-à-dire de «temple à Héraclès» donné à l’endroit par les Grecs. Nombreux en Égypte depuis le VIIIe siècle avant notre ère, les Grecs y ont d’abord été cantonné à Naucratis (littéralement «la ville de pouvoir sur les navires») une ville situé en amont sur la branche canopique jusqu’où remontaient certains navires après avoir accompli leurs formalités de douanes à Thonis. Puis, il leur fut permis de se mélanger davantage avec les Égyptiens et une classe dirigeante grecque appuya la classe dirigeante égyptienne et exerça sur elle une forte influence.

D’une grande importance en l’histoire de l’art, cet aspect est sensible dans l’exposition, où figurent nombre de statues grecques ou de statues égyptiennes réalisées selon les canons de la statuaire grecque. Ainsi ces deux statues de reine dites d’Isis-Aphrodite ou une reine ptolémaïque (postérieure à l’engloutissement partiel de Canope) retrouvées à Canope est sculptée dans le granit noir seulement entourée d’un voile mouillée :

arsinoe130

La reine lagide Arsinoé (C: Christoph Gerigk)

 

La sensualité de ce corps de pierre déclenche un tremblement de terre aussi fort que celui qui détruisit Thonis-Héracléion. Profiter de cette vision vaut à lui seul une visite à l’Institut du monde arabe, où vous attendent d’autres merveilles tout aussi étonnantes.

 


Un commentaire pour “Osiris, les mystères engloutis d’Égypte, à l’IMA”

  1. Anwen Répondre | Permalink

    Bonjour,
    Permettez quelques mots au sujet du régime primitif Égyptien. Merci.
    En Egypte comme partout, le régime féminin a précédé le régime masculin et il a dû avoir une longue durée de prospérité et de paix, puisque, au moment où commence l'histoire, c'est-à-dire le règne de l'homme, le pays possède déjà une langue bien formée, l'écriture, et des institutions sociales qui serviront de base à l'organisation future des sociétés. Enfin une religion, un culte, une haute morale. Tout cela réalisé avant les temps historiques.
    « L'Egypte est la terre classique de la Gynécocratie », dit Bachofen, « sa civilisation repose en principe sur la préférence d'Isis à Osiris ».
    C'est par le règne des Déesses que commence l'histoire de l'Egypte. Manéthon, qui cherche à effacer les traces du règne de la Femme, place sept dynasties de dieux (il masculinise les Déesses) au début, puis encore douze dynasties vagues auxquelles succèdent trente dynasties de demi-dieux. Veut-il dire par « vagues » des dynasties mixtes, composées de Femmes et d'hommes, de couples régnants ? Nous l'ignorons (1).
    Les mémoires de Manéthon se perdirent, mais l'historien Josèphe en reproduisit quelques fragments et, après lui, les chrétiens s'emparèrent de ce qui restait de ces anciennes chroniques pour les dénaturer et nous représenter cette magnifique antiquité comme un temps de barbarie.
    L'Egypte fut longtemps gouvernée par des Prêtresses que l'histoire appelle des Pharaons. Celui qu'on appelle « le premier Roi » est Mena (devenu Menés), mot qui veut dire Mère, comme Manou. On appelle les féministes Philo-Mena. On le fait suivre d'une longue série de Princes, dit-on, qu'on croyait d'abord fabuleux, mais qui ont réellement existé. Ce sont les Déesses-Mères. On cite parmi elles la Reine Nitocris à laquelle on doit de beaux travaux ; Moeris, qui semble être la Déesse He-Moera, à qui Hérodote attribue la construction d'un lac immense créé de mains d'hommes et qui servit de réservoir aux eaux du Nil.
    Par ici, une révolte masculine et des rois conquérants, c'est-à-dire des chefs, des Ack, venant troubler le pays. On cite parmi eux Osartasês, Sebek-hotep.
    Mais cet état de choses est interrompu tout à coup par l'invasion des Hyksos, appelés rois Pasteurs, qui sont les émigrés féministes de l'Inde, qui viennent redonner à l'Egypte une nouvelle vie matriarcale et gynécocratique (pour plus de précisions sur les Hyksos, voir l'article du blog consacré à l'Israélisme). Le règne de l'homme en Egypte ne s'établira que dans le millénaire qui précède le Christianisme.
    Il commencera à Psammitique (665 à 650).
    Hérodote et Diodore ont montré que chez les Égyptiens la Femme avait un rôle prépondérant, tandis que l'homme filait et se livrait aux soins du ménage.
    M. Révilloud, dans son histoire de la Femme dans l'ancienne Egypte, a affirmé le même fait.
    C'est la Femme qui faisait les lois et les interprétait ; Elle qui était Déesse et Prêtresse.
    Les Pharaons sont des magistrats sacerdotaux, toujours représentés en costumes de femmes.
    Dans le règne primitif, toutes les grandes dignités de l'Etat, les fonctions de juge, de médecin, étaient exclusivement réservées à la caste sacerdotale. Les hommes ne pouvaient pas y prétendre, ils étaient soumis au pouvoir des femmes appelées « des sages » (Soffet), qui leur faisaient faire un service régulier, un travail dont l'organisation avait été savamment établie. On. les envoyait aussi en expéditions lointaines.
    Pour les récompenser, on leur donnait le droit de porter certains signes de distinction. On comprenait déjà que les honneurs accordés aux hommes n'ont de valeur que s'ils les tiennent de la Femme.
    La Femme gardait en dépôt les Livres de science et les cachait à tous les yeux avec des précautions infinies.
    La connaissance des lois de la Nature, que les Livres sacrés avaient enseignées, facilitait tous les travaux, qui ne sont en somme que les applications de ces lois à la vie, ou à l'industrie.
    Les lois de la physique (le Kosmos), de la chimie (l'art sacré des Temples), de la physiologie (imposées dans le Connais-toi du Temple de Delphes), étaient la base solide des travaux entrepris.
    On savait tout ce que la science des modernes explique si mal, on connaissait la cause réelle de tous les phénomènes, et l'on est surpris de voir avec quelle précision tout était expliqué.
    Ces connaissances qui étaient le fond de l'éducation religieuse donnée par les femmes (les Déesses qui écrivent, les Prêtresses qui enseignent) passaient dans les mœurs, dans les institutions, dans tout le milieu ambiant. Il n'y avait pas encore de place reconnue (officielle) pour l'erreur. Nous sommes, il est vrai, à l'aurore du mensonge, mais il n'a pas encore triomphé.
    Cependant, partout il se produisit un fait qui allait changer la face du monde, et renverser le premier régime de Vérité et de Justice.
    Les servants des temples usurpèrent les fonctions sacerdotales.
    Si après les historiens nous consultons les monuments, nous voyons que les plus anciennes inscriptions connues sont celles qui se trouvent sur le socle de trois statues exposées au Louvre, en haut de l'escalier de la galerie égyptienne. On y voit une femme ayant à ses côtés un homme représenté deux fois (le même à droite et à gauche). Cet homme est Sepa, la femme est Nesa, et l'inscription Souten Reht-Nesa a été traduite par « Royale princesse Nesa ».
    L'Egypte était divisée en petits Etats appelés des nomes, indépendants les uns des autres. C'étaient probablement des tribus plus ou moins étendues comme celles qui existaient partout où régnait la gynécocratie.
    Il y avait en Egypte 44 nomes, 22 dans le Delta ou basse Egypte et 22 dans la Vallée ou haute Egypte.
    Chaque nome ou district d'Egypte possédait ses emblèmes héraldiques, peints ou brodés sur la bannière qu'on portait dans les processions solennelles. Dès l'époque de Séti 1er, on trouvait à Abydos la liste complète des provinces. Dans les temples ptoléméens plus récents de Philae, Denderah, etc., les textes qui servent de commentaires aux listes des districts donnent d'intéressants détails sur l'existence politique et religieuse de chaque nome. La distribution géographique de la vallée du Nil a été décrite avec sagacité et exactitude par Harris, de Rougé, etc..
    (1) Avant ses dynasties, Manéthon plaçait, une dynastie de dix rois préhistoriques, et avant trente demi-dieux qui suivaient une dynastie de douze dieux et une autre de sept dieux (probablement les sept forces cosmiques, les Elohim). C'est un moine du VIIIe siècle de notre ère, Georges, surnommé « le Syncelle », secrétaire du patriarche de Constantinople, qui copia ce qui restait des ouvrages de Manéthon.
    Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/revolution-religieuse-en-egypte.html
    Cordialement.

Publier un commentaire