Un métis européen aux gènes paléo-chinois suggère une histoire du métissage néandertalien-sapiens

La formule de la population actuelle d'Europe et d'Asie septentrionale est:

néandertaliens + sapiens africains -> Eurasiens

Toutefois, comme nous allons voir, elle serait plutôt:

«X néandertaliens + Y sapiens africains -> Eurasiens».

En d'autres termes, l'histoire du métissage néandertalien-sapiens s'écrit petit à petit, et le séquençage récent de l'ADN de OASE 1, un métis néandertalien-sapiens découvert en Roumanie en suggère une version.

Tous les Eurasiens sont en effet des métis de Homo neanderthalensis et de Homo sapiens, qui portent en eux entre 1 et 3% de gènes néandertaliens. Il y a donc bien eu un ou plusieurs métissages néandertalien-sapiens accompagnés de très nombreuses interactions culturelles, qui ont sans doute joué un rôle dans l'adaptation des sapiens aux conditions eurasiennes. Trop souvent, sous l'influence du darwinisme social et des idéologies racistes, on a imaginé une extermination de néandertaliens «inférieurs» par des sapiens «supérieurs». Il est bien plus vraisemblable que les clans sapiens hardis et pleins de curiosité (comme l'est notre espèce) ont été contents d'échanger avec les clans néandertaliens si bien adaptés à l'environnement eurasien. Pour leur part, les clans néandertaliens étaient en si faible nombre et pratiquaient un mode de vie si extensif, qu'ils auraient été voués à l'extinction, s'ils n'avaient vu toute occasion d'échange, notamment génique, comme une opportunité vitale. Comme cela s'observait encore au XXe siècle chez les Inuits – un peuple arctique dont les clans sont extrêmement isolés –, les cultures néandertaliennes intégraient donc vraisemblablement des traits facilitant l'hospitalité et les échanges géniques. En ces temps préhistoriques encore très éloignés du développement du patriarcat, il est imaginable que les coureurs de piste sapiens envoyés par leurs clans explorer le territoire, qui se retrouvaient dangereusement isolés dans la nature, ont pu être recueillis par des clans néandertaliens, où ils ont trouvé une hospitalité revigorante à tous les sens du terme. Oui, il est probable qu'un jour, un grand père néandertalien nommé MAX s'est réjoui en constatant qu'il avait passé sa blondeur à sa petite fille ÎNTELEPCIUNE, une sapiens typique avec son front haut et son menton plus prognathe que le sien. Or on vient peut-être de découvrir l'ADN de la fille d'ÎNTELEPCIUNE en Roumanie! MICA, un H. sapiens mort, il y a entre 47000 et 43000 ans nous a en effet laissé sa mandibule dans la grotte roumaine de Pestera cu Oase:

Pestera cu Oase signifie «Grotte aux ossements» en roumain. Ce lit d'ossement laissé par un ours des cavernes est attenant à la «salle d la mandibule», où a été trouvé Oase 1. Le point rouge indique où a été trouvé Oase 2OASE 2, le crâne d'un adoslescent sapiens, qui lui aussi portait des traits néandertaliens. (C:Richards et al. 10.1073/pnas.0711063105.)

Pestera cu Oase signifie «Grotte aux ossements» en roumain. Ce lit d'ossements laissé par un ours des cavernes témoigne du régime omnivore de l'ursidé. Il est attenant à la «salle de la mandibule», où a été trouvé OASE 1. Le point rouge indique où a été trouvé OASE 2, le crâne d'un adolescent sapiens, qui lui aussi portait des traits vraisemblablement néandertaliens.
(C:Richards et al. 10.1073/pnas.0711063105.)

Typiquement sapiens, cette mandibule portait quelques traits néandertaliens. Elle a livré un génome humain qui vient d'être séquencé. Or il contient de l'ordre de 8% de gènes néandertaliens! Pour les paléoanthropologues, c'est une sensation, puisqu'aucun autre fossile humain connu ne contient autant de gènes néandertaliens… En outre, ce génome contient des segments d'ADN néandertaliens d'une longueur telle, qu'en effet, MICA peut être la fille d'ÎNTELEPCIUNE, l'arrière petite-fille de MAX… Chose curieuse les gènes de MICA sont plus proches de ceux des Extrêmes Orientaux que de ceux des Européens actuels. Comment s'explique cette bizarrerie? L'existence de MICA, c'est-à-dire d'un Préhistorique européen anatomiquement moderne dont un arrière-grand-parent a pu être néandertalien (ou plusieurs arrière-arrière-grands-parents) prouve déjà qu'un métissage néandertalien-sapiens a eu lieu en Europe. On s'en doutait déjà pour de nombreuses raisons, la principale étant que lorsque des pionniers sapiens ont pénétré en Europe il y a quelque 43000 ans, cette péninsule continentale terminale de l'Eurasie était l'endroit du monde où il y avait la plus grande densité de néandertaliens. La plus grande densité au monde,… mais une densité très faible : on estime en effet qu'il y a toujours eu moins de 0,005 néandertalien par kilomètre carré... Bien que leur nombre ait varié pendant les 160000 ans d'existence de leur population, les néandertaliens étaient typiquement 50000 pour un territoire excédant les 10 millions de kilomètres carrés. Cela implique que l'île-de-France, par exemple, n'accueillait que deux à trois clans néandertaliens… Guère plus nombreux au début, les clans d'hommes modernes qui rencontrèrent des clans néandertaliens en entrant en Europe furent sans doute contents d'échanger avec eux, notamment des gènes, des idées, des techniques, des connaissances topographiques, etc. On sait en tout cas qu'ils se sont croisés et sans doute côtoyés, comme en atteste le cas de Buran-Kaya III, un site de Crimée, où les préhistoriens ont eu la surprise de trouver une strate néandertalienne recouverte par une strate szélétienne (une culture matérielle sapiens d'Europe orientale), elle-même recouverte par une strate néandertalienne...

On voit donc qu'un métissage tardif s'est produit en Europe peu avant la disparition des dernières cultures néandertaliennes, et il est probable qu'il s'est accompagné de l'apparition de cultures de transition chez les néandertaliens, telle le Châtelperronien (38000-32000) dans le sud-ouest de la France. Nommons ce métissage tardif M5.

M5 a été probablement précédé de plusieurs autres métissages. Le plus ancien, qui se serait produit au Proche-Orient entre -86000 et -37000 ans aurait surtout été intense après -60000 ans, quand s'amplifie l'expansion sapiens en Eurasie. C'est ce métissage, que nous étiquetterons M1, qui serait à l'origine du fond néandertalien, que portent tous les Eurasiens dans leurs gènes. Estimons arbitrairement sa contribution à quelque 1% des gènes Eurasiens. Toutefois, très peu après M1, certains des clans sapiens qui ont quitté le Proche-Orient et se sont dirigés soit vers l'Est en direction de la Mongolie actuelle en traversant des régions peuplées de néandertaliens, de sorte qu'un deuxième métissage – nommons-le M2 – a vite renforcé les effets de M1. Dans le même temps, certains autres clans se sont dirigés vers le nord en longeant la mer Caspienne, et là aussi,  ils sont arrivés dans des régions peuplées de néandertaliens, où un troisième métissage – nommons-le M3 – s'est produit sans doute en même temps que M2.

Selon moi, les Eurasiens produits par M1 + M2  ou par M1 + M3 seraient restés aux latitudes eurasiennes moyennes (dans la bande steppique eurasienne, qui va de la Hongrie au Pacifique), puis après M2 et M3 se seraient rencontrés et mélangés produisant un même type de métis. Ce seraient eux qui auraient envoyés vers l'Ouest les Aurignaciens et d'autres cultures sapiens investir l'Europe et vers l'Est certains des ancêtres des Mongols et des Extrêmes Orientaux ; du moins est-ce que suggère le site mongol de Tsatsyn Ereg 2, où une culture matérielle à débitage Levallois (typiquement néandertalien normalement) vieille de quelque 40000 ans a été retrouvée, sans que ses porteurs, présumés sapiens, ne puissent être identifiés:

L'abri effondré de Tsatsyn Ereg 2 se trouve au centre de cette barre basaltique située au beau milieu de la steppe mongolienne. (C: A. Simonet, Mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie.)

L'abri effondré de Tsatsyn Ereg 2 se trouve au centre de cette barre basaltique située au beau milieu de la steppe mongolienne.
(C: A. Simonet, Mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie.)

Ma théorie du M1 + M2 + M3 expliquerait que les gènes de MICA, l'arrière petite fille de Max sont plus proches de ceux des Extrêmes Orientaux actuels, qu'ils ne le sont de ceux des Européens actuels. Le type humain M1 + M2 + M3 aurait fournit tous les sapiens se déplaçant le long de la steppe Eurasiatique, et donc les premiers Aurignaciens qui ont pénétré en Europe, tel ÎNTELEPCIUNE et les ancêtres des Extrêmes Orientaux actuels septentrionaux.

Mais alors d'où sont sortis les Européens actuels? À l'échelle du monde, cette population est celle qui comprend le plus de blonds et de roux; ses membres ont la peau très blanche (autant que certains Eurasiens orientaux septentrionaux ), ce qui suggère un long séjour de ses ancêtres sous des latitudes élevées, où le soleil était souvent absent, du moins en hiver. Bien entendu, le dernier maximum glaciaire, à lui seul, peut expliquer la sélection de tels traits, mais gageons qu'ils sont aussi fréquents parce qu'ils sont anciens. Ce point de vue fait penser qu'un quatrième métissage – le métissage M4 – a eu lieu entre les sapiens qui, en quittant le Proche-Orient, se sont dirigés vers le nord européen et sibérien. Là, étant donné les conditions de vie difficiles, ils ont rencontrés moins de néandertaliens que les autres groupes, mais ont pu avoir avec eux des interactions culturelles fructueuses, car, comme le montre bien le cas des Inuits, vivre très au nord implique une haute technologie de chasse et de protection contre le froid:

Un Inuit protégé par des fourrures bien cousues en train de viser au harpon.

Un Inuit protégé du froid par des fourrures bien cousues par les femmes du clan en train de viser une proie au harpon.

De notre point de vue, aller vers le nord peut sembler désavantageux, mais pas du point de vue d'un chasseur-cueilleur, puisque les «savanes du Nord», la steppe périarctique où il est facile de se déplacer et de voir, regorgeaient de troupeaux de gros herbivores, en d'autres termes de grandes ressources en énergie, difficiles à débusquer dans une forêt. Du reste, les néandertaliens aussi ont manifestement longtemps profité des avantages de cet environnement, puisque ce sont des hyperboréaux, c'est-à-dire des humains dont le corps a évolué pour s'adapter au froid boréal. Il est donc clair qu'ils ont longtemps vécu sous des climats péri glaciaires. C'est pourquoi, comme les Européens qui ont exploré le cercle polaire en s'inspirant des techniques de survie des Inuits, les sapiens qui se sont avancés vers le nord ont vraisemblablement profité de l'exemple des néandertaliens qui y vivaient. Toutefois, étant donné les rudes conditions de vie, ces derniers y étaient sans doute encore plus rares qu'au Proche-Orient ou plus loin vers le Sud de l'Eurasie, de sorte que le quatrième métissage qui s'est produit au nord de l'Eurasie a pu être limité et ne pas donner aux conquérants sapiens du nord autant de gènes néandertaliens que ce qui était le cas pour les sapiens métissés issus de M1 + M2 + M3. Les strates finales du site de Buran-Kaya III (Crimée) suggèrent que dès -38000 ans des porteurs de la cultures gravettienne y séjournent, donc sont déjà présents en Europe orientale. Probablement issue de Sibérie, cette culture pourrait avoir été celle des Eurasiens produits par les métissages M1 + M4 qui aurait donné les ancêtres des Gravettiens.

À partir de -28000 ans, des Gravettiens vivent dans toute l'Europe, où ils atteignent, pense-t-on, des densités nettement supérieures à celles des Aurignaciens ; on parle de 0,5 habitant/kilomètre carré, ce qui est 100 fois plus que la densité de population néandertalienne, et vraisemblablement nettement plus que la densité de population aurignacienne. Dès lors, ils rendent les gènes aurignaciens et leur proximité avec ceux des Extrêmes Orientaux, génétiquement peu significatifs. Cette dilution du premier génome sapiens européen sera renforcé au Néolithique par l'arrivée des paysans, nettement plus nombreux que les Mésolithiques descendant des Gravettiens, qui vivent alors en Europe ; or les paysans viennent du Proche-Orient, de sorte qu'ils sont vraisemblablement les descendants de sapiens produit par le métissage M1, bref moins métissés que les sapiens M1 + M2 ou M1 + M3. Le génome européen actuel serait donc un génome produit surtout par le métissage M1, ce qui est ce que les paléogénéticiens disent constater.

MAX, avec qui j'en parlais grâce à mon tPhone (time Phone), un appareil permettant de parler à travers le temps, est d'accord avec moi. Avec les faibles moyens techniques de son époque, il m'a envoyé cette carte résumant l'histoire du métissage néandertalien-sapiens:

L'histoire du métissage néandertalien-sapiens selon MAX (C: François Savatier)

L'histoire du métissage néandertalien-sapiens selon MAX
(C: François Savatier)

 

 

 


6 commentaires pour “Un métis européen aux gènes paléo-chinois suggère une histoire du métissage néandertalien-sapiens”

  1. severine Répondre | Permalink

    passionnant ! Mais comment fait on pour distinguer les gènes issus d'un croisement Néandertalien / Sapiens, des gènes qui seraient hérités d'un ancêtre commun ?

    • François Savatier Répondre | Permalink

      Bonjour,

      et pardonnez-moi de ne vous répondre que si tard. Votre question est très pertinente. Voici comment, à partir de mes connaissances générales (trop générales.), je peux vous répondre.

      Vous n'ignorez pas que depuis 2004, le génome (l'ensemble des ADN) de Homo sapiens est séquencé, c'est à-dire lu lettre à lettre, ou si vous préférez nucléotide par nucléotide (adénine thymine, etc.). Qu'est-ce que cela veut dire? Que l'on a lu tous les gènes (segments de ruban d'ADN codant des protéines) et tout l'ADN non codant. D'abord réussie péniblement pour un ou deux de nos contemporains, cette opération a ensuite été industrialisée et se pratique aujourd'hui en série, de sorte que les génomes de contemporains qui ont été séquencés sont aujourd'hui chaque jour plus nombreux. Puisque plus de 99,5% de l'ADN humain est commun avec celui d'un chimpanzé, il est clair que nos contemporains ont des ADN très proches; les différences consistent en versions de gènes différentes sur l'un des brins (allèles) du double brin de la spirale d'ADN. Ces allèles sont apparus à l'occasion d'une mutation, de sorte que pour une même zone d'ADN, il peut exister dans la populations des versions différentes.

      Bien entendu, si notre ADN est si proche de celui des chimpanzés, il est clair que l'ADN des néandertaliens et celui des sapiens sont encore plus proches. Toutefois, il y a de l'"ADN néandertalien" dans la mesure où il y a des séquences ou si vous voulez des jeux d'allèles, dont les paléogénéticiens nous disent qu'elles ne se rencontrent que chez Homo neanderthalensis.

      Le déterminer est une affaire très technique, et il faut croire les paléogénéticiens sur parole... Néanmoins, si j'ai bien compris, voilà à peu près comment ils l'ont appris. Vous n'ignorez pas non plus que le génome néandertalien aussi a été séquencé. Il s'agit d'un génome fossile, ce qui a rendu la chose d'une difficulté extrême, d'abord parce que les ossements néandertaliens contenant encore de l'ADN humain sont rarissimes. Ensuite, si je vous dis qu'à l'intérieur de chacune de nos cellules chaque brin d'ADN est lésé et réparé par les ouyvriers de l'usine cellulaire de l'ordre d'un million de fois par seconde, vous comprendrez que les centaines de milliers de kilomètres d'ADN soient fragiles! Lorsqu'un individu meurt, la machinerie cellulaire s'arrête et elles ne sont plus réparées, de sorte qu'elles se brisent en rubans plus ou moins longs, mais dont les morceaux les plus courts peuvent ne contenir que 10 bases... et d'autres plusieurs milliers ou dizaines de milliers. À cela s'ajoute que tous ces rubans vont très vite (à l'échelle géologique) être mélangés aux fragments de l'ADN des myriades d'organismes nécrophages (bactéries, champignons) venus consommer le cadavre aussitôt après la mort et ensuite morts sur place... Bref pour séquencer l'ADN néandertalien, les paléogénéticiens ont dû mettre au point des méthodes pour, après avoir séquencé tous les rubans d'ADN trouvé dans un vieil os, distinguer les rubans d'ADN des bactéries et champignons nécrophages des rubans d'ADN humain. Longtemps, ce tri a semblé impraticable, puisque dans un échantillon contenant de l'ADN humain (déjà rarissime), il y a pour chaque fragment d'ADN humain plusieurs millions de fois plus d'ADN non humains... Même avec les méthodes ultrapuissantes de la bioinformatique, il aurait fallu des temps de calculs se mesurant en siècles pour y arriver... Les choses ont changé le jour où les paléogénéticiens ont trouvé les moyens chimiques d'étiqueter l'ADN humain (néandertalien en l'occurrence). Les temps de tris ont alors été divisés par un facteur se mesurant en millions et l'ADN néandertalien a été déclaré séquencé pour la première fois en 2010, chaque zone de l'ADN ayant été lu à la machine des dizaines de fois sur des brins de longueurs différentes, dont les suites de lettres ont ensuite étés superposées informatiquement de façon à recombiner numériquement tout la longueur de l'ADN.

      Si je vous ai décrit cela sommairement, c'est parce que cela permet de répondre à votre question : «Mais comment fait on pour distinguer les gènes issus d'un croisement Néandertalien / Sapiens, des gènes qui seraient hérités d'un ancêtre commun ?»

      Une fois l'ADN fossile séquencé, il est comparé gène par gène (à l'ordinateur) à celui de nos contemporains, chaque jour mieux connu dans sa diversité. Cette comparaison livre des séquences d'ADN communes aux sapiens et aux néandertaliens (la plupart) et des séquences qui ne le sont pas, que l'on qualifie d'«ADN néandertalien». Ces séquences peuvent comporter plusieurs millions de bases à la suite. Il y a donc des «gènes néandertaliens», c'est-à-dire des zones d'ADN codants à l'origine des traits physiologiques néandertaliens, tels le menton en retrait, le crâne allongé vers l'arrière, les grandes orbites, le pouce mieux articulé que le notre, la peau blanche, les cheveux blonds et roux, etc. etc.

      Or lors de la formation de l'ADN d'une nouvelle personnes humaine, la moitié de l'ADN nucléaire provient de la mère et l'autre moitié du père, de sorte que les métis néandertaliens/sapiens de première génération se sont retrouvés avec 50% d'ADN néandertalien, proportion qui a ensuite baissé de génération génération (à peu près 2000 générations depuis la disparition des néandertaliens) jusqu'au 1 à 3% d'ADN néandertalien des Eurasiens d'aujourd'hui. Néanmoins, les séquences d'ADN néandertaliens comprises dans l'ADN sapiens sont encore longues. Dans le cas d'un métis dont un arrière grand parent était néandertaliens, elles peuvent comporter plusieurs dizaines de millions de bases à la suite et, donc, leur nature d'«ADN néandertalien» ne fait aucun doute, puisque les versions des rubans équivalents dans le génome sapiens sont toutes nettement différentes. Les paléogénéticiens emploient des méthodes statistiques sophistiquées pour déterminer le degré néandertalien d'un génome. Tout cela est si technique que des expression comme «ADN néandertalien» (alors que nous avons 70% d'ADN en commun avec le haricot) ou «ADN sapiens» cache en fait des enfers techniques faits de définitions chimiques et statistiques de ce qui fait qu'un ADN est caractéristique d'une forme vivante ou d'une autre.

      N'étant pas paléogénéticien, mais journaliste, vous vous doutez que je ne maîtrise pas tout çà, du reste si sophistiqué, que les paléogénéticiens eux-mêmes ne le maîtrisent qu'en équipe... En fait la complexité de l'ADN et des méthodes de sa lecture systématique et de son étude bioinformatique dépasse dans le détail l'esprit humain (ces méthodes résultent de siècles de travail par des biologistes, des physiciens, des chimistes et des mathématiciens), de sorte qu'elle dépasse aussi l'esprit d'un… journaliste aussi humain que moi. Aussi, chère lectrice, vous voudrez bien me pardonner d'avoir été approximatif dans ma description; pour autant, j'espère vous avoir persuadée que la notion d'«ADN néandertalien» a un sens précis, même s'il faudrait faire défiler des dizaines de spécialistes pour définir ce sens complètement et dans tout ses détails...

      François SAVATIER

  2. Lucie desgagnés Répondre | Permalink

    Vos articles sont passionnants! Est-ce que mon ancêtre est le même que le croisement néandertalin/Sapien? Je suis Québecoise d'origine Française/Normandie.

  3. Jacob Debord Répondre | Permalink

    Intéressant, mais lorsque vous affirmez que la peau blanche est le signe d'ancêtres vivants sous un climat froid et sans soleil, regardez les Inuits actuels... ils sont pourtant très bronzés et tannés, précisément parce que leur environnement blanc reflète particulièrement bien la lumière diffuse du soleil. Et de même les Amérindiens, dont on suppose que les ancêtres ont traversé le détroit de Béring avant de s'implanter dans le nord de l'Amérique, ils n'ont pas perdu de pigmentation, alors que leurs conditions de vie étaient, au moment du passage, les mêmes que celles des Inuits. D'où viendrait la pigmentation blanche, ou plutôt l'absence de pigmentation des Européens actuels 🙂 ?

    • François Savatier Répondre | Permalink

      Bonjour,

      je n'avais pas noté votre intéressante remarque, que commente comme suit. Ce que je sais, c'est que l'on lit que la peau translucide des Eurasiens est une adaptation dans la mesure où elle favorise la synthèse de la vitamine D dans la peau. Une cartographie de la couleur de peau des populations humaines confirme absolument cette thèse dans la mesure où plus une population est septentrionale, plus sa peau est claire.

      Le cas des Inuits apparaît donc comme une exception. Les Inuits devraient avoir une peau très claire, car, au contraire de ce que vous écrivez, ils vivent dans un environnement où, à l'échelle de l'année, l'insolation est très faible (la nuit l'emporte sur le jour pendant six mois par an). Or, ils ont, comme vous le soulignez, une peau cuivrée, qui filtre bien le soleil. Cette anomalie pourrait être liée à une arrivée relativement récente des Inuits dans le grand Nord (leur origine est mal connue à l'échelle des dizaines de milliers d'années). Sinon, on peut observer qu'il se peut que la grande carnivorie des Inuit les protège contre la carence en vitamine D. Consommant beaucoup de viande et notamment de la graisse de phoque (riche en vitamine D puisque sous la peau), ils auraient eu de tout temps leur content de vitamine D. Ainsi, les effets de la pression sélective à l'origine de la sélection de la peau translucide au sein des populations vivant plus au sud sous des latitudes nébuleuses auraient été annulés par le mode de vie des Inuits. Cette interprétation semble renforcée par le fait que les Inuits actuels, qui ont fait une transition vers un régime de type occidental, développent de fortes carences en vitamines D, d'après ce que l'on lit:

      http://www.circumpolarhealthjournal.net/index.php/ijch/article/view/18001

      Voilà ce qui me paraît plausible, qui pourrait expliquer l'anomalie que représente la peau inuit. Tout cela demanderait de vérifier que la diète traditionnelle inuit a bien les effets que je prévois, ce qui me paraît aussi très plausible. À l'occasion, je regarderai si une publication scientifique traite de ce sujet.

      Merci pour votre intéressante question!

      François SAVATIER

  4. Tu-Anh PHO Répondre | Permalink

    Bonjour,

    Vos articles sont toujours très intéressant. Et ils titillent ma curiosité.

    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi «X néandertaliens + Y sapiens africains -> Eurasiens». Pourquoi, le "père" est Sapiens et la "mère" Néandertalienne ?

    Cordialement,

    Tu-Anh.

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