Coupe du monde 2014 : le complot de la FIFA

24.06.2014 | par Loïc Mangin | Articles & Billets

Quel est le point commun du lion (à deux reprises), du chien, du coq et du léopard ? Ces bestioles ont été les mascottes des coupes du monde de football depuis1966. J’aurais pu ajouter une orange et un piment, mais ce n’est pas le Best of Pétioles ici ! Quelques humains et des créatures indéfinissables ont aussi joué ce rôle. Voilà le récapitulatif.

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Et en 2014, au Brésil, c’est un certain Fuleco qui endosse le costume. Ce drôle de nom associe les mots futebol et ecologia. Est-il nécessaire de les traduire ?

Fuleco. © FIFA

Fuleco. © FIFA

L’animal en question est un tatou à trois bandes (Tolypeutes tricinctus). Idéal aussi pour un championnat du monde de billard. Les Brésiliens le surnomment tatu-bola (soit tatou-boule).

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Voyons en quoi il est particulier. D’abord il aurait été choisi grâce aux efforts de persuasion de l’Associação Caatinga, qui a su convaincre la FIFA. L’ONG brésilienne souhaitait attirer l’attention sur la destruction de l’habitat de cette espèce de tatou, en l’occurrence la forêt de Caatinga.

La forêt de Caatinga est au Nord-Est du Brésil. © NASA/Miguelrangeljr

La forêt de Caatinga est au Nord-Est du Brésil. © NASA/Miguelrangeljr

La forêt de Caatinga pendant la saison des pluies. © A. Patrick

La forêt de Caatinga pendant la saison des pluies. © A. Patrick

La région, couverte d’arbustes épineux et de broussailles, abrite 150 espèces de mammifères, 350 d’oiseaux et 150 de reptiles. Un havre de biodiversité dont le tatou à trois bandes est un peu l’emblème. Hélas, cet écosystème est menacé par la chasse et la déforestation. Pour preuve, on a longtemps cru l’espèce disparue. Elle a bien été redécouverte en 1988, mais sa population a diminué de plus d’un tiers ces dix dernières années. Aujourd’hui, elle est classée sur la liste rouge des espèces menacées (en catégorie vulnérable) par l’IUCN (l’Union internationale pour la conservation de la nature).

Outre le souhait de donner un vernis écologique à sa manifestation, la FIFA a peut-être aussi été motivée par le système de défense du tatou. En effet, lorsqu’il se sent en danger, il se roule en boule et protège ainsi ses organes vulnérables sous sa carapace, que seuls les grands carnivores, tels les jaguars peuvent ouvrir. Les tatous sont les seuls mammifères dotés d’une telle carapace.

Un tatou à trois bandes roulé en boule.

Un tatou à trois bandes roulé en boule.

Un tatou à trois bandes roulé en boule.

Un tatou à trois bandes roulé en boule.

Il ressemble alors à un ballon de football, non ?

© Adidas

© Adidas

Le tatou à trois bandes est l’une des 21 espèces de tatous que l’on trouve en Amérique tropicale et jusqu’au Texas dont il est même un des symboles officiels. Elles constituent ensemble la famille des Dasypodidae et se répartissent en trois sous-familles : Dasypodinae, Euphractinae et Tolypeutinae. Le tatou à trois bandes appartient à cette dernière. Voici quelques exemples.

Un tatou à neuf bandes Dasypus novemcinctus, sous-famille des Dasypodinae. © USFWS.

Un tatou à neuf bandes Dasypus novemcinctus, sous-famille des Dasypodinae. © USFWS.

Un petit tatou velu Chaetophractus vellerosus, sous-famille des Euphractinae. © A. Boucher.

Un petit tatou velu Chaetophractus vellerosus, sous-famille des Euphractinae. © A. Boucher.

Et mon préféré...

Un Chlamydophore tronqué Chlamyphorus truncatus, sous-famille des Euphractinae.

Un Chlamydophore tronqué Chlamyphorus truncatus, sous-famille des Euphractinae.

Parmi les lointains cousins du tatou, on compte des géants tel le Glyptodon qui atteignait deux tonnes !

Un glyptodon. © P. Riha.

Un glyptodon. © P. Riha.

Il a vécu en Amérique du Sud de 30 millions d’années jusqu’à il y a 10 000 ans. L’arrivée des humains sur ce continent lui a été fatale, déjà… Décidément !

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Vous trouverez ici, sur un blog ami, des informations, d’une part, sur les tatous fossiles et, d’autre part, sur le phénomène de convergence évolutive ou comment un crocodile se prend pour un tatou, ou l’inverse, je ne sais plus.

Quelques bizarreries méritent d’être racontées à propos des tatous. Ceux à neuf bandes ont un mode de reproduction étonnant. Ils donnent naissance uniquement à des quadruplets, issus de la scission de l’œuf fécondé, à l’instar des vrais jumeaux chez les humains. Pire, chez le tatou hybride (Dasypus hybridus), une espèce d’Argentine, ce sont toujours des portées de 12 petits ! Ce phénomène, nommé polyembryonie obligatoire, résulterait d’une contrainte liée à la présence d’un unique site d’implantation de l’œuf fécondé dans l’utérus.

Autre étrangeté, trois espèces de tatous (Dasypus novemcinctus, Dasypus hybridus et Dasypus sabanicola) partagent avec l’être humain le privilège de pouvoir contracter la lèpre, cette maladie infectieuse due au micro-organisme Mycobacterium leprae  ! Cela fait du tatou, et notamment celui à neuf bandes (Dasypus novemcinctus), un modèle idéal pour étudier cette maladie. Évitez de manger du tatou, c’est risqué.

Revenons à notre tatou à trois bandes, mascotte de la compétition en cours. En mai, dans un article publié dans Biotropica, une équipe de scientifiques brésiliens a proposé à la FIFA et à Dilma Rousseff (la présidente du Brésil) de protéger 1 000 hectares de forêt de Caatinga pour chaque but marqué. Selon les auteurs, « le choix du tatou ne doit pas seulement être symbolique, mais il doit aussi contribuer à sa préservation et à celle de l’environnement ». Et de poursuivre : « En agissant avec audace, la FIFA et le gouvernement brésilien enlèveraient le tatou à trois bandes de la Liste rouge de l’UICN. Ce serait le plus beau but marqué lors cette Coupe ! » À ce jour, ni la FIFA ni le gouvernement brésilien n’ont répondu à cet appel.

Alors, la FIFA en fer de lance de la préservation de forêt de Caatinga et du tatou à trois bandes ? Peut-être, et de fait la décision leur appartient. En acceptant, l’instance internationale pourrait aller plus loin que le simple choix du tatou à trois bandes comme mascotte.

Mais, au fait, ce geste était-il purement tourné vers la protection de l’environnement, comme l’affirmait en 2012 Jerome Valcke, le secrétaire général de la FIFA, lors de l’annonce de la nouvelle mascotte : « L’un des objectifs de la Coupe du Monde 2014 est de faire de cet événement une plateforme de communication sur l’importance de l’environnement et de l’écologie ». C’est bien beau tout ça, mais… c’est là que l’hypothèse du complot surgit.

Revenez plus haut sur la photographie du ballon officiel Brazuca… Qui en est le fournisseur exclusif ? Le fabricant d’articles de sport Adidas, également sponsor de plusieurs équipes engagées dans la compétition. C’est donc un acteur puissant du monde sportif. Et quel est son logo ? Trois bandes ! Tiens, tiens, tiens comme le tatou mascotte ! N’y aurait-il pas là quelque message subliminal… Étrange, non ?

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