Décapitation et tête en l’air !
En France, l’abolition de la peine de mort a été votée le 18 septembre 1981 et inscrite dans le marbre de la Constitution le 19 février 2007. Le 10 septembre 1977, Hamida Djandoubi fut le dernier condamné à mort exécuté en France et même la dernière personne au monde à avoir été guillotinée. Néanmoins, la décapitation n’a pas disparu. Outre les ignobles exécutions perpétrées par l’État Islamique en Irak et au Levant (Daesh) et par certaines organisations criminelles (par exemple Los Zetas, au Mexique), elle reste officielle dans trois pays : l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar.
Contre toute attente, la décapitation a eu ses « défenseurs » (guillemets indispensables !), car elle apparaissait plus honorable aux aristocrates du Moyen Âge que la pendaison, le bûcher… Ça se discute ! Pourquoi ce préambule guère réjouissant ? Parce que la bestiole du jour est une adepte de la décapitation !
La Découverte du cadavre d'Holopherne, par Botticelli. Pour rappel, le général Holopherne, envoyé par le roi de Babylone aurait été décapité par Judith.
Alors qu’il observait des petites mouches dans la forêt tropicale, le biologiste Giar-Ann Kung, du Muséum d’histoire naturelle de Los Angeles, aux États-Unis, remarqua un étrange comportement. Il en fit part à son collègue Brian Brown pour en avoir le cœur net : ils ne purent que se rendre à l’évidence, les mouches du genre Dohrniphora qu’ils regardaient (de nouvelles espèces) mettaient beaucoup d’ardeur a… découper les têtes de fourmis blessées !
Une femelle Dohrniphora longirostrata décapite une fourmi Odontomachus. © B. Brown
La plupart des espèces connues de Dohrniphora se nourrissent sur des cadavres. Mais là, il en va différemment. Attention, âmes sensibles, s’abstenir. Les mouches adultes femelles sont attirées par les fourmis du genre Odontomachus blessées. Avec leurs pièces buccales coupantes, elles se mettent alors à trancher l'intestin, les nerfs et autres organes qui relient la tête de la fourmi au thorax.
Lorsque la victime est décapitée, après quelques minutes de boucherie, la mouche entraîne la tête dans un endroit isolé et… soit se nourrit de son contenu soit pond des œufs à proximité.
Le fait que les fourmis soient blessées (et elles sont nombreuses à en croire les biologistes) est important, car les espèces du genre Odontomachus sont carnivores et sont pourvues à cet effet de puissantes mandibules. D’ailleurs…
Une fourmi Odontomachus se régale d’une mouche Dohrniphora conlanorum. © I. Strazhnik.
Ce comportement de décapitation par des mouches Dohrniphora est inédit, mais pas surprenant. En effet, on utilise depuis peu des mouches de la même famille (les Phoridae) pour contrôler l’expansion des fourmis de feu (Solenopsis invicta) aux États-Unis, accidentellement introduites dans les années 1930 depuis l’Amérique du Sud.
Une fourmi de feu Solenopsis invicta.
Pour refréner leur conquête de l’Amérique, on utilise des mouches du genre Pseudacteon dont les femelles pondent des œufs dans le thorax des fourmis. Une fois éclose, la larve migre vers la tête où elle se nourrit de tout ce qu’elle trouve (muscles, tissu nerveux…). Au bout de quelques jours (deux semaines environ), la fourmi erre sans but : et pour cause, sa tête a été vidée ! C’est un vrai zombie ! Deux semaines plus tard, des enzymes libérées par la larve dissolvent la membrane reliant la tête au reste du corps : la tête tombe et abrite encore deux semaines la larve qui s’envolera ensuite.
En été, les mouches parfois trop nombreuses vous rendent fous ? Rassurez-vous, c’est aussi le cas chez les fourmis : et elles en perdent la tête !
Pour en savoir plus :
- B. Brown et al., A new type of ant-decapitation in the Phoridae (Insecta: Diptera), in Biodiversity Data Journal, vol. 3, e4299, 2015.