Halloween et clowns : du sang de toutes les couleurs !
Deux actualités inspirent le billet d’aujourd’hui. D’abord, c’était il y a peu Halloween, fête des monstres, des zombies, des vampires et autres créatures le plus souvent assoiffées de sang. Ensuite, des clowns effrayants voire agressifs sèment la terreur dans plusieurs localités de France et de pays voisins. Plusieurs interpellations ont déjà eu lieu et on redoute un regain d’activités de ces « clowns maléfiques » aux couleurs nécessairement criardes. Comment concilier ces deux événements dans le Best of Bestioles ? En parlant de sangs ! J’ai bien mis un « s », car je vais vous parler de plusieurs sangs qui se distinguent par… leurs couleurs. Vous allez en voir de toutes les couleurs de l’arc en ciel. Je m’inspire pour ce billet d’informations publiées récemment (en anglais) sur le site d’un blog dédié aux composés chimiques.
D’abord, un bref rappel : qu’est-ce que le sang ? Il s’agit d’un liquide qui, chez les organismes supérieurs dotés d’un système vasculaire, transporte les gaz respiratoires, les nutriments, les déchets, les hormones, les acteurs de l’immunité…
Chez les humains…

Sissy Spacek (à gauche, en 1976) et Chloë Grace Moretz (à droite, en 2013) dans le film Carrie. © MGM et UA
…le sang est rouge. C’est aussi le cas chez la plupart des vertébrés. Cette couleur est due à l’hème, une petite molécule nichée au cœur d’un cocon de protéine, l’ensemble étant plus connu sous le nom l’hémoglobine. Plus précisément, un atome de fer au milieu de l’hème est responsable de la couleur rouge.
Jusqu’ici, rien que de très classique, mais le clown rouge...
Maintenant, palsambleu, un peu de sang bleu ! Pas celui d’aristocrates ou celui qui coule dans le veines (il n’est pas bleu, mais juste rouge foncé), mais celui (on parle plutôt ici d’hémolymphe) qui circule dans le corps de plusieurs bestioles, tels des araignées, certains mollusques, des crustacés et des chélicérés dont la limule Limulus polyphemus.
Je reviendrai sur le sang de cet animal, et sur celui des pieuvres, qui suscite de nombreux espoirs en médecine, mais, il n’y a pas de doute, il est bleu (lorsqu’il est oxygéné) !
Cette teinte bleue est due à l’hémocyanine qui est l’équivalent de l’hémoglobine. Cette molécule est aussi une protéine complexe, mais ici le cuivre remplace le fer.
Après le bleu…
…le vert ! Cette fois, nous sommes chez certains vers annélides (sangsues, lombrics, vers marins…)
L’oxygène est transporté par une molécule proche de l’hémoglobine où l’hème est remplacé par une molécule voisine nommée chlorocruorine, contenant elle aussi un atome de fer. Qu’il soit oxygéné ou non, ce composé apparaît vert dans des solutions diluées.
Et maintenant, un peu de sang violet, que l’on trouve chez des invertébrés marins, notamment les siponcles, les priapulides et les brachiopodes.
Ici, l’hémoglobine est remplacée par l’hémérythrine.
Cette protéine est incolore en l’absence d’oxygène et adopte une teinte violacée quand elle est oxygénée. Elle recèle également du fer.
Enfin, finissons avec du sang jaune. On le trouve chez certaines espèces d’ascidies et de tuniciers.
Le sang de ces bestioles abrite des cellules (des vanadocytes) riches en une protéine nommée vanadine qui, son nom l’indique, contient du vanadium, au point que le milieu intérieur de l’animal est jusqu’à 10 millions de fois plus concentré en vanadium que l’eau de mer !
On ignore encore si ces protéines transportent bien de l’oxygène, mais en présence de ce gaz les vanadines ont une teinte jaune moutarde. La pire des couleurs pour un clown !!!
Pour en savoir plus :
- Kienle et al., Why do veins appear blue ? A new look at an old question, in Applied Optics, vol. 35, pp. 1151-60, 1996.
- P. Rehm et al., The diversity and evolution of chelicerate hemocyanins, in BMC Evol. Biol., vol. 12, p. 19, 2012.
- Pallavicini et al., The primary structure of globin and linker chains from the chlorocruorin of the polychaete Sabella spallanzanii, in J. Biol. Chem., vol. 276, pp. 26384-90, 2001.
- H. Michibata et al., Vanadocytes, cells hold the key to resolving the highly selective accumulation and reduction of vanadium in ascidians, in Microscopy Research and Technique, vol. 56, pp. 421-434, 2002.