Les mâles sont superflus !
L’humanité vivrait un drame selon certains déclinistes pour qui le monde part à vau-l’eau : dans nos sociétés, le mâle serait victime d’une féminisation et sa virilité serait en faillite ! Jean Jacques Courtine, coordinateur d’une Histoire de la virilité, met à mal cette hypothèse : cette complainte est éternelle et son refrain a été entendu au XVIe siècle quand on abandonna les tournois de chevaliers, à la fin de la Rome antique quand on regretta les temps de la première République, à l’avènement de la démocratie après la Révolution française…
Et bien soit ! Qu’on se débarrasse des mâles ! C’est du moins ce qui se passe chez la bestiole du jour dont les mâles sont devenus superflus. L’animal en question est une cochenille, un insecte hémiptère, à l’instar des cigales, des pucerons, des punaises… Plus précisément, nous nous intéresserons à la cochenille australienne Icerya purchasi.
Analysons d’abord cette image. L’animal est protégé à droite par un bouclier cireux blanchâtre, tandis que l’on aperçoit à gauche un sac blanc cannelé blanc, cet ovisac contenant les œufs.
Sur la vue ventrale, on distingue les pattes de l’insecte.
Les œufs éclosent dans le sac et donnent naissance à des larves d’un rouge foncé.
La cochenille d’Australie, décrite pour la première fois à partir de spécimens de Nouvelle-Zélande, est un parasite d’une cinquantaine d’arbres (elle se nourrit de la sève des plantes), en particulier des agrumes du genre Citrus. Autre souci, l’insecte produit un miellat, apprécié de certaines espèces de fourmis, qui favorise le développement de la fumagine. Cette maladie se traduit par une sorte de moisissure noire due à un champignon (Capnodium oleaginum ou Fumago salicina) dont les spores se déposent et se développent sur le miellat. Trop importante, la fumagine diminue la photosynthèse, asphyxie la plante dont la croissance est donc ralentie. Originaire d’Australie, on trouve désormais cette cochenille dans le monde entier.
Mais ce n’est pas son caractère d’espèce invasive néfaste qui nous intéresse ici. La cochenille d’Australie a été étudiée par Andy Gardner, de l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, et Laura Ross, de l’Université du Massachusetts, à Amherst, aux États-Unis. Cette espèce est haplodiploïde, c’est-à-dire qu’un ovule non fécondé se développe en mâle, tandis que les ovules fécondés deviennent des femelles. Autre particularité, la cochenille australienne est l’une des seules trois espèces hermaphrodites connues. De fait, la femelle peut féconder ses propres ovules.
Toutefois, elle ne recourt pas à des spermatozoïdes qu’elle produit elle-même, mais elle utilise ceux contenus dans un tissu particulier, une spermathèque, qui a été précédemment laissé par un mâle. Or ce tissu, dont la persistance dans le corps est vraisemblablement facilitée par des bactéries endosymbiotes qui évitent le rejet, est transmis d’une génération à l’autre, de mère en fille. Une sorte d’hermaphrodisme acquis ! Précisons que toutes les femelles ne sont pas dotées de ce tissu « parasite », et que celles qui en sont dépourvues s’accouplent.
Ce tissu héritable procure un avantage au père, car il féconde à la fois la mère et les filles, ce qui augmente la transmission de ses gènes. Qu’en est-il de la mère ? On a longtemps cru que le tissu « parasite », en puisant de l’énergie qui pourrait être utilisée pour d’autres fonctions, constituait un inconvénient. L’équilibre coût-bénéfice pour les mères favoriserait donc le maintien dans la population des deux stratégies, l’hermaphrodisme et l’accouplement.
Cependant, l’étude des deux biologistes, fondée sur des modèles mathématiques, va dans le sens contraire. Prenons le cas d’une fille (dotée des génomes paternel et maternel) qui a hérité du tissu fécondant : en y puisant des spermatozoïdes (le tissu, qui est plus qu'un simple « réservoir » continue de produire des spermatozoïdes) plutôt qu’en s’accouplant, elle donne naissance à des filles qui ont le même génome qu’elle. Elle conserve donc l’ensemble des gènes familiaux au sein de sa lignée. L’avantage est à l’hermaphrodisme.
Mauvaise nouvelle pour les mâles donc, qui sont déjà rares : ils sont vraisemblablement condamnés à disparaître !
La cochenille d’Australie va ainsi beaucoup plus loin que certaines espèces où les femelles dominent l’organisation sociale sans s’affranchir des mâles. C’est le cas des éléphants, des orques et surtout des hyènes dont les groupes sont menés par des femelles dominantes, ce statut se transmettant de mère en fille. On dit que les mâles seraient souvent maltraités par les femelles…
Pour ajouter à la confusion, j’avais parlé dans un billet précédent pourquoi certaines populations ont cru qu’il n’y avait que des mâles chez les hyènes. En fait, les femelles sont dotées d’un clitoris hypertrophié qui ressemble à s’y méprendre à un pénis.
Revenons à la cochenille d’Australie. Elle serait en voie de constituer un équivalent entomologique des célèbres Amazones, ces femmes guerrières qui avaient l’habitude, selon la légende, de tuer leurs enfants mâles.
Pour en savor plus :
- A. Gardner et L. Ross, The evolution of hermaphroditism by an infectious male-derived cell lineage: an inclusive-fitness analysis, in American Naturalist, vol. 178, pp. 191-201, 2011.
conserver le même génome n'est pas forcément un avantage à long terme. L’intérêt du sexe est d abord de créer de la diversité et par là une meilleure résistance immunitaire. Un virus ou autre maladie pourrait en effet décimer très rapidement ces familles de cochenilles. Et donc redonner de l importance aux mâles 😉
This is very informative post !! thanks for share it with us
Nice article! Thanks
Medical marijuana card in Saint Peterburg by My Florida Green is now easily available to our customers which they can fully rely and use half their purposes.
This one is the best article that I have ever read. There are many good points for people like me, and if you are really interested in topic like this, I also have something more interesting here. 안전놀이터