Un envahisseur venu d’Asie, le moustique tigre
Un émigré de fraiche date est en train de nous envahir. Chaque année, il double sa surface de colonisation et devrait occuper entièrement notre pays en 2030. Je parle bien évidemment du moustique tigre, Aedes albopictus pour les intimes. Il est à peine visible, mais rayé comme un zèbre d’où son nom… Ses piqures sont moins désagréables que celles des 67 espèces de moustiques bien de chez nous, mais à la différence de la plupart des 3.500 autres espèces de moustiques (soit autant que de mammifères), il est silencieux et diurne. Originaire de l’Asie du sud, il pondait dans les souches d’arbres. Puis, il s’est modernisé en préférant la ville à la campagne et en déposant ses œufs dans les pneus. Or, quelle que soit la manière dont un pneu est lancé, il constitue un réservoir pour les eaux de pluie et donc une mare pour les larves de moustiques qui donnent des adultes en une semaine. Comment cet étranger particulièrement agressif est-il venu chez nous ? Par les pneus de camions et d’avions qui voyagent sur les cargos pour être recyclés. Ce moustique est pourtant un grand paresseux qui ne s’éloigne pas de plus de 100 m de son lieu de naissance. Mais il sait profiter des transports publics et se fait véhiculer dans les trains et voitures, les toilettes des aires d’autoroutes constituant des relais de sa progression d’une ville à l’autre !
Il vivait depuis une vingtaine d’année en Italie du nord, en particulier dans les urnes funéraires des cimetières… Puis, il a passé la frontière et conquiert en ce moment plusieurs départements français par an. Les mâles de tous les moustiques sont des doux qui se nourrissent du nectar des fleurs, mais les femelles sont d’affreux vampires qui doivent prélever une goutte de sang pour trouver les protéines indispensables à la ponte (200 œufs pour la tigresse). Ce moustique, qui est apparu à Montpellier il y a seulement trois ans, a pullulé cet été, obligeant les propriétaires de jardins à se calfeutrer. Ces femelles ne se contentent pas de pourrir la vie des estivants, elles constituent le principal vecteur de nombreuses maladies et parasitoses comme les filaires. 1/3 de la population de La Réunion et une bonne partie de la Martinique ont contracté le chikungugnya, ce qui en swahili signifie ‘homme cassé’ à cause des douleurs rhumatismales. Cette maladie véhiculée par ce moustique est bénigne, mais peut être dangereuse pour les personnes fragiles comme les enfants et les vieillards. Elle a touché 300 italiens et, cet été, 12 montpelliérains appartenant à deux familles, le porteur étant un camerounais. L’Entente Interdépartementale pour la Démoustication du littoral méditerranéen a traité par un insecticide (du même type que ceux de nos bombes) les abords des domiciles des malades dont certains ont souffert de séquelles pendant plusieurs semaines. Pourquoi ne pas généraliser le traitement ? L’EID craint de créer une résistance à l’insecticide en traitant massivement, ce qui la laisserait sans arme ensuite. Heureusement, la maladie est apparue à l’automne quand les adultes vecteurs se trouvaient en fin de cycle. Le danger est cependant toujours présent lorsque les moustiques de 2015 piqueront un nouveau voyageur malade.
Un risque plus grand existe car le même moustique transmet la dengue, une autre maladie tropicale mais avec 20% de formes sévères, dont plusieurs cas viennent d’être signalés en région PACA… Les symptômes, qui apparaissent quelques jours après la piqure, sont proches mais accentués : forte fièvre, douleurs rhumatismales et musculaires, éruptions cutanées comme la rougeole. Il n’existe là encore aucun traitement préventif ou curatif, ni vaccin. Impuissantes à juguler cette invasion de tigres, les autorités renvoient la balle aux particuliers qui doivent veiller à ne plus créer de lieux de ponte comme les pneus, les récipients abandonnés, les citernes, ou tout simplement les soucoupes d’eau sous nos pots de fleurs. Vœu pieux quand on connait l'individualisme ambiant ? Il y a des astuces pour éviter de surveiller les récipients : placer une moustiquaire ou 5 cm de billes de polystyrène sur les bacs de récupération d’eaux de pluie, mettre de la terre dans les soucoupes pour garder l’humidité de nos fleurs sans faire un élevage. Ce n’est pas gagné mais, signe encourageant, une maladie aussi redoutable et tenace que le paludisme est en train de régresser dans les régions tropicales, en particulier depuis que les moustiquaires traitées ont été généralisées... Soyons vigilant car 1) une épidémie de malaria est apparue à Montpellier et en Camargue lors de l’arrivée de soldats du Moyen-Orient pendant les deux guerres mondiales, 2) le virus africain West Nile transmis des oiseaux migrateurs aux chevaux de Camargue par les moustiques a provoqué une épidémie début 2000 et 3) la Camargue a constitué avec la Corse le dernier foyer français de paludisme jusqu'en 1960…