La grenouille gobe t’elle aussi les cailloux ?
une introduction aux neurosciences computationnelles.
Prenons une grenouille. Et une mouche qui passe devant la grenouille. Certes: voilà la grenouille qui va gober la mouche. Mais. Mais ce qui est «scientifiquement» stupéfiant c'est que la mouche est plus rapide que la grenouille ! La grenouille ne va donc pas gober la mouche là où elle la voit (elle la manquerait), mais là où elle sera à la fin du mouvement de la grenouille : détection du mouvement de la mouche, prédiction de la position de la mouche dans le futur, auto-calibration de la grenouille qui sait quelle est la lenteur de sa langue par rapport à la mouche . . Que de calculs pour tout cela. Mais il y a plus stupéfiant encore. Si d'aucun ramasse un petit caillou de la même taille que la mouche et le lance devant la grenouille . . alors . . et bien alors la grenouille ne peut que gober le caillou avec le même entrain que si c'était une mouche . Car aussi performant et bien adapté à sa survie que soit son petit système nerveux, il s'avère qu'il reste . . un stupide mécanisme, totalement dénué de pensée. Exactement comme un ordinateur ou un robot: ils calculent de manière fabuleusement rapide et performante mais restent totalement dénués de pensée.
Une méthode scientifique, dite «systémique». Cette modeste anecdote nous enseigne quatre choses:
1. Penser en terme de système : pour comprendre comment fonctionne une grenouille nous la considérons comme un mécanisme avec des entrées (ici : visuelles) des sorties (ici : son mouvement) liées à un état interne (ici: sa faim, etc..) et un «algorithme 1 » qui en fonction des entrées et de son état interne va engendrer des sorties (ici: vers la mouche). Une telle vision est réductrice, mais fructueuse : on peut décrire son fonctionnement, le simuler numériquement (ex: créer une petite grenouille numérique dans un jeu vidéo), prédire son comportement (ici: qu'elle va gober un caillou) et aller vérifier expérimentalement si la prédiction est vérifiée (ici : . . non ! Ne le faites pas : grâce à la théorie, nous savons déjà que ça marcherait alors . . évitons d'aller embêter inutilement les grenouilles).
2. Se focaliser sur les données : autrement dit le traitement de l'information. Là encore, c'est restrictif : tout ce qui n'est pas dans les données (ex: que la grenouille soit mignone) n'existe pas et sera totalement ignoré. On ne travaille donc qu'avec un reflet numérique du système (ici: les données relatives à la grenouille et à la mouche). Mais grâce à cela, on peut analyser très rigoureusement et complètement ce reflet qui, si il est assez plausible, reflètera la réalité.
3. Travailler au niveau des interfaces : au niveau de description de notre anecdote, ce qui se passe à l'intérieur de la grenouille est finalement mis de côté au profit de la manière dont elle interagit avec son environnement. Souhaite t'on, au contraire, connaître ce qui se passe à l'intérieur du système nerveux de la grenouille ? C'est une autre question, à étudier à une autre échelle. Par exemple étudier ce qui se passe dans son oeil, au niveau de la population de neurones de sa rétine. Mais pour se faire, le niveau de description du neurone devra être schématisé afin de se focaliser sur la façon dont les neurones interagissent. À chaque échelle ce sont les interfaces qui comptent.
4. De la notion de modèle : La description sous forme d'équations numériques et/ou de mécanismes algorithmiquesde la relation entre les données en entrée et sortie constitue un modèle du fonctionnement dynamique du système étudié. Ce modèle “remplace” la réalité dont on a mesuré quelques données. Grâce à cette formalisation, on peut étudier mathématiquement et informatiquement le reflet numérique système pour comprendre, décrire et contrôler ou optimiser la réalité représentée ici.
Bien entendu, cette méthode n'est pas nouvelle mais avec l'ISN cette façon de voir les choses constitue une révolution comme l'explique bien un chercheur en informatique et philosophe (Dowek, 2010).
Alors … que savons nous cerveau finalement ? la suite nous le raconte.
Références:
- (Dowek, 2010) Pour une deuxième révolution galiléenne ? Gilles Dowek (2010), Colloquium Polaris, Paris.
En savoir plus :
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Reconnaître un animal : notre cerveau est plus rapide que nous !
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Une solution [biologique] au problème de la génération de trajectoires
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Pourquoi ne pas confier au hasard ce qui est trop compliqué à estimer [comme fait notre cerveau] ?
Le marketing et l'enseignement c'est la répétition mais il me semble bien que ce billet est le même (sans le schéma de fonctionnement de la rétine) que celui du 26/05 intitulé "Une introduction aux neurosciences computationnelles".
Msieu! je suis (au passage un bon exemple de la compréhension contextuelle du langage puisqu'il ne s'agit pas ici du verbe être mais du verbe suivre) 🙂