Robotination pour apprendre en faisant
Public ciblé : Tout public
Cet article est également co-publié sur le Blog Binaire, blog de médiation du journal "lemonde.fr" qui nous offre ce texte en partage.
Où et qui ?
C’est d’abord l’histoire d’un lieu : Terra Numerica est un projet d’envergure et fédérateur pour la diffusion de la culture des sciences du numérique dans le sud-est de la France, localisé à Sophia-Antipolis, et porté par de structures de recherche (CNRS, Inria et Université Côte d’Azur), des composantes de l’Éducation Nationale, des partenaires associatifs ou socio-économiques.
On y offre un tiers lieu d’activités scientifiques pour populariser ces sciences. Mais c’est surtout la concrétisation du rêve d’un petit groupe de chercheurs autour de Dorian Mazauric, à savoir créer un espace de partage des sciences du numérique, qui vient d’ouvrir ses portes en juin 2022 et dont on vous parle plus ici.
C’est ensuite une histoire de personnes. SNJL est une auto-entreprise artisanale de création d’objets scientifiques et de conception et réalisation d’activités de découvertes scientifiques, numérique, jusqu’au jeux de logique. Elle se met surtout au service des publics qui n’ont pas facilement accès à cette culture scientifique et a dans son ADN l’égalité des genres et l’équité sociale.Et cela jusque dans les fondatrices de l’entreprise elles-mêmes: l’une est entre autre maçonne, l’autre est aussi kinésiologue.Autre particularité : les deux sont des curieuses de science sans formation scientifique initiale poussée, preuve que chacun et chacune, en ce qui les concernent, peut se construire une culture scientifique et technique permettant de comprendre le numérique et de développer un esprit critique vis à vis de ce que cela peut nous apporter.
C’est enfin le support de la Fondation Blaise Pascal qui a permis de faire ces belles choses. Soulignons que la mise en place d'activité proche du public comme par exemple, pour quelques enfants qui ont besoin d'une attention particulière est souvent plus couteux que les activités traditionnelles de médiation, investissement auquel ne rechigne pas la Fondation Blaise Pascal, que nous saluons pour cela.
Quel est ce projet de « robotination » ?
La Robotination propose une démarche où les enfants découvrent l’informatique en construisant un robot, leur robot. Ces ateliers ludiques pour enfants de 6 à 11 ans, filles et garçons, offrent une initiation à la robotique avec principalement du matériel de récupération et des câblages simples, réalisables par les plus jeunes. Cela permet une mise en confiance face à l’univers électronique ou numérique et la matière scientifique.
En alliant science et créativité, esprit critique et développement durable, l’atelier montre aux enfants concrètement que tout ne s’achète pas, mais peut se construire, et démontre que ce qu’ils apprennent à l’école peut permettre de faire plein de choses passionantes et super au quotidien. “On a pu observer une vraie jubilation des enfants,et l’équipe d’animation, à arriver au bout de leur réalisation”, témoigne un membre de l’équipe. Tout cela permet aux enfants de partir concrètement à la découverte des concepts informatiques.
En construisant son propre robot à partir de la vision imagée que l’on peut en avoir, l’atelier démystifie robotique et intelligence artificielle pour les enfants : rien de magique, juste des algorithmes devenus suffisamment complexes pour effectuer des tâches intellectuelles (“cognitives´´ pour employer le terme exact) qui auraient été intelligentes si elles avaient été faites par un humain.
Bien entendu, toutes les ressources sont ouvertes et librement réutilisables (open hardware et software) et l’équipe reste au contact des personnes qui les réutilisent pour les accompagner (au-delà de mettre ces ressources en ligne).
Y-a-t-il une démarche pédagogique ?
Oui, ce travail se fait aussi avec le conseil de chercheur·e·s du laboratoire LINE en sciences de l’éducation, avec des perspectives visant à lier recherche et médiation scientifique. Exemple concret au niveau des activités débranchées: pour découvrir la programmation robotique, on propose d’éteindre les écrans et d’aller jouer au robot dans la cour d’école. Cela permet de comprendre que les notions scientifiques vont au delà de telle ou telle technologie. Cela permet aussi de garder toute ses ressources cognitives pour l’apprentissage de ces notions, sans avoir la poids de l’apprentissage d’outils logiciels, comme expliqué ici.
Regarder les travaux en science de l’éducation permet d’éclairer dans quelle mesure utiliser une approche ``maker´´, c'est à dire faire précéder une activité d'initiation à un concept informatique par la construction de l'objet tangible (ex: les objets d'un jeu permettant une activité débranchée, utilisant du matériel recyclé) ou numérique (ex: programmer un jeu qui permettra ensuite d'apprendre une notion) ou imaginaire (ex: on imagine ensemble le dispositif que l’on dessine ou que l’on maquette pour l’étudier en pensée). Cet objet devient alors le support de l'apprentissage, et présente un grand intérêt en matière d'engagement de la personne apprenante, et du développement de la métacognition*.
(*) métacognition revient ici à apprendre à apprendre, ceci dès le primaire (à partir de 7 à 8 ans, dès la mise en place du comportement "petit-maître·sse" au sens de l'analyse transactionnelle, quand l'enfant commence à jouer à l'enseignant·e), en impliquant à la fois dans la co-construction pédagogique (ex: comment pourrions nous t'aider à apprendre cette notion) et son évaluation (ex: comment améliorer la façon de t'aider à apprendre).
Le modèle passif-participatif formalise bien ce qui est mis en oeuvre dans le projet robotination,
Au niveau de la problématique de l’égalité des genres, on fait cela de manière performative, et on regarde ce qui a été étudié au niveau des aspects de genre dans ce type d'activité, en lien avec l'ouverture à l'esprit critique. Il est important d’agir le plus tôt possible, dès l’âge de l’école primaire, lorsque les stéréotypes ne sont pas ancrés. En intervenant aussi tot, on façonne l’avenir avec pour priorité de déconstruire les stéréotypes, cause des inégalités, comme l’explique Isabelle Collet dans cet article.
C’est donc de manière transversale que sont traitées, dans ce contexte d’ateliers de Robotination, les problématiques de genre : (i) réalisation de l'animation par des "roboticiennes" y compris sans formation scientifique initiale au niveau de l'image, (ii) positionnement "naturel" dans l'animation au niveau d'une vraie approche de mixité, (iii) petites pauses de prise de recul sur ce qui se vit ici et maintenant au niveau du genre.
Et que veut dire le mot “robotination” ?
Ah ! C’est la seule chose que nous ne nous expliquons pas … est ce mot “robotination” : on ne souvient plus de sa genèse, on ne saurait en faire l’étymologie, mais il sonne bien et on l’aime beaucoup 🙂