Envie de fracasser votre ordinateur quand il « rame » ? Vous n’êtes pas le seul.

14.10.2013 | par Sébastien Bohler | Non classé

Une nouvelle épidémie semble être en train de frapper l’homo sapiens. Nous serions de plus en plus nombreux, d’après des études réalisées aux Etats-Unis et en Europe, à ne plus supporter d’attendre qu’une application charge ou qu’une connexion internet soit établie. Quelques secondes d’attente deviennent une torture. Un plantage informatique est quasiment synonyme de coma artificiel. La tension monte, la fréquence cardiaque s’emballe, les paumes deviennent moites, la colère devient irrépressible ! Et certains perdent tout simplement le contrôle.

Un fabricant de mémoire flash, Sandisk, a mené une étude révélant que l’utilisateur français perd en moyenne 11 minutes par jour à attendre que son ordinateur charge à chaque utilisation. Il attendrait en moyenne 5 jours par an. Environ 53 pour cent des personnes interrogées disent éprouver de l’angoisse pendant ces moments d’attente, et 22 pour cent lorsqu’elles utilisent leur Smartphone. 27 pour cent disent avoir perdu le sommeil à cause de ces soucis de performance insuffisante, et une personne sur cinquante pense carrément que sa journée entière en est gâchée.

On croit rêver ! 11 minutes par jour, ce n’est guère que deux pour cent de son temps de travail. Qui peut soutenir qu’il ne peut pas se reposer pendant deux pour cent de son temps de travail ? Et il faudrait faire une crise pour cela ? Le problème, c’est que nous ne supportons plus d’attendre.

Pourquoi nous devenons impatients

Patienter est tout un art. En quelques mots, notre cerveau primitif aurait plutôt tendance à vouloir tout, tout de suite. C’est notre striatum (voir ci-dessous) qui nous pousse à préférer des gratifications immédiates (quitte à ce qu'elles soient moins grandes) plutôt que des gratifications différées. Ce phénomène est largement étudié en neurosciences comportementales, sous le nom de « delay discounting » ou « aversion à l’attente ». Seule façon de contrecarrer l’action de ce « centre de l’impatience » : développer son cortex préfrontal, qui saura le faire attendre en exerçant un contrôle cognitif sur nos pulsions.

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Les fibres vertes et bleues à gauche représentent les câbles neuronaux qui permettent au cortex préfrontal (à l'extrême droite du cerveau) de contrôler l'impatience du striatum (au centre). Plus ces connexions sont affaiblies, plus les sujets de l'expérience sont impatients.

Déjà dans les années 1980 (les premiers enfants éduqués en l’absence de toute frustration ou attente étaient en train d’arriver sur le marché), des scientifiques mettaient au point des protocoles pour réapprendre l’attente : augmenter progressivement les délais avant l’obtention de ce que l’on souhaite. Et cela marchait ! Cela montrait que notre striatum, ce fameux centre nerveux de l’impatience, pouvait progressivement perdre l’habitude de tout obtenir immédiatement.

Cela veut également dire autre chose : lorsqu’on raccourcit les délais, le striatum redevient impatient, et il le devient de plus en plus. Si vous êtes habitué à avoir tout, tout de suite, vous supportez de moins en moins d’attendre. C’est ce qui s’est passé : au fil des ans, les temps de chargement des applications n’ont cessé de réduire, habituant notre striatum à tout obtenir sans délai. Si bien qu’aujourd’hui, la moindre attente est vécue comme un supplice.

Signe des temps, Sandisk – qui a commandité cette étude – est un fabricant de mémoires flash et utilise l’argument de cette « souffrance psychologique » des utilisateurs pour faire valoir la nécessité de recourir à des applications de plus en plus rapides.

Sonnons la révolte ! Réappenez à attendre !

Musclez votre cortex préfrontal !

Et puis, allez, ça fait du bien. Un petit dernier pour la route:


Un commentaire pour “Envie de fracasser votre ordinateur quand il « rame » ? Vous n’êtes pas le seul.”

  1. patricedusud Répondre | Permalink

    Il est certain que la génération des enfants rois n'a pas vraiment appris la frustration et donc la vertu de l'attente.
    Et pourtant le pire n'est-il pas de ne plus avoir de désir c'est à dire d'espérer une satisfaction future.

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