Hollande : la photo qui trompe notre cerveau

05.09.2013 | par Sébastien Bohler | Non classé

Qu'a-t-elle donc de si spécial, la photo de François Hollande que l'AFP a décidé de retirer de toute publication? C'est vrai qu'en la voyant, on comprend aussitôt qu'il y a un problème, que cela donne une image inclassable de notre président, et que ce cliché perturbe d'une certaine façon nos schémas mentaux.

Revoyons-la encore une fois, pour tenter de comprendre ce qui ne va pas.

photo_hollande_censuree_afp

La première réaction devant ce cliché est une sensation de ridicule ou de malaise. Ce visage est indéchiffrable. Il ne correspond à rien d'habituel. Est-il totalement contrefait, artificiel, incongru, burlesque? On ne sait trop quel terme employer, et surtout, qu'en déduire sur le personnage. En fait, ce visage est, du point de vue de la psychologie des émotions, un visage impossible.

Pourquoi? Parce qu'il superpose plusieurs mimiques de base. Dans la classification des émotions par le psychologue Paul Ekman, on distingue six émotions de base. Ce sont la joie, la surprise, la peur, la tristesse, la colère et le dégoût. A chacune de ces émotions de base correspond une expression du visage facilement reconnaissable. C'est ce que l'on voit ici:

emotion-ekman-faces

On comprend immédiatement que sur une émotion "normale" exprimée sur un visage, certains traits vont de pair: sur un visage exprimant la joie (première vignette), le sourire s'accompagne d'un plissement des yeux. Et sur un visage exprimant la peur (troisième vignette), l'ouverture des yeux s'accompagne d'une bouche entrouverte, tout sauf souriante. Lorsque c'est la surprise qui est exprimée, les yeux sont grands ouverts, la bouche ouverte en rond, et les sourcils fortement relevés.

Mais jamais on ne rencontre cette chose aberrante qu'est un grand sourire avec des yeux grands ouverts et des sourcils moyennement relevés. Jamais, sauf chez François Hollande. Hollande nous offre une superposition atypique de 50 pour cent de joie (sourire), 30 pour cent de peur ((yeux grands ouverts) et 20 pour cent de surprise (sourcils plus relevés que dans la peur pure). Un mélange impossible, qui ne correspond à aucune émotion humaine. D'où le malaise et ce sentiment "d'inclassable", que l'on range dans le ridicule ou l'inquiétant, au choix. Dans tous les cas, on est bien loin de la normalité chère au président.

Qu'en conclure? Rien. Les hommes politiques de ce calibre, surtout dotés d'un fort contrôle émotionnel comme c'est probablement le cas de François Hollande, sont habitués à composer leurs émotions et leurs mimiques de façon très délibérée voire calculée. Il faut donc s'attendre à ce que leur "programmateur" d'expressions faciales se grippe de temps à autre. Simplement, aujourd'hui, les appareils photos et autres smartphones sont partout, et le moindre bug facial est détecté.


3 commentaires pour “Hollande : la photo qui trompe notre cerveau”

  1. Benoit Répondre | Permalink

    Cette analyse tient la route si on résume les émotions à 6 émotions primaires (encore qu'on parle de 7 émotions primaires en ajoutant le mépris).
    Il existe un nombre bien plus important d'émotions et nos visages peuvent aussi les refleter.
    Dans le cas présent, imaginez que F. Hollande est face à quelques chose qu'il désire et qu'on lui offre ? si je suis face à un bon gâteau, je souris, j'ouvre grand les yeux et mes sourcils sont relevés 🙂 pas vous ?
    Benoît

    • Sébastien Bohler Répondre | Permalink

      En fait, Ekman a identifié 46 mouvements élémentaires des muscles du visage qu'il appelle unités d'action, et qui sont les éléments de base de nos expressions faciales. A priori, la combinaison de différentes unités d'action sur le visage peut donner une palettes d'expressions très larges, mais certaines de ces expressions correspondent aux émotions que nous sommes habitués à identifier, et d'autres sont plus improbables (ce sont les grimaces, drôles ou effrayantes parce que ne correspondant pas à un affect identifiable). Effectivement, comme vous le suggérez, l'expression la plus proche pourrait être celle d'un individu recevant une friandise, mais même dans ce cas, ce n'est pas exactement le genre de têtes que l'on voit sur les photos d'anniversaire. Non, pour moi cela reste malgré tout un mélange inclassable.

  2. Hugues Delmas Répondre | Permalink

    Bonjour Sébastien,

    L'élévation des paupières supérieures - qui écarquille les yeux - n'est pas seulement présent dans la peur. Cette AU est également caractéristique de la surprise et de la colère. Ainsi, en considérant le haussement de sourcil - caractéristique de la surprise - il est alors plus probable que la combinaison haussement des sourcils + écarquillement des yeux représente davantage de la surprise que de la peur à ce moment, si l'on ne considère l'angle émotionnel.

    Quoiqu'il en soit il est vrai qu'il est difficle de tirer des conclusions étant donnée que nous n'avons pas accès à la dynamique du mouvement ni même au contexte de ce qu'il se passe à ce moment là prècis, et que les expressions faciales expriment de multiples choses (émotion, cognition, aspect culturel...).

    De plus il semble que François Hollande fasse souvent cette expression, en effet nous l'avions déjà observé ici : http://www.la-communication-non-verbale.com/2013/04/visage-facs.html

    Bravo pour votre blog et au plaisir de vous lire,

    Hugues Delmas

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