Comment l’effet Copé dope les ventes du livre « Tous à poil »
La polémique n'en finit plus d'enfler autour de l'ouvrage "Tous à poil", aujourd'hui numéro un des ventes sur Amazon du fait de cette polémique. Rappelons qu'il s'agit d'un livre jeunesse contenant des dessins où sont déshabillés une série de personnages du quotidien: bébé, baby-sitter, gendarme, PDG, maîtresse, chien, etc.
Lors d'une première intervention médiatique, Jean-François Copé, Président de l'UMP, s'était indigné du fait que cet ouvrage pouvait être recommandé aux enseignants par l'éducation nationale.
Une enquête du Monde avait révélé que le livre n'était en réalité par recommandé par l'Education nationale, mais porté sur une liste d’aide aux choix de lecture qui a bénéficié d’une aide des préfectures de la Drôme et de l’Ardèche. Copé, aussitôt, est jugé manipulateur et censeur. D'où la sortie de Najat Vallaud-Belkacem:
Copé rectifie le tir. Il a seulement, dit-il, voulu éviter que ce type d'ouvrage soit recommandé à des enfants de CP, et se plaint d'être stigmatisé:
Entre le premier extrait et le troisième, on note le léger recul. Il se rend compte qu'il est allé trop loin et tente de revenir à l'essentiel de ce qui serait défendable dans son propos.
1er effet psychologie enclenché: la réactance
Le livre arrive aujourd'hui en tête des ventes sur Amazon. C'est un signe de santé intellectuelle en France. Quand les Français ont l'impression qu'on veut interdire un livre, ils se jettent dessus. La saillie de Najat Vallaud-Belkacem a-t-elle eu cette effet, elle qui parlait de Jean-François Copé brûlant des livres en place publique, rappelant les autodafés de livres dès le 6e siècle ou ceux du régime nazi? Il s'agit plus plus probablement d'un phénomène de réactance.
Un réflexe de liberté
La réactance est un type de comportement observé dans la plupart des situations où un individu sent sa liberté d'action menacée. C'est, typiquement, ce qui explique notre attrait pour ce qui est interdit. Ce phénomène a été étudié dès 1981 par le psychologue Jack Brehm dans son ouvrage intitulé "La réactance psychologique et le pouvoir d'attraction des objets inatteignables : différences sexuées dans les réactions des enfants à une privation de liberté". Pouvoir d'attraction des objets inatteignables... De nombreuses études psychologiques détaillèrent par la suite ce trait humain universel: lorsque nous sentons que notre liberté est menacée, nous cherchons à la restaurer par n'importe quel moyen, y compris en faisant exactement le contraire de ce qu'on nous demande.
Cet effet a été décliné de diverses manières, parfois sous l'appellation "effet Streisand" (Guillaume Frasca nous l'avait signalé à propos d'un billet sur l'augmentation des ventes de foie gras en Californie après une loi interdisant sa production): L'effet Streisand a été ainsi nommé après que la chanteuse Barbra Streisand ait voulu faire interdire la publication d'une photographie aérienne de sa propriété: aussitôt, quelque 420 000 personnes se connectèrent au site où la photo apparaissait.
Aujourd'hui, l'effet Streisand et la réactance deviennent l'effet Copé ou l'effet "tous à poil".
2e effet psychologique: l'effet uniforme
On ne peut pas entièrement nier à Jean-François Copé toute pertinence dans son analyse. L'effet du déshabillage d'un gendarme ou d'un enseignant n'est pas à négliger. En témoignent les études sur les liens entre autorité et habit. De nombreuses expériences de psychologie expérimentale ont montré que les gens ont davantage tendance à obéir à une personne vêtue d'un uniforme (gendarme), et que des élèves apprennent mieux au contact d'enseignants vêtus de façon seyante et respectable. Nous publiions il y a trois ans une déclinaison amusante de cet effet de l'habit sur le comportement: l'effet cravate.
Dans le cas des forces de l'ordre, l'habit a pour rôle d'énoncer une fonction sociale immédiatement reconnaissable qui évite les conflits et les malentendus, et permet de gagner du temps. Dans le cas de l'enseignant, il s'agit d'inspirer confiance, et également une relation de hiérarchie qui permet à l'enseignant de fixer une marche à suivre pour la classe sans être contesté régulièrement.
La vraie question: quel effet sur l'enfant?
Après, on peut se demander si l'enfant s'étant amusé à déshabiller le gendarme et la maîtresse aura tendance à voir le gendarme et la maîtresse dépouillés de leurs attributs sociaux lorsqu'il sera en situation. Cela paraît un peu exagéré. Mais qui sait. En fait, scientifiquement, on manque ici de données pour se prononcer.
Caramba! Un débat encore raté...
Une chose est sûre: impossible d'amener ces considérations et de délibérer sur cette base dans le débat public tel qu'il se pratique sur la scène politique et médiatique actuellement. C'est vraiment décourageant. Que faire? Toutes les propositions sont bienvenues.
Je trouve ce livre lamentable il n'est ni instructif ni culturel ; de plus il porte atteinte à l'autorité quelle soit enseignante, policière ou dirigeante ; quelle crédibilité ensuite pour exercer dans ces milieux professionnels où l'image doit être avant tout valorisante et non dégradante ? Non pas que le nu soit dégradant mais il faut respecter certaines limites de la bienséance ; que les parents ne s'étonnent pas lorsque leur enfant n'aura plus de respect ni de limites pour tout y compris eux-mêmes ! De l'humour d'accord mais sans engager l'autorité hiérarchique qui reste essentielle pour toute structure et organisation sociale ! Ce livre est encore une erreur de plus parmi les autres dans ce pays où on repousse sans cesse les limites ; les valeurs morales n'existent plus nous sommes dans le creux de la vague et cela devient catastrophique pour les générations à venir..