JFK : 50 ans après, pourquoi ces images restent dans notre cerveau
Depuis quelques jours, les médias se préparent à la grande et lucrative commémoration : les 50 ans de l’assassinat du président John Kennedy. Les magazines en (re)font leur couverture, les thèses du complot refont surface, toute la liturgie déjà vue et revue se met en place. Car tout le monde a encore les images en tête.
Pourquoi ces images n’en finissent-elles plus de faire le tour du monde, à tel point qu’elles semblent-elles devenues une partie de notre imaginaire collectif ? Il faut dire que, depuis elles, il n’y a guère que les images des attentats du 11 septembre qui aient réussi à s’implanter aussi profondément dans nos cerveaux.
Quand on parle avec les personnes qui ont connu l’époque de 1963 et de l’assassinat, un point commun se dégage de leurs déclarations : toutes se souviennent de l’endroit où elles étaient quand elles ont appris la nouvelle, où elles ont vu les images. Pareil pour le 11 septembre : tous se rappellent où ils étaient lorsqu’ils ont appris la nouvelle des attentats de New York.
Un choc pour le cerveau
Il y a sûrement plusieurs facteurs pour expliquer cela, mais toutes ces situations se distinguent par leur forte charge émotionnelle. En assistant à ces moments marquants de l’Histoire, nous vivons une émotion forte, et les effets de cette émotion sur notre fonctionnement mnésique ont été explorés il y a quelques années : des chercheurs de l’Université de New York, de l’Institut médical Hoard Hughes et du Laboratoire de Cold Spring Harbor ont montré que l’émotion a un effet direct sur la mémorisation : dans notre cerveau, une molécule nommée noradrénaline est libérée lorsque nous vivons une émotion puissante. Elle provient d’un petit centre nerveux situé dans le tronc cérébral, le locus coeruleus.
Les chercheurs ont montré que la noradrénaline libérée par le locus coeruleus gagne ensuite une zone clé de la mémorisation, l’hippocampe. Voici sa localisation dans le cerveau.
Notre mémoire modifiée par l'émotion
Une fois dans l'hippocampe, la noradrénaline "dope" en quelque sorte les neurones de la mémoire. Ceux-ci se mettent à échanger de l'information plus efficacement car leurs zones de contact entre neurones (les synapses) sont alimentées en molécules leur servant à échanger de l’information. Ces molécules de transmission se nomment récepteurs AMPA. On voit ci-dessous des récepteurs AMPA (petits points lumineux) qui sont envoyés vers les zones de communication entre neurones.
Une "molécule de JFK"?
Les mécanismes biochimiques fins de ces modifications ont été analysés : si les récepteurs AMPA sont mieux envoyés vers les synapses, c'est parce que leur structure chimique se trouve modifiée. On parle de phosphorylation. Quand un récepteur AMPA est "phosphorylé", il reçoit, un peu comme une greffe chimique, un groupement phosphate au récepteur AMPA (un groupement phosphate est formé d’un atome de phosphore et de quatre atomes d’oxygène). Une fois modifié, le récepteur est à la fois plus efficace et mieux adressé vers les zones de communication entre neurones.
Et voici le résultat final : les zones cérébrales associées à la mémorisation sont remplies de récepteurs AMPA, qui fixent le souvenir. Voici cette zone cérébrale chez une souris, l'hippocampe, où l'on voit en vert les récepteurs AMPA surnuméraires:
L'avenir de la mémoire
Vous savez maintenant pourquoi vous vous rappelez où vous étiez le jour où JFK a été assassiné, si vous étiez né. Et pour les autres, vous vous souvenez où vous étiez le 11 septembre 2001. Et pour les plus jeunes, eh bien tant mieux si vous ne vous vous rappelez rien d'aussi marquant, cela a toujours le temps de venir.