Le supplice de la file au supermarché : c’est fini ?
Franchement, y a-t-il rien de plus stressant que de se trouver dans une file d'attente devant les caisses du supermarché, et de voir les autres files avancer plus vite que la vôtre? Si vous essayez de changer de file, par un phénomène inexplicable et diabolique, celle que vous venez de quitter se met à avancer plus vite. Un seul mot: l'enfer.
Heureusement, cet enfer pourrait bien être terminé, grâce à une invention mise en place par une enseigne de supermarché. La file unique. Ce reportage nous explique tout.
Pourquoi la file d'à côté va plus vite
Enfin! nous voilà libérés de ces nœuds dans les neurones que nous font les guichets, queues et autre files de voitures au péage. Mais comment se forment ces nœuds dans les neurones ? Une étude publiée il y a quelques années (je cherche à la retrouver, je rajoute le lien dès que possible) avait montré – sans surprise – que les files vont toutes statistiquement à la même vitesse et qu’il est assez inepte de vouloir en changer. C’est d’ailleurs ce qui nous donne une joie malsaine quand nous voyons un conducteur faire des efforts insensés pour changer de file à tout bout de champ dans le trafic ralenti, et que nous le retrouvons au même niveau que nous, deux kilomètres plus loin. Ha ! ha ! Mais malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher d’être démangés par l’envie de changer de file.

Peut-on gagner du temps en changeant de file? Pas si sûr. Elles avancent statistiquement à la même vitesse.
Pourquoi cette tentation irrépressible de changer de file? Le point critique est le fait que nous sommes plus sensibles aux moments où la file voisine avance plus vite que nous, et moins sensibles aux moments où c’est nous qui avançons plus vite. Cet effet se nomme « aversion aux pertes » et a été mis en évidence voici une quinzaine d’années par les psychologues Amos Tversky et Daniel Kahneman, qui ont obtenu le prix Nobel d’économie en 2002 pour leurs travaux.
L’aversion aux pertes
Tversky et Kahneman ont constasté qu’un même événement est perçu comme beaucoup plus émotionnel lorsqu’il est en notre défaveur, que lorsqu’il est en notre faveur. En somme, nous sommes modérément heureux de gagner un euro, mais très énervés d’en perdre un. Il n’y a pas de symétrie entre les émotions liées aux gains et celles liées aux pertes. Cette asymétrie se nomme aversion aux pertes (nous ne supportons pas les pertes, de temps comme d’argent) et prend la forme de la courbe ci-dessus, célèbre en psychologie et en économie.

Cette courbe trace l'état émotionnel d'une personne en fonction des pertes monétaires (à gauche) ou des gains. On voit que la courbe descend plus bas à gauche qu'elle ne monte à droite. Cela veut dire "un euro de perdu est émotionnellement plus impactant qu'un euro gagné". Appliqué à la psychologie des files: une file voisine qui avance quand nous sommes immobiles est émotionnellement plus impactante que notre file qui avance quand l'autre est immobile".
Ainsi, lorsque la file voisine avance, nous sommes sur la partie gauche de la courbe, et vivons une émotion forte, négative. Lorsque notre file avance, nous sommes dans la partie de droite, celle des gains, et nous vivons une émotion faible, positive. Au final, nous sommes plus sensibles aux moments où les autres avancent, et ne retenons pas que nous avançons autant en contrepartie. D’où ces fourmis dans les jambes pour changer de file. Illusion psychologique facteur de stress, auquel le système de la file unique met un terme. Excellente invention !
Il y a aussi le fait que meme si deux files vont en moyenne a la meme vitesse, pour une voiture donnée on est plus longtemps en train d'être dépassé que en train de dépasser soi-même. C'est parce que la file arrêtée est pare-choc contre pare-choc, alors que la file qui avance a un certain écart entre chaque véhicule.
Voir cet article du monde par exemple, mais cet un marronnier:
http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/11/18/l-autre-file-avance-t-elle-vraiment-plus-vite_1605574_3244.html