Le « blues » des conseillers ministériels

Dans son édition d'hier, le journal Métro se penchait sur le cas de ces déclassés de la société, de ces sacrifiés de la précarité, menacés par le spectre du chômage, de ces victimes de méthodes de licenciement inhumaines.

Je veux parler des conseillers ministériels victimes du remaniement. Vous croyez que je plaisante? Le journal Métro, lui, est très sérieux : "Qui sera au chômage? [...] Quels collaborateurs pourront sauver leur tête? [...] Les conseillers racontent leur "attente insupportable"[...] "des angoisses sur notre avenir" [...] "Imaginez que l'on dise à un salarié : tu vas peut-être être viré, mais jusqu'à ce qu'on te le confirme, tu bosses..."

conseillers

Pour les conseillers ministériels, "l'attente est insupportable".

L'horreur, quoi. Comment peut-on demander à ces élites d'avoir un tout petit aperçu de ce qu'est la précarité et le fait de quitter un emploi? Même si les conséquences ne sont pas les mêmes (ce n'est pas la rue et la manche dans le métro qui les attendent), pourquoi leur infliger une telle épreuve?

Pourquoi tant de compassion

Ironie de la mise en page, on trouvait juste après un reportage sur la reprise des expulsions de locataires, qui se retrouvent précisément à la rue. Dans l'indifférence générale. Je m'interroge: pourquoi se découvre-t-on une compassion soudaine pour des conseillers ministériels qui doivent jouer le jeu de remaniement et dont la fonction même les expose mécaniquement à l'alternance?

Je n'ai pas la réponse. Désolé. Pas de cerveau à montrer aujourd'hui. Je me demande simplement si nous n'avons pas une petite tendance à nous émouvoir de choses futiles pour ne pas avoir à nous occuper de ce qui est vraiment grave. L'avantage est double: on se préoccupe artificiellement, le temps d'un article, d'un conseiller sur le départ, et on se rassure aussitôt en pensant qu'il retrouvera vite un poste dans l'industrie ou le lobbying avec un salaire mirobolant. Notre empathie a pu s'exercer, et l'issue est heureuse. En plus, on peut nourrir un brin de mépris pour ce recyclage lucratif des collaborateurs multicartes. Et la morale est sauve: après tout, personne n'est à l'abri du chômage. Mais de qui se moque-t-on?


2 commentaires pour “Le « blues » des conseillers ministériels”

  1. Alexandre Moatti Répondre | Permalink

    Les conseillers en cabinet sont en général de jeunes fonctionnaires (25 à 34 ans), fonctionnaires membres des Grands Corps, qui ont rarement vu autre chose que l'Administration (c'est un pb. Bien français), et qui rejoignent leur Administration si leur ministre n'est pas renouvelé.

  2. patricedusud Répondre | Permalink

    J'ai vraiment beaucoup de mal pour me prendre de compassion pour ces jeunes loups qui retrouveront sans aucune difficulté un emploi dans l'administration.

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