Soirée électorale : quand les discours frisent le ridicule
Hier soir, à l'annonce de résultats défavorables au premier tour des élections municipales, les cadres du parti socialiste ont commencé à entonner un étonnant refrain :
L'apprentissage par répétition
Ils se sont passé le mot, et la consigne est appliquée à la lettre. Mais avec quels résultats ? Première possibilité : à force d'entendre ces deux mots "mobilisation" et "rassembler", les auditeurs finiront par bien apprendre la leçon et faire ce qu'on leur dit. C'est ce que suggère le principe de répétition espacée, utilisée dans l'enseignement: répéter un mot renforce sa trace en mémoire, probablement en resserrant les liens entre neurones dans les zones du langage et de la mémoire.
Fort bien.
Un effet de matraquage
Les stratèges du PS ont peut-être aussi secrètement tablé sur l'effet de simple exposition. Identifié dans les années 1960 par le psychologue Robert Zajonc, cet effet constitue la base du matraquage publicitaire. Dans ses expériences, Zajonc montrait à des volontaires des caractères de langues étrangères (de type idéogrammes) que les gens ne pouvaient absolument pas connaître. Et il constatait que les symboles qu'on leur montrait de façon répétée finissaient par être appréciés, et perçus comme exprimant une idée positive. Simple effet de familiarité : plus on vous montre quelque chose, plus vous l'aimez. Vous allez donc aimer la mobilisation et le rassemblement. Cette petite vidéo pédagogique vous permet de le tester sur vous-même :
Un hic : la saturation sémantique
Oui, mais... Il vient un moment où trop c'est trop. Entendre dix fois, vingt fois "mobilisation" finit par entraîner un phénomène de saturation sémantique, à savoir que le mot perd son sens et que notre cerveau n'arrive plus à en capter la signification. La saturation sémantique a été étudiée dès les années 1960 par le psychologue canadien Leon Jakobovits, qui constata qu'un mot répété à saturation finit par ne plus provoquer de réaction chez l'auditeur, parce que les réseaux de neurones associés à ce mot, trop stimulés, déclenchent des mécanismes d'inhibition qui réduisent leur propre activité.

Les moines zen aiment répéter en boucle un mot qui finit par perdre son sens et leur donne un aperçu de la vacuité de chaque chose. Les enfants découvrent souvent ce phénomène tout seuls, en répétant en boucle un mot jusqu'à ne plus savoir ce qu'il veut dire.
Vers le vide sémantique
Les plus fervents adeptes de ce phénomène de saturation sémantique sont les moines zen bouddhistes, qui l'utilisent comme porte d'accès au vide de toute chose. Leur objectif est de contempler de façon continue et soutenue toute chose (un mot, une pensée) jusqu'à ce qu'elle se désamorce toute seule, perdant son impact sur notre émotivité et révélant son caractère dérisoire.
Hier, nous avons eu un bon exercice de saturation sémantique. Comme quoi on peut trouver la sagesse en toute chose.