Sarkozy : l’impossible présomption d’innocence

02.07.2014 | par Sébastien Bohler | Non classé

Au moment de son placement en garde à vue hier, des photos de Nicolas Sarkozy ont été publiées dans les journaux. Regardons celle-ci.

Sarko-garde à vue

Une image de faits divers

C'est une photo pas comme les autres. Prise dans l'habitacle d'une voiture, plan coupé par le tableau de bord, on y voit un Sarkozy au regard absent et le teint hâlé. Le grain du cliché est épais, la luminosité particulière. L'ensemble suggère la photo de malfrat.

Nous sommes dans une nouvelle mise en scène du personnage Sarkozy. Si l'on s'en tient aux apparences: 1) Sarkozy est mis en garde à vue. 2) Sarkozy est photographié au fond de sa voiture. 3) Sarkozy est mis en examen.

Que reste-t-il de tout cela dans notre cerveau?

Que nous le voulions ou non, cela pèse sur l'image de Sarkozy. Même s'il n'y a pour l'instant que des questions (a-t-il, oui ou non, trempé dans des affaires de trafic d'influence?), ces questions sont vite prises par notre cerveau pour des affirmations. Les psychologues appellent cela le biais d'affirmation.

Le cerveau n'est pas fait pour la présomption d'innocence

Le biais d'affirmation est une tendance à transformer les questions en affirmations. Il peut s'observer par des expériences en laboratoire. Par exemple, si l'on fait lire à des volontaires des phrases sur un mode interrogatif ("l'ornithorynque est-il un ovipare?"), on constate peu après qu'ils ont retenu la forme affirmative de la phrase. Le point d'interrogation a été gommé par le cerveau. Lorsque nous avons lu une question, nous avons tendance à retenir... une affirmation.

Les mécanismes de ce glissement sont complexes et nécessiteraient un débat plus long. Toujours est-il que les soupçons deviennent vite pour le cerveau des sentences de culpabilité. Et que la symbolique du malfrat peut coller à la peau des personnes intéressées. L'histoire de ces dernières années a été riche en situations où un simple questionnement sur l'implication d'une personnalité dans des affaires criminelles se transformait en affirmations. Témoin, l'affaire Alègre ou le président du CSA Dominique Baudis avait été injustement accusé de viol et de trafic d'armes.

Que faire pour éviter ces raccourcis? Documenter le fond des affaires, expliciter les rouages de la justice et ses liens avec le pouvoir. C'est du travail journalistique, cela prend du temps et de l'énergie. C'est peut-être pourquoi, sur l'affaire Sarkozy, les journalistes préfèrent tendre le micro aux politiques de tout bord pour savoir s'ils pensent que c'est de l'acharnement judiciaire. En alimentant la thèse du complot, ils remplissent du papier à peu de frais.

 

 

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