À la poursuite du diamant de Gould

Des diamants exceptionnels portent les noms de Hope, Regent, Orloff, Koh-I-Noor. Et le diamant de Gould ? Un lien avec la famille du célèbre homme d’affaire américain Jay Gould ? Ou avec le prestigieux pianiste canadien Glenn Gould ? Pas du tout. En fait, rien à voir avec une pierre précieuse. Le diamant de Gould est simplement un oiseau multicolore, mais un véritable joyau de la nature, découvert en 1833, et capturé pour la première fois en 1838 par John Gould qui lui a donné son nom. Avec un plumage d’une exceptionnelle diversité de couleurs, ce passereau en remontrerait aux perroquets les plus colorés (Fig. 1).

Fig. 1. Diamant de Gould mâle à tête rouge. Crédit : Martin Pot/ Wikimedia commons

Le diamant de Gould vit en Australie en petites colonies. Sa beauté est telle qu’il a longtemps été l’objet de commerce illégal. En outre, les incendies, la destruction du biotope, les prédateurs, etc. ont contribué au déclin de cette espèce qui est désormais considérée en danger d’extinction par l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature).1

Rouge, orange, jaune, vert, bleu ciel, bleu turquoise, violet, blanc, noir, les couleurs du diamant de Gould se conjuguent harmonieusement de diverses façons, selon la variété. Belle occasion ici de préciser l’origine des couleurs des plumes d’oiseaux en distinguant leur origine pigmentaire et/ou structurale.2

Les pigments des plumes

Chez les oiseaux (et pratiquement tous les autres animaux… ainsi que chez les humains), on trouve des pigments de la famille des mélanines2 dans laquelle on distingue l’eumélanine (brun à noir) et la phéomélanine (brun-rouge, orangé, jaune)3. En particulier, une forte concentration en eumélanine donne une couleur noire.

Les plumes d’oiseaux contiennent en outre des pigments de la famille des caroténoïdes2,4 de couleur jaune et orangé. Or, comme tous les animaux, les oiseaux sont incapables de produire des caroténoïdes par eux-mêmes ; ceux qu’ils possèdent proviennent des végétaux de leur alimentation. Une fois ingérés, ces pigments sont fréquemment transformés par des réactions biochimiques, ce qui modifie souvent leur couleur initiale. La couleur rouge est obtenue de cette façon.

Un bleu structural

D’une façon générale, les pigments bleus sont très rares dans le monde animal. On a longtemps cru que le bleu des plumes d’oiseau pouvait s’expliquer de la même façon que le bleu du ciel, c’est-à-dire par une simple diffusion de la lumière (de type Rayleigh)5 par les éléments microscopiques constituant les barbules des plumes. La réalité est beaucoup plus subtile.2 Lorsqu’on pénètre dans l’intimité des barbules, on observe une structure, à base de kératine6 et d’air, présentant un ordre partiel à l’échelle nanométrique : il s’agit de canaux tortueux ou d’empilements amorphes de sphères, selon les oiseaux. Ainsi, des interférences7 se produisent localement sans pour autant s’accompagner d’iridescence, c’est-à-dire de variations de couleur selon l’angle d’observation. Compte tenu de la taille et de l’espacement entre les éléments constituants les nanostructures, ce sont en général les longueurs d’onde dans le bleu qui sont renforcées par les interférences locales. Selon les plumes, le bleu est plus ou moins prononcé parce que les barbules contiennent de l’eumélanine (brun-noir) : le bleu est foncé si la teneur en pigment est grande, et clair si elle est faible.

Le vert : mélange de jaune et de bleu

Les pigments verts sont très rares chez les animaux. Les oiseaux n’en possèdent pas et la couleur verte de leurs plumes (de même que celle des batraciens) n’est pas due à un pigment vert mais résulte simplement d’un mélange de jaune et de bleu2 : un pigment jaune (en général la phéomélanine) associé à la couleur bleue structurale décrite ci-dessus.

Les couleurs des femelles : plus pâles

Les femelles du diamant de Gould arborent des couleurs plus pâles que celles des mâles. C’est d’ailleurs souvent le cas chez les oiseaux. Il est vraisemblable que la sélection naturelle a favorisé des couleurs ternes pour les femelles ce qui leur permet de couver discrètement leurs œufs et d’élever leur progéniture sans se faire repérer par les prédateurs.2

Quant aux vives couleurs des mâles, elles jouent un rôle déterminant dans la sélection sexuelle. Les femelles préfèrent en effet les mâles dont les couleurs sont les plus vives… mais ce n’est pas pour des raisons d’esthétique ! C’est vraisemblablement parce que, en s’accouplant avec un mâle aux couleurs vives, la femelle s’assure que ses petits hériteront des « bons » gènes de leur papa. En effet, ce dernier étant d’autant plus repérable par des prédateurs que ses couleurs sont vives, les chances qu’il se soit fait manger tout cru étaient d’autant plus grandes. Or, il est encore en vie ; ses gènes lui confèrent donc également des qualités qui le rendent apte à échapper aux prédateurs ou à les vaincre. On parle ainsi de bénéfice indirect de la sélection sexuelle.2

Le mâle séduit la femelle non seulement par ses couleurs, mais aussi par son chant et sa danse avec des mouvements de tête. Une telle parade haute en couleur est fréquente chez les oiseaux (la roue du paon mâle en est l’un des plus beaux exemples), mais pas seulement. La séduction n’est-elle pas l’un des moteurs du monde vivant ?… toutes espèces confondues !

Références et notes

1J. Sövegard, « Le diamant de Gould vu avec les yeux d’un Australien », Le Monde des Oiseaux, février 2018, n°814, pp. 56-57. Article téléchargeable ici.

2B. Valeur, É. Bardez, La lumière et la vie. Une subtile alchimie, Belin (2015), chap. 4 – J. Renoult, B. Valeur, « Les couleurs de la vie. : mécanismes de production, fonctions, et diversité », L’Actualité chimique, n°397-398, juin-juillet 2015, pp.12-18.

3Les mélanines sont présentes sous forme de mélanges de macromolécules (molécules de grande taille) synthétisées dans les mélanocytes (à partir de tyrosine). Elles sont susceptibles de former divers agrégats, ce qui induit des nuances de couleurs pour chacun des deux types (eumélanine et phéomélanine). Voir réf. 2.

4Les caroténoïdes sont des pigments végétaux de couleurs jaune et orangé. On distingue les carotènes et les xanthophylles. Les premiers ne sont constitués que d'atomes de carbone et d'hydrogène. Le β-carotène en particulier (présent dans les carottes) absorbe la lumière jusqu'à 530 nm environ, d'où sa couleur orangée. Les xanthophylles possèdent en outre des atomes d'oxygène (Ex. : lutéine). Voir réf. 2.

5La diffusion de la lumière est le phénomène observé lorsqu’un faisceau lumineux se propage dans un milieu transparent contenant de fines particules : une partie de la lumière déviée, c’est-à-dire diffusée, dans toutes les directions. Lorsque les particules sont de taille très inférieure à la longueur d’onde de la lumière, la diffusion est d’autant plus efficace que la longueur d’onde est courte. On parle dans ce cas de diffusion Rayleigh.

6La kératine est une protéine fibreuse constitutive des poils, des ongles, des cornes, des plumes et des becs de nombreux animaux.

7Des interférences se produisent lorsque deux ondes lumineuses, issues d’une même source, se superposent après avoir suivi des chemins différents. En certains points, leurs amplitudes s’additionnent ; en d’autres, elles se soustraient. Ainsi, l’intensité lumineuse augmente à certaines longueurs d’onde, c’est-à-dire pour certaines couleurs, et est au contraire atténuée pour d’autres couleurs.

 

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