Les couleurs des plages de sable : blond, blanc … mais aussi orange, rouge, rose, vert, noir
Quel bonheur de retrouver les plages de sable fin ! Le plus souvent, leur couleur est blonde avec diverses nuances. Peut-être aurez-vous la chance d’assister à la réalisation de fresques éphémères (Beach Art) sur le sable à marée basse qui mettent à profit des contrastes de lumière (Fig. 1). Le sable peut encore prendre bien d’autres couleurs : blanc, orange, rouge, rose, vert, noir… Il y en a pour tous les goûts. Partons à la découverte de ces plages d’exception et penchons-nous sur l’origine de leurs couleurs.

Fig. 1. Une fresque de Beach Art réalisée par l’artiste Jben sur la plage de Saint-Georges-de-Didonne (Charente-Maritime). Ces photographies ont été prises en fin de journée sous divers angles à l’aide d’un drone. Les deux images du bas, prises à des heures et des altitudes différentes, sont des zooms sur le cœur de cette Mandala, où l'on voit des algues brunes et des coquillages blancs qui confèrent d’autres teintes et renforcent les contrastes. Source : Jben, artiste Beach Art - www.jbenart.com (avec son aimable autorisation).
Le sable : un mélange complexe
Le sable se compose de fines particules produites par la désagrégation et l’érosion de roches pendant des centaines de milliers d’années, voire des millions d’années. C’est un matériau granulaire dont la taille des grains s’échelonne de 0,06 à 2 mm. Le transport par les cours d’eau jusqu’aux océans, mers et lacs, puis le brassage par les vagues provoquent une réduction de la taille des grains.
La diversité de composition des sables est à l’image de la variété des roches dont ils sont issus.1 L’érosion du granite par exemple conduit essentiellement à du quartz, des micas et des feldspaths. Le quartz est souvent majoritaire : il s’agit de silice (dioxyde de silicium) à l’état cristallin (tandis que le verre ordinaire, également à base de silice, est amorphe). Purs, les cristaux de quartz* sont incolores mais ils contiennent souvent des impuretés à base de métaux qui lui confèrent une couleur claire. Il en est de même des micas* et feldspaths*, naturellement incolores.
Le tableau en annexe donne une liste non exhaustive des minéraux présents dans les sables avec indication de la couleur et de l’aspect. Dans la suite de ce texte, les minéraux dont les noms sont associés à un astérisque figurent dans ce tableau.
L’importance des propriétés optiques des grains de sable
Rappelons que la couleur est caractérisée par trois paramètres : la teinte, la saturation et la clarté.2 Pour une composition donnée d’espèces colorées dans un sable, c’est-à-dire pour une teinte donnée, les propriétés optiques et structurales des grains de sable influent sur la clarté et la saturation de la couleur perçue. Un grain renvoie la lumière différemment selon qu’il est, d’une part, transparent, translucide ou opaque, et d’autre part, cristallin ou amorphe. Les faces des cristaux réfléchissent bien la lumière (ex. : quartz*) ; les cristaux apparaissent d’autant plus brillants que leur indice de réfraction est élevé. La structure en feuillets des micas est également très réfléchissante. Cependant, les faces brillantes des cristaux ou des micas sont souvent altérées par le brassage des grains par le ressac.
Globalement, la surface du sable étant irrégulière, la lumière est renvoyée par réflexion diffuse (c’est-à-dire dans toutes les directions) avec toutefois un maximum à l’angle de réflexion spéculaire. L’efficacité de la réflexion diffuse est plus faible pour le sable mouillé (grains enrobés d’eau) que pour le sable sec dont la clarté et la saturation sont plus grandes. Les couleurs sur la figure 1 (sable sec au centre de la fleur), et celles de la plage de sable rose que présente la figure 7, en sont des illustrations.
Les conditions d’éclairage et d’observation jouent également un rôle : l’angle d’observation, la position du Soleil par rapport à l’observateur et l’heure de la journée influent sur la clarté et la saturation de la couleur perçue. Les images de la figure 1 illustrent également bien ces effets. On remarque aussi que les dessins réalisés dans le sable avec un râteau apparaissent plus foncés que les zones adjacentes, car l’efficacité de la réflexion est encore affaiblie du fait de l’irrégularité de surface
Il faut donc retenir que, pour une même teinte, des différences notables de clarté et de saturation de la couleur sont observées.
Blanc n’est pas synonyme de pureté
Le sable est toujours un mélange de nombreux minéraux, comme mentionné ci-dessus. S’il est blanc, c’est simplement parce qu’il ne contient aucune espèce minérale colorée, aurait dit Monsieur de La Palice. Les plages de sable blanc sont riches en quartz* et micas* (blanc et brillant). En France métropolitaine, on trouve de belles plages de ce type, notamment en Bretagne (Fig. 2) et en Corse.

Fig. 2. La Plage des Sables Blancs (Finistère) mérite bien son nom. Crédit : Henri Moreau / Wikimedia Commons
Les débris blancs de coquillages (à base de calcaire*) sont parfois abondants sur certaines plages et contribuent à la blancheur. L’archipel des Glénan (Finistère) est un bel exemple. En outre, sur les plages proches de récifs coralliens, le sable contient souvent des débris blancs de coraux, et plus précisément des débris de leur exosquelette à base de calcaire*.
Jaune, orangé, rouge : une palette de couleurs dues aux oxydes de fer
Les oxydes de fer sont présents en abondance dans les roches et dans les sols. En particulier, les ocres constituées d’argile (kaolinite) colorée par des pigments minéraux à base de fer : la goethite (oxyhydroxyde de fer(III)) de couleur jaune, et l’hématite* (oxyde de fer(III)) de couleur rouge. Ces argiles colorées s’agglomèrent aux grains de sable. On parle alors de sables ocreux (contenant plus de 80 % de quartz).
Ainsi, le sable des plages (ou des déserts comme le Sahara) peut prendre des couleurs allant du jaune au rouge en passant par l’orangé (couleur due à la contribution conjointe de la goethite et de l’hématite) (Figures 3 et 4).

Fig. 3. Un exemple de plage orange : Porto Ferro (Sardaigne). Crédit : Roman Königshofer / Flickr - Creative commons

Fig. 4. L’île Rábida (Équateur) située dans l’archipel des Galapagos est inhabitée. La couleur rouge du sable est due à l’hématite provenant de l’érosion de roches que l’on voit ici surplombant la plage. Crédit : Amaury Laporte / Flickr Creative Commons
Rouge grenat
La couleur est rouge grenat quand le sable est issu de l’érosion de roches sous-jacentes (altérites) contenant des minéraux précisément appelés grenats* (Fig. 5). D’autres minéraux de couleur claire (quartz*, feldspaths*) ou sombre (glaucophane, pyroxènes*) sont également présents.

Fig. 5. Cette plage de l’île de Groix (Morbihan) doit sa couleur à une myriade de grenats. Crédit : Erick / Flickr Creative Commons
De jolies nuances de rose
La côte de granit rose de Bretagne est très réputée. L’érosion de cette roche produit du sable rose que l’on peut voir par exemple sur la plage de Ploumanac’h. La couleur rose est due principalement à la présence d’hématite (rouge ; voir ci-dessus) insérée dans le réseau cristallin du feldspath alcalin. Ce rose est donc un rouge « lavé de blanc », dirait-on en peinture.
En revanche, la couleur de certaines plages roses, par exemple dans l’archipel des Bahamas, a une origine non pas minérale mais organique : elle provient des coquilles de minuscules bestioles vivant dans les récifs coralliens : des foraminifères. Ce sont des protozoaires unicellulaires d’une taille d’environ 0,5 mm, dont la coquille (à base de calcaire*) peut prendre des couleurs rose ou rouge (Fig. 6). À leur mort, ils viennent s’échouer sur la plage et se mêlent au sable blanc en conférant une jolie teinte rose.

Fig. 6. Plage de sable rose sur la côte ouest de l’île de Harbour Island située à l’est de North Eleuthera (archipel des Bahamas). La couleur provient des minuscules coquilles de foraminifères échoués (Encart : le foraminifère Ammonia beccarii). Crédits : Rüdiger Stehn / Flickr Creative Commons et Hans Hillehaert / Wikimedia Commons
Vert et noir volcaniques
Les plages de sable vert sont très rares (seulement quatre dans le monde). Leur couleur provient de l’olivine*, un minéral d’origine volcanique qui doit son nom à sa couleur vert olive (Fig. 7). Cette couleur est due essentiellement aux ions fer(II) présents dans sa structure. L'olivine est souvent présente dans le basalte* car c’est le premier minéral à cristalliser lors du refroidissement d’un magma.

Fig. 7. La plage Papakōlea Beach (Île d’Hawaii) s’est formée lorsqu’un pan d’un volcan, dont les cendres contenaient des cristaux verts d’olivine, s’est effondré dans la mer. Crédits : Nataranganesan et Wilson44691 / Wikimedia Commons
Les plages de sable noir sont fréquentes dans les régions d’activité volcanique : La Réunion, Guadeloupe, Hawaï, Nouvelle Zélande, etc. (Fig. 8). Elles sont constituées essentiellement de basalte*, une roche magmatique formée par refroidissement rapide du magma. Sa couleur est noire car elle absorbe l’ensemble des longueurs d’onde du rayonnement solaire. Le basalte absorbe fortement le rayonnement infrarouge ce qui conduit à une forte augmentation de température en plein Soleil. Il est déconseillé de marcher pieds nus sur ce sable brûlant !

Fig. 8. Plage de sable noir dans le nord de la péninsule de Kaikoura, Nouvelle-Zélande. Crédit : Michal Klashban / Wikimedia Commons
Une plage multicolore !
Pour achever ce périple, voici la plage la plus colorée du monde : la plage californienne de Fort Bragg, dénommée Glass Beach (Fig. 9). Elle faisait autrefois office de décharge sauvage jusqu’en 1967. Après sa fermeture, les autorités ont décidé alors de procéder à une dépollution mais les tessons de verre n’ont pu être enlevés. Pendant des dizaines d’années de brassage par le ressac, ces derniers se sont érodés et sont devenus des galets de verres colorés.

Fig. 9. La plage Glass Beach à Fort Bragg (Californie) est constituée d’une myriade de galets de verres colorés (tessons de verre érodés d’une ancienne décharge). Crédit : Steve Corey / Flickr Creative Commons.
Glass Beach est désormais une zone protégée rattachée au parc de MacKerricher. Une ancienne décharge élevée au rang de zone protégée, voilà qui n’est pas banal !
Références
1P. Bédard, « Clef d’identification visuelle des grains de sable ». Document consultable ici.
2Voir le billet du 13.01.2019. « Quand naissent les couleurs, la règle de trois s’impose ».
*ANNEXE. Nature des minéraux présents dans les sables
Le tableau ci-dessous (non exhaustif) recense des minéraux présents dans les sables. Les quatre premiers ont des couleurs claires et les autres, des teintes plus ou moins foncées.
N. B. Les informations données dans ce tableau sont en grande partie tirées de la référence 1.
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MERCI pour ce magnifique partage
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