Equiprobabilité. Le paradoxe de la combinaison.
Combiner des processus aléatoires les rend moins aléatoires, et les psychologues pourraient bien se tromper depuis longtemps sur le biais d'équiprobabilité.
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Probabilité d'obtenir 2, 3, ..., 12 en lançant deux dés. Source Wikimedia.
Lorsque vous lancez deux dés, pensez-vous avoir plus de chance d’obtenir 11 ou 12 ? Ou bien les deux possibilités sont-elles aussi probables l’une que l’autre ?
À cette question, beaucoup de gens répondent que les deux sommes, 11 et 12, ont la même probabilité d’apparaître. Ils justifient cette intuition en disant que c’est le hasard qui détermine la somme et que le hasard ne favorise pas une alternative sur une autre. Or, 11 est en réalité deux fois plus probable que 12, parce que deux configurations (5-6 et 6-5) des dés correspondent à une somme de 11, alors qu’une seule (6-6) correspond à une somme de 12.
Cette erreur est nommée biais d’équiprobablité par les psychologues qui étudient cette question, l’équiprobabilité désignant le fait d’avoir des probabilités égales pour toutes les alternatives. Les psychologues ont très longtemps pensé que ce biais provenait d’une erreur conceptuelle fondamentale partagée par les humains selon laquelle le hasard est nécessairement équiprobable, alors que — selon leur théorie — ce n’est pas le cas.
Etrangement, pendant plus de 20 ans, les chercheurs n’ont pas cherché à vérifier une hypothèse à la base de leur interprétation : que le hasard n’est pas nécessairement équiprobable, contrairement à ce que pensent les humains. Un petit tour par la théorie mathématique du hasard est pourtant très instructive : en réalité, l’équiprobabilité est bien un prérequis du hasard véritable, selon les définitions mathématiques sur hasard (par la complexité, par l’entropie, etc.)
Autrement dit, si on se trompe bien en pensant que 11 est aussi probable que 12, ce n’est pas à cause d’une conception fausse du hasard, mais parce qu’on pense à tort que le hasard peut se combiner. Selon l’analyse mathématique de la situation, si le nombre que donne chacun des deux dés est bien aléatoire, il n’en est pas de même de la somme ! Cet exemple révèle un paradoxe plus général : lorsqu’on combine des processus aléatoires (au sens mathématique), le résultat est en général non aléatoire, ce que nous avons appelé le paradoxe de la combinaison.
Certes, nous avons des intuitions fausses concernant les probabilités, mais elles ne sont pas toujours aussi fondamentales qu’on le pense. Le fait que le biais d’équiprobabilité augmente avec l’apprentissage de la théorie des probabilités laisse d’ailleurs nettement penser que le paradoxe de la combinaison agit notamment parce qu’il est glissé sous le tapis à l’école, où aucune définition du hasard n'est jamais donnée. En réalité, on peut étudier les probabilités jusqu’à un niveau très élevé sans jamais rencontrer la définition formelle du hasard, qui éclaire la complexité du domaine…
Références
- Delahaye, J. P. (1994). Information, complexité et hasard. Paris: Hermes.
- Gauvrit, N., & Morsanyi, K. (2014). The Equiprobability Bias from a mathematical and psychological perspective.Advances in Cognitive Psychology, 10(3), 119-130. doi: 10.5709/acp-0163-9
- Lecoutre, M.-P. (1992). Cognitive models and problem spaces in “purely random” situations. Educational Studies in Mathematics, 23, 557-568.
donc si je vous suis 421 est plus probable qu'un triple 1 ou un triple 6 car il y a 3 combinaison possible pour 421 et une seule pour un triple?
Pour le 421, il y a 6 manières de l'obtenir : 124 142 214 241 412 421. Donc oui, il est 6 fois plus probable que le triple 6 ou le triple 1.
Merci Steph de m'avoir rappelé la valeur de 3!