Comprendre la publication scientifique
Article paru dans Science et pseudo-sciences, 308.
Cet article traite de deux sujets distincts mais intimement liés. D'une part les caractéristiques particulières de la publication scientifique, et les conséquences qu'il faut en tirer sur la manière d'apprécier l'activité d'un chercheur. D'autre part, l'expertise scientifique, et en particulier les critères selon lesquels les pouvoirs publics et les médias peuvent identifier les experts d'un sujet donné.
Pour véritablement contribuer à la science[1], les textes relatant les idées et les résultats des chercheurs doivent impérativement répondre à des critères qui ne sont pas nécessairement bien connus du public, des journalistes (même scientifiques) et des décideurs. Cette méconnaissance a parfois des effets pervers que nous illustrerons dans le cas particulier de l'expertise. En premier lieu nous allons expliciter et justifier ces critères. Ils sont essentiellement au nombre de deux:
- Les textes doivent être publiés dans des revues scientifiques expertisées par les pairs.
- Ils doivent être publiés dans des revues internationales en anglais.
Les supports de publication
Premièrement, pourquoi la publication scientifique devrait-elle se distinguer des autres modes de publication, comme les livres et les magazines? Outre l'intérêt évident d'éditer des supports spécifiques pour des publics spécifiques, un petit tour dans une grande librairie permet de cerner immédiatement le problème du monde de l'édition généraliste: on y trouve tout et n'importe quoi, sans aucun critère de validité scientifique. Parcourons par exemple le rayon "santé", on y trouvera des livres de grande qualité fondés sur des données scientifiques irréprochables, tout comme des livres écrits par des charlatans sans aucune compétence, conseillant parfois des traitements inefficaces et dangereux pour la santé. Au rayon "psychologie", on trouvera essentiellement des livres de "développement personnel" promettant monts et merveilles, des livres de psychanalyse ayant réponse à tout, des livres-appâts pour des sectes, et très peu de livres fondés sur des données scientifiques sur la psychologie humaine. Si l'on regarde les journaux et magazines généralistes, on y trouve un galimatias similaire. Le problème de l'édition généraliste, c'est que le seul critère de publication d'un texte, c'est qu’il puisse se vendre. Les critères de méthodologie, de validité scientifique n'entrent pas en ligne de compte. Ce type d'édition ne peut pas répondre aux exigences de la publication scientifique.
Bonjour @Fnac , vous n’avez honte d’avoir des rayons « Médecine » composés à 80% de livres vaseux ? Vous saisissez que vous participez par cupidité à la désinformation en santé ? Les thérapies énergétiques et autres #Fakemed n’ont rien à faire là. Diffusez plutôt la science pic.twitter.com/Y23khCVnBA
— Épistémèthikos (@MathieuRepiquet) August 26, 2019
On voit bien que les critères de publication scientifique doivent être différents, et c'est pour cela qu'il existe un secteur de l'édition à part, pour les revues scientifiques expertisées par les pairs ("peer-reviewed"). Ces revues disposent d'un comité éditorial formé de chercheurs jugés comme étant des experts internationaux dans le domaine couvert par la revue. Le travail du comité éditorial est complété par celui d'experts recrutés de manière ponctuelle pour les besoins spécifiques de certains articles.
En pratique, chaque chercheur ayant écrit un article exposant ses idées ou ses résultats peut le soumettre à la revue de son choix. Cet article est envoyé à plusieurs experts du sujet désignés par l'un des éditeurs[2]. Les questions qui sont posées aux experts sont multiples: 1) La question scientifique et les hypothèses qui sont faites sont-elles claires et bien posées? 2) La méthode utilisée est-elle appropriée pour répondre à la question posée? 3) Les analyses des données sont-elles appropriées? 4) Les conclusions tirées sont-elles conformes aux résultats obtenus? 5) L'article, sous sa forme actuelle, est-il suffisamment clair et détaillé pour permettre à d'autres chercheurs de reproduire ces travaux? 6) Dans les revues les plus prestigieuses, une question subsidiaire est celle de l'importance perçue du travail: les résultats représentent-ils une avancée de la connaissance suffisamment importante pour mériter publication dans cette revue? Ou s'agit-il d'une avancée plus mineure, incrémentale, de la connaissance, bonne à publier mais dans une revue à diffusion plus restreinte et spécialisée?
Afin de répondre à ces questions, les experts vont éplucher l'article à fond, critiquer tout ce qui est critiquable, émettre des avis et des recommandations sur la méthodologie, sur l'analyse des données, y compris des suggestions d'améliorations, et renvoyer leur rapport d'expertise à l'éditeur, qui en fera la synthèse. La décision de l'éditeur envoyée à l'auteur spécifie si l'article peut être publié ou pas dans la revue, et si oui, sous quelles conditions (de révision de parties du texte, de refonte des analyses, voire parfois de collecte de données supplémentaires). Du point de vue de l'auteur, il est rare qu'un article soit accepté d'emblée par la première revue à laquelle il est soumis. Parfois, il est accepté sous réserve de révisions mineures. Très souvent, des révisions majeures sont demandées avant que l'article ne puisse être resoumis (et donc renvoyé aux experts), sans pour autant garantie de publication après révisions. Ce processus peut s'itérer 2, 3 fois ou plus... Bien souvent aussi, l'article est simplement rejeté par la revue et l'auteur est invité à le soumettre ailleurs.
Eh oui, c'est dur d'être chercheur, il ne suffit pas de faire la recherche, encore faut-il parvenir à la publier... Mais le résultat de ce long processus "d'expertise par les pairs", c'est que les articles finalement publiés dans les revues offrent un niveau de qualité scientifique minimal, niveau qui varie selon les standards de la discipline et les exigences propres à chaque revue. Comme chaque chercheur a pu en faire l'expérience, le seul processus d'expertise par les pairs et de révisions multiples qu'il entraine permet d'augmenter significativement la qualité des articles publiés.
Bien entendu, il ne s'agit pas de suggérer que toutes les études publiées dans les revues scientifiques sont parfaites et que leurs résultats sont incontestables et définitifs. La notion même de résultat incontestable est incompatible avec la démarche scientifique. Il existe bien sûr toute une hiérarchie de revues scientifiques, certaines beaucoup moins exigeantes que d'autres et publiant des études de moindre qualité. Et même les revues les plus prestigieuses ne sont pas à l'abri de publier des études mal conçues ou mal conduites dont les résultats ne seront pas confirmés ultérieurement, de nombreux exemples en attestent. De fait, le modèle actuel d’expertise par les pairs n’est pas exempt de défauts et de nombreux débats animent la communauté scientifique sur l’opportunité et la manière de le faire évoluer. Néanmoins, le niveau de qualité et de rigueur des travaux publiés dans la plupart des revues scientifiques est sans commune mesure avec la bouillie disponible dans l'édition généraliste.
On pourrait toutefois signaler qu'il existe des maisons d'éditions spécialisées dans les livres scientifiques, publiant des monographies et/ou des ouvrages collectifs, qui appliquent peut-être des critères de sélection tout aussi rigoureux que les revues internationales. Je ne peux pas parler pour toutes celles que je ne connais pas, mais un rapide examen du catalogue de deux des éditeurs scientifiques les plus reconnus (Odile Jacob et CNRS éditions) montre que leurs critères de publication ne sont de toute évidence pas ceux des revues scientifiques. Ma propre expérience de publication de chapitres dans des livres scientifiques collectifs (en français ou en anglais) m'a révélé qu'aucun de mes chapitres ainsi soumis n'a subi un processus d'expertise par les pairs équivalent à celui d'une revue scientifique internationale, même très mineure. Chez les éditeurs français (Solal, PUF, Editions de l'Institut des Sciences de l'Homme, Odile Jacob), mes chapitres n'ont visiblement subi aucune expertise, et chez les éditeurs internationaux (Sage, MIT Press, Mouton de Gruyter, Psychology Press, Lawrence Erlbaum, Harvard University Press), lorsqu'il y a eu expertise, ses exigences ont été extrêmement légères. Néanmoins, rien n’interdit en principe que certaines collections de livres chez certains éditeurs appliquent une expertise par les pairs aussi sévère que les meilleures revues scientifiques. Si de telles collections existent, elles échappent à mes critiques, mais force est de constater qu’elles doivent être très minoritaires.
La première conclusion intermédiaire que l'on peut tirer, c'est que tout chercheur, et même toute personne qui prétend avoir des idées ou des résultats de portée générale, sans pour autant les avoir publiés dans des revues scientifiques expertisées par les pairs, doit inspirer une certaine méfiance. Car cela signifie que ces idées ou résultats n'ont probablement subi aucun contrôle de qualité, et n'ont pas été examinés de manière critique par d'autres spécialistes du domaine. Les idées publiées dans l'édition classique ont le même statut de simples opinions que celles émises par-dessus le comptoir. Nous y reviendrons après avoir discuté le second point, concernant la langue de publication.
La langue de publication
La science ne connaît pas de frontières. C'est un ensemble de connaissances à vocation universelle. Une discipline scientifique qui se développerait dans un seul pays, sans tenir compte des connaissances produites ailleurs, sans diffuser ses résultats à l'extérieur de ses frontières, et sans s'exposer au regard critique des autres, aurait de sérieux problèmes de validité, et aurait peu d'influence sur le cours global de la science. C'est pour cela que dans la recherche plus que dans tout autre secteur, le développement d'Internet a été mis à profit pour diffuser tous azimuts les publications scientifiques. La lenteur de l'édition papier et de l'acheminement postal n'est donc plus un frein à la communication scientifique.
Un autre frein potentiel est bien sûr la langue. Au 18ème et au 19ème siècles, les quelques centaines de scientifiques répartis dans une dizaine de pays publiaient dans leur langue maternelle, et devaient déployer des trésors d'érudition pour prendre connaissance des travaux des autres. Pour pallier cet inconvénient, plusieurs langues se sont successivement imposées comme des lingua franca: le latin, puis le français, puis l'allemand, et depuis la seconde guerre mondiale, l'anglais.
Aujourd'hui, à l'ère ou le nombre de publications scientifiques sur un sujet donné se compte en centaines ou en milliers d'articles par an, et où les auteurs sont issus de 180 pays et ont encore plus de langues maternelles, l'idée même d'essayer de lire la science dans la langue maternelle des autres n'a plus la moindre plausibilité. L'utilisation d'une langue commune, déjà utile au 18ème siècle, est aujourd'hui devenue une nécessité vitale pour la recherche. On peut déplorer la perte d'influence du français, et la domination écrasante de l'anglais, et ce pour des raisons qui n'ont rien de scientifique (tout simplement: le poids économique des USA et leur investissement massif dans la recherche, qui a entraîné une prédominance quantitative de fait des travaux publiés en anglais). Mais aujourd'hui c'est un fait incontournable: la recherche a besoin d'une langue commune, l'anglais s'est imposé, et cette situation sera bien difficile à modifier.
Le simple réalisme impose donc à tous les chercheurs du monde, s'ils veulent faire connaître leurs travaux, de les publier en anglais. Publier ses travaux dans une autre langue que l'anglais, c'est les condamner à n'être connus que par la petite fraction des scientifiques du domaine qui sont capables de lire cette langue (environ 2% en ce qui concerne le français[3]), et à être ignorés par tous les autres. C'est donc les condamner à n'avoir probablement aucune influence sur le cours de la science. C'est aussi les priver du regard critique des meilleurs spécialistes internationaux du sujet, ce qui peut être rassurant pour certains chercheurs, mais qui est aussi une perte de chance pour la qualité de leurs travaux. En effet, les critiques des autres chercheurs sont essentielles pour identifier les failles dans ses propres résultats et arguments.
Tout chercheur qui a publié dans les revues scientifiques internationales en anglais peut témoigner à quel point la qualité de chaque article soumis et de ses travaux ultérieurs a été améliorée par les critiques (parfois sévères) reçues de la part des experts mondiaux du domaine. Certes, certaines revues scientifiques francophones possèdent aussi des comités éditoriaux qui font de l'expertise par les pairs. Même si les chercheurs francophones expertisant les articles en français peuvent être aussi compétents que leurs collègues étrangers, l'échantillon au sein duquel on peut puiser des experts francophones est nécessairement beaucoup plus restreint, et ne peut pas avoir le même éventail de compétences qu'en puisant dans l'ensemble des experts au niveau mondial. Accessoirement, nombre de chercheurs français compétents ne voient pas l'intérêt d'expertiser des articles de recherche écrits en français, si le fruit de leur expertise ne doit bénéficier qu'à 2% des chercheurs du domaine; il est plus rationnel d'expertiser uniquement pour les revues internationales, sachant que les chercheurs reconnus dans leur domaine reçoivent déjà bien plus de sollicitations d'expertises de revues internationales qu'ils ne peuvent en assumer (c'était le sens de ma réponse à l'éditeur d'une revue française).
Bien entendu, il ne s'agit pas de dire qu'aucun résultat de la recherche ne doit être diffusé en français. Seuls les comptes-rendus originaux des recherches, ceux qui sont lus par les chercheurs, doivent être publiés en anglais. A côté de cela, de nombreuses autres personnes doivent être informées des dernières avancées scientifiques: les professionnels (médicaux, paramédicaux, de l'éducation, etc.), les politiques et les décideurs, et tous les citoyens. Ces personnes n'ont ni le temps, ni l'intérêt, ni la compétence nécessaires pour parcourir les travaux originaux, elles ont besoin de transfert des connaissances (ou vulgarisation scientifique), sous une forme différente, adaptée à leurs besoins et à leur niveau de connaissances. C'est l'objet des articles scientifiques dans les médias généralistes et spécialisés, et des livres dans de nombreuses collections.
Tous ces textes scientifiques en français, publiés sur divers supports, sont donc parfaitement légitimes et nécessaires. Mais il ne faut pas les faire passer pour ce qu'ils ne sont pas: ce ne sont pas des comptes-rendus originaux des travaux scientifiques. Ce sont des textes qui traduisent, synthétisent, résument, et simplifient les comptes-rendus originaux pour les rendre accessibles à un plus large public demandeur d'informations scientifiques en français. Ces textes, eux aussi, devraient être évalués, et le sont insuffisamment. Mais ils devraient l'être selon des critères différents des vraies publications scientifiques: le critère devrait être de refléter fidèlement l'état des connaissances (ou les résultats d'une étude) publiées dans les revues scientifiques internationales.
Lorsque des revues et des maisons d'édition francophones prétendent qu'elles publient des travaux scientifiques originaux, elles rendent un mauvais service à la science, aux chercheurs et aux lecteurs. A la science, car ces travaux étant invisibles de la plupart des chercheurs du monde, ils ne contribuent de fait pas à l'avancement de la science, quand bien même ils auraient quelque chose d'important à apporter. Aux chercheurs, car même si pour eux la publication en français est une solution de facilité (à la fois d'un point de vue linguistique et du point de vue du niveau d’exigence), leurs travaux ne sont pas évalués, critiqués (et donc améliorés), diffusés et valorisés au niveau où ils devraient l'être. Et aux lecteurs, en leur faisant croire que les travaux ainsi publiés ont la même validité que des travaux publiés dans des revues scientifiques internationales.
A ce stade de la discussion, on ne peut éluder la question des différentes traditions de publication dans les différentes disciplines. Pour tout chercheur en physique, en biologie, ou en médecine, tout ce que j'ai écrit ci-dessus est d'une grande banalité et mérite à peine discussion. Aucun biologiste n'aurait l'idée de publier les résultats de sa dernière expérience dans une revue ou un livre en français. En revanche, les sciences humaines et sociales (SHS) sont beaucoup plus partagées sur le sujet. Ces disciplines entretiennent beaucoup de revues spécialisées en français, et valorisent énormément la publication de livres en français par les chercheurs[4]. Les pratiques de publication y sont très hétérogènes: certains chercheurs ne publient leurs travaux originaux que dans les revues internationales en anglais (notamment en psychologie et en économie), d'autres ne les publient qu'en français, et d'autres encore ont une stratégie de publication mixte.
Et pourtant, si l'on y réfléchit bien, les arguments exposés ci-dessus s'appliquent tout autant aux SHS qu'aux autres disciplines. Si l'on considère la question de la langue de publication, peut-on décemment soutenir que les travaux français en sociologie n'intéressent que les sociologues francophones? L'histoire de France ne concerne-t-elle que les historiens francophones? Et l'économie française les économistes francophones (sans compter que les chercheurs français en SHS ne se restreignent évidemment pas à des recherches portant sur la France)? Les dernières théories des chercheurs français en sciences de l'éducation ne gagneraient-elles pas à être évaluées par des experts internationaux en sciences de l'éducation, et à être confrontées aux théories et aux données produites dans d'autres pays? Et les pratiques thérapeutiques proposées par les psychanalystes français pour l'autisme ne mériteraient-elles pas d'être évaluées et publiées dans des revues médicales internationales? Comment tous ces chercheurs français peuvent-ils assurer la validité de leurs travaux s'ils ne les ont soumis qu'au regard de 2% des spécialistes de leur sujet (et ceux qui leur sont le plus proche)?[5]
Plus généralement, on peut se poser des questions sur le statut de ce que font des communautés entières de chercheurs français qui ne publient qu'en français et n'évaluent et ne diffusent leurs travaux qu'entre eux, sans jamais les exposer au regard des experts du reste du monde (par exemple, en sciences de l'éducation ou en psychanalyse). Quelle est la validité de ces travaux? En quoi contribuent-ils à l'avancement global des connaissances? Bien sûr, outre la production de connaissances générales, les SHS ont aussi une vocation importante à guider la société et les décideurs dans de nombreux choix de société, et les textes qui visent à guider ces choix sont nécessairement écrits en français. Mais ces textes ne peuvent être les travaux originaux de recherche eux-mêmes. Ce ne peuvent être que des synthèses en français de connaissances validées et publiées par ailleurs dans des revues scientifiques internationales, ou bien des hypothèses et des opinions éclairées par de telles connaissances. Sinon, quelle validité scientifique peuvent-ils revendiquer?
Il se peut aussi que dans certains cas des travaux de recherche portent sur des problématiques très spécifiques au contexte français: par exemple, des problèmes organisationnels spécifiques à l'Education Nationale. Admettons donc que certains travaux en sciences de l'éducation (par exemple) soient de portée suffisamment locale (et ne nécessitent pas d'expertise internationale) pour qu'il ne soit pas indispensable de les publier en anglais. Tant pis pour les Ougandais qui pourraient en apprendre quelque chose pour l'organisation de leur système éducatif, on admettra aussi que ce n'est pas le rôle premier des sciences de l'éducation françaises d'aider l'Ouganda. Néanmoins, toutes les questions en sciences de l'éducation ne sont pas de portée purement locale. Si par exemple les chercheurs français ont des idées novatrices sur les pratiques pédagogiques favorisant l'apprentissage de la lecture ou du calcul, nul doute que cela devrait intéresser d'autres pays (quand bien même ils enseignent dans une autre langue que le français). Nul doute aussi qu'il existe déjà de nombreux travaux de recherche sur ces sujets dans de nombreux pays, et que les idées de nos chercheurs français en sciences de l'éducation ne pourraient que gagner à s'y confronter, et à être évaluées par les spécialistes internationaux du sujet. Pourquoi ne publient-ils donc pas dans les revues internationales en sciences de l'éducation?[6]
Plus généralement, pour tout chercheur et a fortiori pour toute communauté de chercheurs dont l'essentiel de la production scientifique est en français, il est légitime de se demander pourquoi. Leurs travaux ne sont-ils pas susceptibles d'intéresser les 98% de chercheurs du monde qui travaillent dans la même discipline, sur le même sujet, et d'intégrer le corpus international de la connaissance? Il me semble que cette question se pose avec la même acuité dans les sciences humaines et sociales qu'en physique ou en biologie.[7]
Conséquences pour l'expertise scientifique
Ainsi, les critères de la publication scientifique sont nécessairement très différents de ceux de l'édition classique, et la manière d'apprécier les publications d'un chercheur est nécessairement très différente de celle d'apprécier l'œuvre d'un écrivain. Mais qui en est conscient, à part les chercheurs eux-mêmes (en tous cas ceux qui publient dans les revues internationales)? Malheureusement, pas grand-monde. En particulier, pas les principaux intéressés, qui sont régulièrement amenés à solliciter l'avis de chercheurs experts de tel ou tel domaine: les journalistes et les politiques. Il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine (spécialisé ou généraliste) pour s'en rendre compte, et ce particulièrement dans les disciplines qui valorisent encore excessivement la publication francophone. Par exemple, sur un sujet de psychologie, qui est interrogé? Dans 90% des cas, un psychanalyste qui a publié des livres en français, mais qui n'a jamais publié le moindre article scientifique en anglais (et qui bien souvent n'a même aucune activité de recherche au-delà de l'observation informelle de ses patients). Sur un sujet d'économie, les débats sont souvent accaparés, soit par des économistes auto-proclamés (entrepreneurs et écrivains comme Alain Minc, ou journalistes économiques), soit par des universitaires qui n'ont pas toujours une production scientifique internationale à la hauteur de leur notoriété franco-française (cf. mon article sur l'IFRAP).
Cette tendance est renforcée par l'alliance entre le monde de l'édition et celui du journalisme, et la frontière ténue qui sépare le journalisme (y compris scientifique) et l'industrie du divertissement. Ainsi, les articles de magazine, les émissions de radio et de télévision portant sur des sujets scientifiques sont au moins autant guidés par les sorties de livres à promouvoir que par les résultats scientifiques nouveaux. Il n'est donc pas étonnant que les auteurs de ces livres soient rappelés en priorité par les journalistes lorsqu'une expertise sur un sujet scientifique est demandée. Quant aux pouvoirs publics, il y a fort à parier qu'ils se contentent de suivre les médias, piochant les noms de leurs experts dans les journaux (et parmi les représentants de divers lobbies) plus souvent que dans les bases de données bibliographiques scientifiques. L'ignorance généralisée des caractéristiques particulières de la publication scientifique, et la confusion qui en résulte entre édition classique et publication scientifique, concourent donc à déformer considérablement la perception de la compétence scientifique et l'usage de l'expertise scientifique par les médias, les décideurs et le grand public.
Sur la question particulière de l'expertise, on pourrait objecter qu'il n'est pas nécessaire d'être un chercheur publiant dans les revues scientifiques internationales pour avoir un avis éclairé sur un sujet scientifique. C'est parfaitement vrai. Les chercheurs n'ont pas d'exclusivité sur la connaissance. Certains enseignants, médecins, ingénieurs, ou citoyens ayant une formation scientifique et tenant à jour leurs connaissances dans un domaine sont parfois tout à fait compétents sur certains sujets scientifiques. Mais comment les identifier? Parmi tous les gens qui prétendent tout savoir et avoir tout compris, et qui ont parfois écrit un livre pour partager leurs révélations, comment distinguer ceux qui ont de véritables connaissances à jour sur un sujet donné, de ceux qui croient savoir tout en étant ignorants, sans parler des manipulateurs et des charlatans? A moins de posséder soi-même plus de connaissances qu'eux sur le sujet, la tâche s'avèrera bien difficile.
L'intérêt de s'adresser à des chercheurs, c'est que ceux-ci se situent par définition aux frontières de la connaissance: pour produire des connaissances nouvelles, il leur est déjà nécessaire de dominer les connaissances actuelles. Encore faut-il prendre soin d'interroger les chercheurs dans leur domaine d'expertise (en dehors, leur avis risque d'être aussi incompétent que celui de tout autre citoyen), et s'assurer que les chercheurs que l'on interroge produisent effectivement des connaissances nouvelles nécessitant de se situer à la frontière de la connaissance. Pour le savoir, un seul critère possible: les articles dans les revues scientifiques internationales. On peut pour cela consulter les bases de données bibliographiques scientifiques (Web of Science, Scopus, qui nécessitent des abonnements payants, mais aussi Google Scholar, et Pubmed pour les sciences de la vie qui sont en libre accès), de même que les sites institutionnels hébergeant les pages web des chercheurs, sur lesquelles figurent normalement leurs publications. Les services de presse des universités et des organismes de recherche sont en principe également en mesure d'orienter vers des chercheurs compétents sur un sujet donné (mais ils gagneraient sans doute eux aussi à se fier plus aux publications scientifiques qu'aux livres et aux interventions dans les médias pour identifier les experts).
Entendons-nous bien: aucun critère simple n'offrira jamais une garantie à 100% de la compétence d'une personne sur un sujet donné. Simplement, solliciter des chercheurs publiant régulièrement sur le sujet concerné dans des revues scientifiques internationales est la manière la plus fiable de minimiser les risques de recueillir un avis ignorant et non pertinent. S'il est vrai que certains journalistes scientifiques et certaines institutions (comme le service des expertises collectives de l'Inserm, ou la Haute Autorité de Santé) connaissent bien la spécificité de la publication scientifique et sont capables d'identifier correctement les experts d'un sujet, on peut regretter qu'ils soient très minoritaires, et que les livres en français et les apparitions médiatiques comptent bien plus dans l'esprit de la plupart des gens. Cette situation a nécessairement un impact sur la qualité de l'information et de l'expertise scientifiques disponibles en France.
En résumé:
- Publier ses travaux originaux de recherche dans un livre (sans les avoir préalablement publiées dans des revues scientifiques internationales), c'est court-circuiter le processus normal d'évaluation des travaux de recherche, et essayer d'influencer la société avec des idées qui n'ont pas été évaluées par les experts internationaux du sujet.
- Publier ses travaux originaux de recherche en français, cela revient à les enterrer bien profond dans un trou pour être sûr que la plupart des chercheurs du domaine n'en auront jamais connaissance.
- Si des politiques ou des journalistes souhaitent avoir un avis expert sur un certain sujet, ils feraient bien de savoir identifier les experts correctement: ce ne sont pas les livres, ni les revues en français, ni les apparitions médiatiques qui comptent, ce sont les articles dans les revues scientifiques internationales en anglais.
[…] Comprendre la publication scientifique de Franck Ramus […]
L'enseignement du Français et l'enseignement de l'Anglais ne peuvent être comparable. En SHS, les nuances de vocabulaire sont plus difficilement traduisibles qu 'en "Hard Science"
"En SHS, les nuances de vocabulaire sont plus difficilement traduisibles qu 'en "Hard Science"
Il me semble que c'est une pure pétition de principe. Les concepts des sciences dites dures ne sont pas plus simples et faciles à traduire que ceux des SHS!
Pour le reste, voyez ma note [5]
1) Le cas des SHS
Votre billet contient une critique implicite et à mon sens parfaitement justifiée des SHS, en particulier dans votre note [5]. Il y a effectivement confusion, depuis l’origine de ces sciences, entre œuvre scientifique et œuvre littéraire – ainsi Freud, dont le contenu scientifique de l’œuvre reste soumis à caution, n’en est pas moins un auteur de génie. Qui plus est, les SHS s’arrêtent souvent bien en deçà de l’ouvre littéraire, pour tomber au niveau du manifeste politique – là aussi (Bourdieu…), c’est le fruit d’une longue tradition. In large pan des SHS a été contaminé ; un grand nombre d’études SHS tiennent aujourd’hui littéralement du tract et n’ont de fait pas de contenu scientifique.
Le mécanisme de « peer review », dont vous chantez les louanges n’empêche pas ce phénomène, ni au niveau français ni au niveau international (la « profondeur » de la théorie du genre mettrait en joie Rabelais ou Molière). Le « Peer review » amplifie même, en l’espèce le phénomène, les pairs formant alors une sorte d’aristocratie tendant à sa propre reproduction et recherchant de façon circulaire, dans les papiers soumis, une forme d’auto-confirmation de ses propres idées.
2) Critique des « peer reviews »
Du fait de l’hyperspécialisation des sciences à laquelle on assiste depuis un peu plus d’un siècle, le nombre des pairs, pour chaque spécialité, est très réduit (souvent ces pairs se connaissent tous. Dans le cas des grandes universités anglo-saxonnes, ils vivent ensemble, se côtoient à la ville et dans les congrès, leurs femmes se côtoient, les cancans sur leur vie privée circulent, etc). Considéré spécialité par spécialité, le global village, même s’il est mondial, même à l’ère d’Internet, est donc minuscule.
Dans ce village, les opinions des profanes ne sont jamais considérées, même s’ils ont dédié 30 ans de leur vie à étudier les livres des savants. Les opinions des savants des autres disciplines ne sont non plus jamais considérées du fait de l’hyperspécialisation. Les pressions sociales qui s’y exercent sont intenses (argent, considération, amitiés, jalousies, réputation, lutte entre les générations…) comme dans toutes les activités humaines. Les savants sont des gens très doués, sélectionnés sur examen qui jugent leurs aptitudes supposées à la science, pas sur leur goût pour la vérité. Il y donc aussi des modes en sciences, d’une durée d’environ 10 à 20 ans et qui produisent ce qu’il faut bien appeler une opinion moyenne, au sens de votre article. Même si cette opinion s’appuie sur des données expérimentales, ces expériences sont réalisées dans le village, les a priori qui les sous-tendent ne sont compris que dans le village, sur des appareils coûteux et elles ne sont interprétées que par les habitants du village. Planck : « Même dans le cas des mesures les plus directes et les plus exactes, par exemple celle du poids ou de l’intensité d’un courant, les résultats ne peuvent être utilisables qu’après avoir subi nombre de corrections dont le calcul est déduit d’une hypothèse…».
Il ne faut donc pas exagérer la valeur du mécanisme de « peer review », même si, évidemment, la situation des SHS reste une exceptionnelle sorte de « cas limite » : toutes les autres spécialités justifient cette critique, sans atteindre cette limite.
3) La forme des publications
Le mode de fonctionnement scientifique actuel semble bien adapté à des évolutions techniques incrémentales. Les savants sont payés pour aller toujours de l’avant, produire de nouveaux papiers sans quoi on n’obtient ni avancement ni prix Nobel. Pourtant Aristote, Galilée, Newton… ont écrit de grands livres et dans le cas d’Aristote et de Galilée au moins, contenant une grande part d’opinion. Cette méthode à base de publications est une sorte de caricature de la méthode expérimentale de Descartes : chaque papier apportant une pierre supplémentaire à l’édifice mais sans jamais un retour sur les fondements. Ainsi, autant que j’en puisse très modestement juger en tant que non habitant du village, en dépit d’avancées techniques absolument uniques depuis un siècle, la physique s’est arrêtée depuis la découverte de la relativité et de la physique quantique, chacune résolvant d’un coup un grand nombre de contradictions classiques mais introduisant naturellement de nouvelles contradictions (Platon : « tout ce que l’intelligence humaine peut se représenter enferme des contradictions qui sont le levier par lequel elle s’élève » - Je ne sais pas si la mécanique quantique, dont la forme scientifique actuelle est essentiellement non représentable à l’intelligence humaine, est concernée).
Pour en revenir à votre analyse initiale, ce qui se joue ici est plus important que la science même, c’st la notion de vérité, remplacée un peu partout par la notion d’utilité, que ce soit au sein du village ou des autres modes de publication « grand public ». Tout nous ramène à l’utilité, personne ne songe à la définir. En fait, l’opinion publique règne aussi dans le village des savants. Nous sommes revenus à ce que Platon décrit dans la République, au point qu’il semble décrire notre époque. L’art de persuader, la publicité, la propagande, le cinéma, le journal, la radio, la télé, Google, tiennent lieu de pensée et ont simplement remplacé Protagoras et les sophistes. Il semble que malheureusement, Socrate, Platon, Pythagore nous fassent aujourd'hui défaut.
Bien entendu, le système de peer review est très débattu et critiqué au sein de la communauté scientifique. Nous lui voyons tous plein de défauts, mais en même temps nous n'en voyons pas de meilleurs. C'est le pire système à l'exclusion de tous les autres.
Les amendements proposés au système remettent en cause le monopole des revues scientifiques, proposent de substituer l'expertise post-publication à l'expertise pré-publication... mais personne n'envisage de se passer totalement de peer-review. L'expertise par les pairs reste indispensable, personne d'autre que les experts d'un domaine n'est apte à juger des travaux de ce domaine. Tout le problème est d'organiser ce système de manière à améliorer son fonctionnement et diminuer les effets pervers et incitations délétères (trafics d'influence, effets de mode, obstacles à la libre diffusion des idées, etc.)
Je suis en désaccord complet avec votre dernier point. C'est peut-être l'impression qu'on peut avoir si on ne connaît la science que par ce qu'en montrent les médias. Mais pour être au coeur de la communauté, mon sentiment est que c'est vraiment le dernier endroit où on se préoccupe vraiment de vérité (ce qui ne veut pas dire qu'on ne se préoccupe que de vérité, et que le milieu est immunisé contre toutes les autres préoccupations).
"L'histoire de France ne concerne-t-elle que les historiens francophones?" Non mais il ne faut pas se mentir non plus. L'histoire de France intéresse surtout les francais. Même chose avec l'histoire d'Espagne, cela intéresse principalement les espagnols. Et même chose pour les autres pays. Chaque pays s'intéresse principalement à son histoire nationale ce qui est relativement logique. Bien sûr, on a des spécialistes de l'histoire d'autres pays dans les universités francaises (la France a compté de très grands spécialistes de l'histoire byzantine. Je pense par exemple à Évelyne Patlagean). Reste que la plupart des historiens francais étudient principalement l'histoire francaise. Et c'est la même chose dans les autres pays.
Et il faut remarquer que tout historien spécialiste d'un pays connait la langue du pays en question. Un historien américain spécialiste de l'histoire de France comprendra le francais. On peut difficilement prétendre spécialiste de l'histoire d'un pays si on est incapable de traiter les sources de l'histoire. Donc au final que l'histoire de France soit traité en francais n'est pas un gros problème vu que les spécialistes étrangers savent parler la langue francaise.
Autant, pour certaines disciplines précises de l'histoire, il est intéressant de publier en anglais (je pense à l'histoire économique) autant pour d'autres, je comprend que la langue national prime.
Qu'il soit clair, je suis d'accord avec l'idée qu'il est important de publier ses recherches en anglais. Il est aberrant de publier un article en psychologie en francais. Autant, je pense qu'il existe certaines exceptions où je pense qu'il est compréhensible que ce soit publié en francais.
L'histoire n'est pas déterminé par des lois générales comme d'autres disciplines. Quand vous étudiez l'histoire, vous ne pouvez pas en retirer des théories qui permettront d'améliorer votre compréhension du monde. Alors que si vous étudiez l'économie ou la psychologie, vous pouvez formulez des théories qui permettront d'améliorer la compréhension de l'économie ou de la psychologie.
Je suis d'accord qu'il peut y avoir des exceptions dûment justifiées.
Je pense qu'il y a un réel problème de rigueur scientifique dans les SHS en France. Vous parlez souvent de l'influence de la psychanalyse dans les universités francaises mais on pourrait aussi parler de l'influence de la philosophie continentale dans les universités francaises. Dans le monde anglo saxon, c'est la philosophie analytique qui domine dans les universités. Or, celle ci est bien plus rigoureuse scientifiquement que la philosophie continentale. La philosophie continentale se rapproche de la philosophie dans l'enseignement secondaire. En gros, on étudie la pensée d'un philosophe du passé (Kant, Nietzsche, Aristote,...). Il s'agit simplement de l'histoire de la philosophie. Là où la philosophie analytique se base sur les travaux scientifiques de notre époque. Par exemple, les philosophes de l'esprit vous se basez sur les travaux des neuroscientifiques. Ils vont se poser les questions: "qu'est ce que sont les implications de telle découverte en neuroscience ?". Il est important de comprendre que la philosophie s'intéresse plus à savoir quelles sont les bonnes questions à se poser, à savoir de quoi il faut débattre qu'à réellement répondre aux questions.
La philosophie analytique accorde une grande importance au fait de s'exprimer clairement. Là où quand on lit la philosophie continentale, on a souvent droit à de grandes envolées lyriques.
Certes, c'est très classe mais cela amène quoi concrètement ? Je ne dis pas qu'il n'est pas intéressant de connaitre la pensée de tel philosophe mais ce qui me déplait dans la philosophie continentale, c'est le fait que très souvent, cela s'apparente à de la théologie. Il y a des textes sacrées que l'on étudie pour comprendre leur signification sans jamais réellement faire preuve d'esprit critique à l'égard de ces textes. En soi ce n'est pas parce que Kant a dit A que A est forcément vrai. Kant a pu se tromper. Surtout que je rappelle que les connaissances scientifiques de l'époque étaient bien moindre par rapport à aujourd'hui. Or, les philosophes continentaux semblent penser qu'ils peuvent répondre à une question sans prendre en compte les connaissances scientifiques à l'époque, juste en se basant sur leurs "textes sacrés". (Evidement, chaque philosophe continentale a son propre prophète. Pour l'un c'est Hegel pour l'autre, Sartre).
En tant que belge, j'ai remarqué que les francais avaient tendance à accorder beaucoup d'importance à la forme. Or, j'ai l'impression que parfois, en France, la forme prime sur le fond. Les Francais semblent beaucoup aimé les grandes idées abstraites souvent au détriment des faits concrets. Il suffit de voir la politique francaise pour s'apercevoir de cela. Or, je trouve que l'on retrouve ce phénomène dans le domaine des SHS en France. J'ai lu un tas de textes qui utilisaient un langage très sophistiqué au niveau de la forme mais au niveau du fond, c'était juste n'importe quoi.
Quiconque s'est déjà intéressé à la criminologie ou à la sociologie francaise c'est aperçu que très souvent, on a affaire à des textes qui sont en réalité des essais politiques. Ils affirment plein de choses sans aucune réelle preuve. Ou pires, comme preuves, ils font des affirmations d'autorités (style Derrida a dit X. Sauf que ce n'est pas parce qu'il a dit X que X est vrai).
Et désolé mais quand on voit à quel point les sociologues francais sont incapable de maitriser l'outil statistique de base, difficile de les prendre au sérieux.
(P.S il y a également des sociologues francais qui font du très bon boulot mais malheureusement, la discipline en général est entaché de graves problèmes au niveau de la rigueur scientifique).
Il est intéressant de voir que la majorité de la production des SHS c'est des ouvrages ou des chapitres d'ouvrage (à l'exception de l'économie et de la psychologie ce qui ne m'étonne pas. Ces disciplines semblent bien plus proches des standards internationaux que le reste des SHS): https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/Seminaire%20SHS%20Synthese_mai2019_1.pdf
En histoire, il n'est pas rare que des historiens publient directement des ouvrages au lieu de publier dans des revues universitaires. Ceci dit, en général, après, il y a des comptes rendus de l'ouvrage dans des revues universitaires.
Personnellement, l'histoire semble être bien plus rigoureuse que la plupart des autres disciplines des SHS (à l'exception de l'économie et peut être aussi de la psychologie) en France. La France a la chance d'avoir certains centres de formations excellents (comme l'école des chartres) capable de produire des historiens très rigoureux.
Je partage aussi votre constat sur l'influence démesurée et délétère de la philosophie continentale sur les SHS en France.