Pourquoi les progressistes devraient prendre en compte la génétique de l’éducation
De Kathryn Paige Harden, Université du Texas à Austin
Tribune parue dans le New York Times le 24 juillet 2018.
Traduction de François Tharaud (avec l'aimable autorisation de l'auteure).
Les études supérieures constituent une fracture au sein de la société américaine. Les hommes américains non diplômés du supérieur ont vu leurs salaires réels stagner depuis les années 1960, et sont de plus en plus nombreux à mourir de “pathologies du désespoir” : maladies du foie dues à l’alcoolisme, overdoses d’opiacés, suicides. A présent, de nouvelles recherches montrent que la probabilité de décrocher un diplôme, avec tous les avantages que cela implique, est en partie le résultat de la loterie génétique.
Le 23 juillet 2018, des chercheurs ont publié dans la revue Nature Genetics une étude analysant les gènes d’un million cent mille personnes d’origine européenne, dont plus de trois cent mille clients de l’entreprise de test génétique 23andMe[i]. Plus de 99% de notre ADN est identique chez tous les êtres humains, mais les chercheurs se sont concentrés sur le pourcent restant et ont trouvé des milliers de variantes d’ADN corrélées à la réussite scolaire. Ces informations peuvent être agrégées en un nombre unique appelé “score polygénique”. Chez les Américains d’origine européenne, à peine plus de 10% des personnes ayant un score polygénique faible ont décroché un diplôme du supérieur, alors que 55% des personnes ayant un score élevé en ont obtenu un. Cette différence génétique dans la réussite universitaire est aussi importante que la différence de réussite entre les étudiants issus de milieux favorisés et défavorisés aux Etats-Unis.
Comme les chercheurs se sont focalisés sur un groupe de personnes de même origine, leurs résultats n’ont aucune implication pour la compréhension de différences “raciales” dans la réussite scolaire. Par ailleurs, quand des chercheurs se sont penchés sur le cas des Afro-Américains, les variantes génétiques n’ont prédit les résultats scolaires que de manière très marginale. Il faudra encore beaucoup d’autres études pour comprendre pleinement le rôle de la génétique dans le système éducatif américain.
Mais ce genre de recherches met beaucoup de gens mal à l’aise. Faire le lien entre les inégalités sociales et l’ADN ne relèverait-il pas de l’eugénisme ? Après tout, le terme “eugénisme” fut inventé par Francis Galton, dont le livre publié en 1869, Hereditary Genius (Le Génie héréditaire), soutenait que la structure des classes sociales britanniques reposait sur la transmission biologique de “l’éminence”. Aux Etats-Unis, l’idée selon laquelle de mauvais gènes seraient responsables de la pauvreté a mené à des atrocités d’Etat, y compris la stérilisation et l’internement forcés.
Cette pensée eugéniste n’est pas complètement révolue. Aujourd’hui, des membres du “mouvement de la biodiversité humaine” publient allègrement des tweets et des articles de blogs sur des découvertes de génétique moléculaire dont ils croient à tort qu’elles prouvent que les inégalités sociales sont génétiquement déterminées, que des politiques telles qu’un État-providence plus généreux seraient vouées à l’échec, et que la génétique confirmerait une “hiérarchie des races”.
Cela a conduit des personnes attachées à la justice sociale à soutenir que, dans des domaines comme l’éducation, on devrait s’interdire toute recherche génétique. Par exemple, en réaction à une étude précédente sur la génétique de l’éducation, Dorothy Roberts, professeure de droit à l’Université de Pennsylvanie, a déclaré que ce genre de recherche “ne pouvait absolument pas être socialement neutre, et aggraverait les inégalités sociales.” Elle rejoint une longue tradition de penseurs de gauche considérant la recherche biologique comme contraire à l’objectif d’égalité sociale. Lénine lui-même écrivait que “le transfert de concepts biologiques dans le domaine des sciences sociales est une absurdité.”
Mais c’est une erreur. Ceux d’entre nous qui sont attachés à la justice sociale devraient au contraire se demander comment la révolution génomique peut être exploitée pour nous aider à créer une société plus juste.
La découverte de variantes d’ADN liées à la réussite scolaire peut nous y aider de deux manières.
Tout d’abord, ces résultats génétiques révèlent l’injustice de notre soi-disant méritocratie. Nous justifions collectivement de fortes inégalités par l’idée que les gens qui ont fait de longues études méritent plus que ceux qui n’ont pas réussi leurs études secondaires ou supérieures : plus d’argent, plus de sécurité, une meilleure santé, une vie plus longue...
Mais la réussite scolaire est en partie le résultat d’un coup de chance génétique. Personne n’a rien fait pour mériter ses gènes, et pourtant certains d’entre nous en bénéficient énormément. En nous montrant les liens entre les gènes et les résultats scolaires, cette nouvelle étude nous rappelle que tout le monde devrait avoir sa part de la prospérité nationale, quelles que soient les variantes génétiques dont il ou elle a hérité par hasard.
Deuxièmement, savoir quels gènes sont associés à la réussite scolaire aidera les scientifiques à comprendre comment des environnements différents affectent aussi cette réussite. L’élaboration d’un score polygénique prédisant statistiquement la réussite scolaire permettra aux chercheurs d’isoler le rôle des différences génétiques entre individus, afin de mieux mettre en lumière les effets de l’environnement. Comprendre quels environnements peuvent améliorer la capacité des enfants à penser et à apprendre est indispensable si nous voulons faire des investissements éclairés dans des interventions susceptibles d’avoir un véritable impact.
La possibilité d’inclure la génétique comme variable dans des modèles statistiques n’a pas la même connotation sinistre que les propositions eugénistes de dépistage des embryons ou la répartition des élèves dans des écoles différentes selon leur génotype. Mais la généralisation du recours aux scores polygéniques dans des recherches visant à comprendre comment les environnements façonnent la vie des enfants permettrait de grandes avancées dans la compréhension de ce qui peut maximiser le potentiel d’un enfant. Nous ne pouvons pas changer les gènes des individus, mais nous pouvons changer les conditions dans lesquels ils grandissent.
Nos gènes ont des effets sur pratiquement tous les aspects de notre vie - notre poids, notre fertilité, notre santé, notre espérance de vie, et - oui - notre intelligence et notre réussite scolaire. Les scientifiques le savent depuis des années, grâce aux résultats d’études sur les jumeaux et les enfants adoptés, mais ce n’est que récemment que nous sommes devenus capables de mesurer l’ADN directement et de nous en servir pour faire des prévisions relativement fiables.
Les différences génétiques humaines sont un fait scientifique, comme le changement climatique. Beaucoup de progressistes refusent de le reconnaître lorsqu’il s’agit d’éducation, car ils craignent que cela soit contraire à leurs convictions égalitaires. Mais tout comme il est nécessaire de reconnaître la réalité du changement climatique pour faire en sorte que notre planète reste habitable, reconnaître la réalité des différences génétiques entre les personnes est une étape nécessaire pour rendre notre société plus juste.
Kathryn Paige Harden (@kph3k) est professeure associée de psychologie à l’Université du Texas, à Austin, membre de The Op-Ed Project, et elle écrit actuellement un ouvrage sur la génétique et les inégalités sociales.
FAQ (ajoutée par F. Ramus)
Comme l'interprétation de l'étude citée par Paige Harden (Lee et al. 2018) est délicate, les auteurs ont de plus publié une FAQ pour répondre aux questions les plus fréquemment posées sur les méthodes, les résultats, et les implications de leur article. On y trouvera les réponses aux questions posées par la plupart des commentateurs ici. Je répondrai donc aux questions ici, en partie en traduisant la FAQ des auteurs.
A quoi ces résultats peuvent-ils servir?
Paradoxalement, de telles recherches en génétique vont devenir très utile pour mieux comprendre les facteurs environnementaux qui ont un véritable impact sur la réussite scolaire.
Par exemple, considérons l'un des plus grands résultats de la sociologie, le fait que le revenu de la famille a un impact important sur la réussite scolaire des enfants. En vérité, le revenu de la famille explique 7% des différences individuelles de réussite scolaire, soit moins que le score polygénique produit dans cette étude (11%). Voilà qui donne toute sa dimension à ce nouveau résultat! Néanmoins, même 7%, c'est loin d'être négligeable. C'est pour cela que tous les chercheurs en sciences sociales et en sciences de l'éducation, lorsqu'ils souhaitent évaluer l'effet d'un type d'intervention, d'une méthode pédagogique, d'un type d'école, etc., prennent en compte le revenu de famille, et de nombreux autres facteurs qui peuvent expliquer en partie la réussite scolaire. Imaginez par exemple que vous vouliez comparer les résultats des écoles publiques et des écoles privées (ou Montessori, ou Steiner, ou tout autre courant). Les statistiques montrent que les élèves de ces dernières ont de meilleurs résultats au brevet et au baccalauréat. Faut-il en conclure que cela apporte la preuve d'une pédagogie plus efficace? Non, parce que les élèves des écoles privées ne sont pas représentatifs de la population générale. Par conséquent, si l'on veut pouvoir comparer les résultats des élèves de différentes écoles (ou de groupes exposés à des pédagogies différentes), il faut les comparer à revenu familial égal, et de même pour d'autres facteurs comme le niveau d'éducation des parents, etc. Plus on contrôle statistiquement de tels facteurs dans l'analyse, moins on court le risque de conclure à tort que telle école ou pédagogie est meilleure que telle autre, alors qu'en fait les élèves comparés n'étaient pas comparables.
Jusque là tout le monde est d'accord. Sauf que les facteurs à contrôler ne se limitent pas à des variables sociologiques. Peut-être que les deux groupes d'élèves diffèrent aussi par leurs prédispositions génétiques pour les apprentissages scolaires (dont l'étude de Lee et al. 2018 confirme à nouveau la réalité). Si c'était le cas, les conclusions de la comparaison seraient aussi invalides. Une telle possibilité est un point aveugle de toutes les études de sciences de l'éducation jusqu'à ce jour, qui ne l'ont jamais prise en compte. Dorénavant, la possibilité méthodologique et technique existe: il est possible, en génotypant les élèves, de vérifier si deux groupes diffèrent par leurs prédispositions génétiques, et le cas échéant, soit de mieux les apparier sur ce critère, soit d'ajuster statistiquement ce facteur dans les analyses, comme on le fait déjà pour le revenu et le niveau d'éducation des parents. En utilisant de telles méthodes, il sera donc possible de produire des résultats plus fiables en sciences de l'éducation, et donc d'éviter de se leurrer sur des approches pédagogiques qui semblent "marcher" alors que les facteurs de confusion sont insuffisamment contrôlés.
Bien sûr, le génotypage a encore un coût important (quoique décroissant rapidement), et n'est pas encore à la portée des bourses de tous les chercheurs en sciences de l'éducation. Il est néanmoins certain que de telles techniques vont se démocratiser de plus en plus, et elles sont déjà utilisées dans de nombreuses cohortes dans lesquelles la réussite scolaire est évaluée.
Peut-on craindre de mauvais usages de tels résultats (stigmatisation, discrimination...)?
Bien sûr, comme pour toute connaissance scientifique, ces résultats peuvent être mal compris et/ou mal utilisés. C'est déjà le cas par exemple pour l'identification de variantes génétiques associées à un risque accru de cancer: ces résultats peuvent être utilisés pour discriminer certaines personnes sur le marché de l'assurance. Personne n'en conclut pour autant qu'il faut cesser toute recherche sur la génétique des cancers, car celle-ci a aussi des impacts positifs importants. Il faut juste lutter contre les discriminations. De même pour la génétique de l'éducation, il convient d'en prévenir les mauvais usages plutôt que de vouloir empêcher la connaissance de progresser. Rappelons à ce propos que les discriminations sont déjà punies par la loi, y compris les discriminations basées sur des caractéristiques génétiques, les mesures légales nécessaires existent par conséquent déjà.
Rappelons également que l'échec scolaire est l'une des pires sources de stigmatisation et de discrimination, et qu'il ne nécessite ni génotypage ni technique sophistiquée. Luttons donc contre les discriminations réelles et massives avant de s'inquiéter pour d'autres totalement hypothétiques. Et soutenons la recherche scientifique en éducation, y compris génétique, afin de concevoir des pédagogies et des systèmes éducatifs qui aident tous les élèves à apprendre, quel que soit leur milieu d'origine, et quelles que soient aussi leurs prédispositions génétiques.
[à suivre]
Bibliographie
Etude citée :
Lee, J. J., Wedow, R., Okbay, A., Kong, E., Maghzian, O., Zacher, M., … Cesarini, D. (2018). Gene discovery and polygenic prediction from a genome-wide association study of educational attainment in 1.1 million individuals. Nature Genetics, 50(8), 1112. https://doi.org/10.1038/s41588-018-0147-3
Autres études pertinentes pour en savoir plus :
Krapohl, E., Euesden, J., Zabaneh, D., Pingault, J.-B., Rimfeld, K., von Stumm, S., … Plomin, R. (2016). Phenome-wide analysis of genome-wide polygenic scores. Molecular Psychiatry, 21(9), 1188‑1193. https://doi.org/10.1038/mp.2015.126
Krapohl, E., Hannigan, L. J., Pingault, J.-B., Patel, H., Kadeva, N., Curtis, C., … Plomin, R. (2017). Widespread covariation of early environmental exposures and trait-associated polygenic variation. Proceedings of the National Academy of Sciences, 201707178. https://doi.org/10.1073/pnas.1707178114
Krapohl, E., & Plomin, R. (2016). Genetic link between family socioeconomic status and children’s educational achievement estimated from genome-wide SNPs. Molecular Psychiatry, 21(3), 437‑443. https://doi.org/10.1038/mp.2015.2
Liu, H. (2019). Genetic architecture of socioeconomic outcomes: Educational attainment, occupational status, and wealth. Social Science Research, 82, 137‑147. https://doi.org/10.1016/j.ssresearch.2019.04.008
Martschenko, D., Trejo, S., & Domingue, B. W. (2019). Genetics and Education: Recent Developments in the Context of an Ugly History and an Uncertain Future. AERA Open, 5(1), 2332858418810516. https://doi.org/10.1177/2332858418810516
Plomin, R., & von Stumm, S. (2018). The new genetics of intelligence. Nature Reviews Genetics, 19(3), 148‑159. https://doi.org/10.1038/nrg.2017.104
Trzaskowski, M., Harlaar, N., Arden, R., Krapohl, E., Rimfeld, K., McMillan, A., … Plomin, R. (2014). Genetic influence on family socioeconomic status and children’s intelligence. Intelligence, 42, 83‑88. https://doi.org/10.1016/j.intell.2013.11.002
Trejo, S., Belsky, D., Boardman, J., Freese, J., Harris, K., Herd, P., … Domingue, B. (2018). Schools as Moderators of Genetic Associations with Life Course Attainments: Evidence from the WLS and Add Health. Sociological Science, 5, 513‑540. https://doi.org/10.15195/v5.a22
Bonsoir M. Ramus, pourriez vous détailler les conditions selon lesquelles les données, en spéculation (?) encore pure, génétiques intégrées à de -nouveaux ?- modèles statistiques pourraient être utilisées à bon escient ? Pour ma part je ne suis pas rétrograde ni même trop pessimiste, mais pour exemple grossier personne de sain d'esprit ne voulait aboutir aux armements nucléaires, ni aucun scientifique pourvu d'une once d'humanisme voir survenir Hiroshima - j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une décision à résonance politique davantage que d'une nécessité militaire, le Japon étant déjà exsangue de combattants et de logistique quand la décision ou le feu vert fut donné. Excusez cetta analogie grossière donc, mais cela pour dire et écrire mes doutes profonds quand à l'utilité réelle et le bien fondé de la démarche en pratique, d'où bien sûr la question de connaître mieux les futurs avantages de ces possibilités quand votre tribune detaille ou evoque assez bien les exemples de mauvais usages de ces données de génétique au plan statistique. Par ailleurs pour precision je me sens progressiste, quoique le terme soit un parfait mot valise pour le moment ; des nasillons même peuvent sans trop de vergogne s'en réclamer, c'est dire 🙂 ! mais pour ma part étrangement les usages médicaux ( greffes d'organes entre autres, je ne connais que bien mal le sujet) m'effraient en ce qui concerne les connaissances et techniques génétiques moins que leur utilisation normative au niveau sociétal ou encore leur mise en application à ce même niveau irraisonnée ? Merci encore à vous. 🙂
EDIT: Mea culpa, je me rends compte de ma fatigue d'hier, en ce que les analogies trop vite employées sur téléphone mobile entretiennent une différence/ un écart considérable, et le procédé en soi une ânerie assez énorme pour le coup. Toutefois pour préciser, je ne sais définir un progressiste actuel avec précision, mais cela me parait important tandis que nous en discutons ou allons en discuter. L'opinion que je soumettais oscillait pour ma part entre "néo-positivisme" et "eugénismophobie". La question concrète serait alors de savoir en anticipant ce qui ne manquera pas d'arriver (Partant du postulat qui à la louche, semble se vérifier historiquement, non pas que l'"histoire se répète", mais que " Du point de vue des savoirs et techniques; "tout ce que l'homme/ être humain concçoit sera réalisé de près ou de loin à un moment donné, tout simplement parce qu'il le peut". Je ne sais plus de qui sont ces formulations, mais en moins pessimiste peut-être, pour moi l'idée serait de mieux comprendre comment juguler/encadrer sans restreindre inutilement ou de manière contreproductive pour une "bonne" justice dans nos sociétés. Mes excuses, je ne parviens pas pour le moment à mieux préciser ma pensée restreinte 🙂 , mais merci pour ce billet car comme très souvent, ce dernier à le mérite de donner matière à réflexion. Bien à vous.
EDIT BIS: Ahhhh toutes mes excuses pour vous avoir attribué cette tribune à tort, grand fléau que la lecture trop rapide sur téléphone portable. En tous cas merci pour le partage 🙂
Quelques éléments de réponse à vos questions:
https://scilogs.fr/ramus-meninges/genetique-de-leducation/#FAQ1
https://scilogs.fr/ramus-meninges/genetique-de-leducation/#FAQ2
Que des recherches sur ce sujet aient lieu ne me dérange que moyennement. Malheureusement, je n'ai aucune confiance, ni vis-â-vis des scientifiques, ni vis-à-vis des éthiciens, ni vis-à-vis des psys, ni vis-à-vis des membres des administrations d'Etat, ni vis-à-vis des politiques, ni vis-à-vis des racistes, ni vis-à-vis des gens de droite, ni vis-à-vis des gens de gauche, au sujet de la capacité à mettre en place des politiques sociales saines prenant en compte ces faits.
Je le déplore, mais c'est ainsi.
Et oui, l'eugénisme, plus ou moins avoué, n'est toujours pas mort.
Pour l'instant, ce genre de recherches devraient être accompagnées de recherches en philosophie morale analytique. Tant que le ratio de papiers scientifiques par rapport au ratio de papiers de philosophie morale ne sera pas de 1:3, je m'opposerai, et j'inciterai n'importe qui à s'opposer, à la mise en pratique de politiques sociales prenant en compte ces données.
C'est un sujet qui fait massivement délirer les gens. Ne pas mettre la charrue avant les boeufs.
Je n'ai pas plus confiance que vous dans les politiques. Mais si nous voulons qu'ils nous gouvernent mieux, pouvons-nous imaginer qu'ils vont y parvenir en s'interdisant de prendre en compte des connaissances disponibles sur le monde?
Vous semblez accorder une grande importance à de nouvelles recherches en philosophie morale. Il me semble pourtant que nous avons déjà à notre disposition tous les arguments éthiques nécessaires à la gestion de telles connaissances.
J'ai lues vos FAQ. Dans l'ensemble, je n'ai pas grand chose à en redire.
Mis à part quelques points, comme:
"il est possible, en génotypant les élèves, de vérifier si deux groupes diffèrent par leurs prédispositions génétiques". Sur le plan scientifique, je suis d'accord. Maintenant, si j'apprends qu'on m'a génotypé ainsi, à mon insu, recherche ou pas recherche, mon coup de boule ne sera pas volé.
"Bien sûr, comme pour toute connaissance scientifique, ces résultats peuvent être mal compris et/ou mal utilisés. C'est déjà le cas par exemple pour l'identification de variantes génétiques associées à un risque accru de cancer: ces résultats peuvent être utilisés pour discriminer certaines personnes sur le marché de l'assurance." Effectivement. Maintenant, j'attends les accusations d'obscurantisme et d'antiscience qu'on lancera à l'encontre des gens qui se plaindront d'être discriminés. Mon sarcasme sera illimité.
Derechef, le problème décrit par Kathryn Paige Harden me semble tout autre, en tout cas, tel qu'il est formulé. Je cite:
"Mais c’est une erreur. Ceux d’entre nous qui sont attachés à la justice sociale devraient au contraire se demander comment la révolution génomique peut être exploitée pour nous aider à créer une société plus juste."
L'objectif est louable. (Bien qu'à moins avis on assiste a une forme d'idolâtrie génomique.) Mais, on n'est plus dans la logique d'aider une personne individuelle à être adaptée à un système qu'on ferait évoluer progressivement, par à coups, dans le sens de ce que Popper appelait "piecewise social engineering". On envisage l'inverse: redéfinir le système pour prendre en compte l'influence génétique, si je comprends bien l'article. Et là...:
"La possibilité d’inclure la génétique comme variable dans des modèles statistiques n’a pas la même connotation sinistre que les propositions eugénistes de dépistage des embryons ou la répartition des élèves dans des écoles différentes selon leur génotype."
Oui. Et bien ici, je crois que tout le monde pêche par angélisme progressiste. J'assiste encore à pas mal de délires biopolitiques à tendance raciste quand je tends l'oreille dans mon environnement social proche. De la fixette à la dépranocytose, en passant par les appels sourds à ce que les politiques assurantielles publiques soient ajustés sur des critères ethniques, et ceterae... Bref. Franchement aucune confiance!
N'y a-t'il pas eu un sombre délire, récemment, duquel nous ne sommes pas encore sorti (me semble-t'il) au sujet des écoles pour surdoués? Cela ne vous pose aucune question? Moi si!
"Je n'ai pas plus confiance que vous dans les politiques. Mais si nous voulons qu'ils nous gouvernent mieux, pouvons-nous imaginer qu'ils vont y parvenir en s'interdisant de prendre en compte des connaissances disponibles sur le monde?"
Bien sûr que non. J'imagine que vous faites référence à l'evidence based policy. Bien sûr que c'est franchement moins crétin que les autres formes de méthodologie décisionnelle de politiques publiques que nous avons adoptées jusqu'ici. Mais ne voyez-vous pas que même ce type de méthodologie est tiraillée par les gens qui veulent en fixer les objectifs? Entre implémenter des politiques économiques basées sur des données probantes et résorber les discriminations des intouchables en Inde en s'appuyant sur des données probantes, ce ne sont pas les mêmes politiques, pas les mêmes buts, et qui a voix au chapitre pour désigner les buts de l'EBP compte. Je sais que ce type de position est souvent balayé d'un revers de main avec des accusations assez délirantes de "postmodernisme"... Tant que ce genre de débats ne sera pas réglé, désolé, pas confiance pour implémenter des politiques sociales sur des bases de génomique.
"Vous semblez accorder une grande importance à de nouvelles recherches en philosophie morale. Il me semble pourtant que nous avons déjà à notre disposition tous les arguments éthiques nécessaires à la gestion de telles connaissances."
J'attends de voir. J'ai énormément de critiques de natures éthiques et morales à adresser au monde de la recherche, surtout quand cela touche le monde de la santé. Mais même sur la morale (sans parler de l'éthique ni même de la théorie légale), quand je vois la tension absurde entre les pulsions kantiennes en France et le conséquentialisme (dont je suis partisan), je me dis qu'implémenter des politiques sociales sur des bases de génomique va taper pile poil en plein dans le lard de ce débat moral toujours pas résolu.
Qu'on me convainque qu'on est capable de faire mieux en éthique que ce qu'on fait actuellement: réglons le cas des chirurgies sur les nouveaux-nés intersexués avant de prétendre qu'on est en droit de se la rammener sur le plan éthique.
@Franck Ramus: Voyez-vous quelque chose de problématique dans la position que j'ai exprimée ci-dessus?
Heureusement, personne ne propose de génotyper qui que ce soit à son insu. Le génotypage dont il est question est à but de recherche fondamentale, et implique nécessairement le consentement éclairé du sujet (ou de ses représentants légaux).
De nos jours la plupart des gens (que nous recrutons pour nos recherches) comprennent l'intérêt de consentir à des analyses génétiques dans le cadre d'une recherche biomédicale. Bien entendu, cela sera beaucoup plus difficile à faire accepter par les parents (et par l'Education Nationale) dans le cadre d'une recherche en éducation. Mais les attitudes peuvent changer assez rapidement. Raison de plus pour sensibiliser à l'intérêt de ce genre de recherches.
Justement, les opérations systématiques à la naissance sont maintenant contestées, moins systématiques, et en passe d'être totalement bannies, pour attendre le choix de l'enfant. N'est-ce pas le signe que l'éthique progresse?
Merci de prendre aussi en compte la FAQ:
https://scilogs.fr/ramus-meninges/genetique-de-leducation/#FAQ1
https://scilogs.fr/ramus-meninges/genetique-de-leducation/#FAQ2
La bombe a été lancée sur le Japon parce que les américains avaient calculé que les pertes humaines qu'ils subiraient pour conquérir l'archipel se chiffreraient en centaines de milliers de GIs
Sur l'article il est choquant de prendre en considération les effets putatifs dune recherche pour en légitimer le bien bien-fondé la science est la recherche de la vérité et n'a pas besoin de chercher sa raison d'être dans des considérations très relatives d'équité et de justice
Sur le mérite il ne suffit évidemment pas de disposer de bons gènes pour performeur il faut aussi voir surtout beaucoup travailler
Et si les positions sociales sont directement liées aux capacités telles quelles résultent des gènes cest une bonne chose pour tout le monde
Sur les afroamericains le papier est un peu ambigu puisqu'il expose que les gènes en question ne constituent pas un facteur causal (pour les européens non plus!) mais il ne précise pas si les gènes en question sont plus moins ou autant présents que dans les populations européennes
Bien évidemment le but premier de la recherche est la production de connaissances. Cette tribune se place dans un contexte où certains (comme le commentateur qui vous a immédiatement précédé) s'opposent à de telles recherches, sous prétexte que l'utilisation de ce type de connaissances pourrait avoir des conséquences néfastes. Il n'est donc pas inutile de montrer que 1) ce n'est pas nécessairement le cas; 2) elles peuvent aussi avoir des conséquences bénéfiques; et 3) de les resituer dans le contexte plus général de toutes les recherches scientifiques, et de toutes les connaissances qui peuvent avoir des conséquences bénéfiques ou néfastes en fonction de l'usage qu'on en fait.
Je vous ferai remarquer que vous avez déformé mon propos, ce qui est ici excusable.
J'ai explicitement écris que le fait que des recherches aient lieu ne me dérange que moyennement. Ce qui signifie, si on ne m'offre qu'un choix binaire, que je ne m'y oppose pas en soi.
Par contre mon opposition concerne explicitement la mise en place de politiques sociales associées à ces données si certaines conditions ne sont pas remplies.
Nuance.
Je répondrai si j'ai le temps à votre commentaire. Sur l'autre fil de discussion.
C'est clair que les gens au smic de génération en génération ont de moins bons gènes que les bien pourvus qui transmettent leur héritage.
Il n'y a pas si longtemps Mr Ramus nous rappelait/apprenait que le QI des etudiants francais diminuait.
La raison principale etait bien evidemment un biais de selection de la population francaise, dont l'ex homgeneite genetique diminuait rapidement par infusion de populations a QI inferieurs.
Ouhhh. Racisme, degueulasse, ecoeurant etc.
Mais c'est pourtant ce que la science genetique nous apprend. Et les chinois qui etudient ces faits sans aucun complexe (peut etre parce qu'ils ont les QI les plus eleves de la planete) le demontrent chaque jour.
Les faits sont tetus.
https://www.google.com/url?sa=i&source=images&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiTxOPhs8fjAhXFSt8KHdX_ANMQjhx6BAgBEAM&url=http%3A%2F%2F42mag.fr%2F2014%2F05%2Fclassement-mondial-qi-moyen-pays%2F&psig=AOvVaw0Pfz4rLllj8E92lFdiMmlm&ust=1563846347077537
Non, j'expliquais exactement le contraire:
https://scilogs.fr/ramus-meninges/demain-tous-cretins-ou-pas/
https://scilogs.fr/ramus-meninges/reponse-a-stephane-foucart-sur-la-baisse-presumee-du-qi/
Les faits sont têtus.
Et visiblement, votre lecture d'autres sources est tout aussi biaisée et sélective que votre mémoire de ce que j'écris.
Votre interpretation des faits n'a aucune importance.
Ce qui compte c'est la realite. Selective ou pas.
J'ai egalement un biais de selection car j'ai un lecteur chinois a la maison, et nous ne nous limitons donc pas aux fake news politiquement correctes du monde occidental.
La France, que j'evite autant que possible, sauf raisons familiales, est un pays en chute libre.
QI et autres.
Genetiquement votre.
Vous avez bien de la chance, vous, d'avoir un accès direct à la "réalité", alors que moi, pauvre chercheur, je ne fais que des "interprétations"! 😉
Vous êtes d'autant plus fort qu'il s'agissait ci-dessus de la réalité de ce que j'ai écrit, que vous pensez connaître mieux que moi!
Sur le fond de la question, vous semblez accepter sans aucun recul critique l'hypothèse selon laquelle les différences de "QI nationaux" seraient au moins en partie dues à des différences génétiques. Or ces études de "QI national" posent des problèmes méthodologiques immenses, et il est impossible de tirer la moindre conclusion concernant le rôle de différences génétiques, tant le facteur nation est confondu avec d'innombrables facteurs sociaux, éducatifs, économiques, sanitaires, climatiques, etc. qui peuvent parfaitement expliquer les différences de QI national.
Vous pouvez trouver une critique approfondie de cette hypothèse ici: https://labs.la.utexas.edu/harden/files/2018/10/Charles-Murray-is-once-again-peddling-junk-science-about-race-and-IQ-Vox.pdf
Vox comme source credible? Vous rigolez.
Un pauvre site de fake news, de tres bas niveau, pris la main dans le sac de nombreuse fois particulierement dans de faux dossiers politiques.
On a les sources que l'on veut, mais en l'occurence rien de scientifique la dedans.
Quand a pretendre que les chercheurs savent plus que les praticiens et que la reconnaissance de leurs pairs a une quelconque valeur.....je n'insulte personne mais personnellement a ce stade on est plus dans la fake science pour budgets/copinerie/postes que dans la realite.
Mais en fin de compte on choisit sa propre realite.
Je vous laisse la votre.
Je suis seulement desole d'avoir a la payer sans avoir mon mot a dire sur l'attribution de mes impots.
Je ne sais pas si Vox est un média crédible, et ça n'a aucune importance, car ce n'est pas un texte journalistique, mais un texte entièrement écrit par 3 scientifiques: Eric Turkheimer, Paige Harden et Richard Nisbett. Et eux sont parfaitement crédibles sur la génétique de l'intelligence.
Il n'est pas d'article scientifiquement credible sur un site de fake news.
Vous devriez choisir vos sources plus serieusement. Chacun choisit ses sources comme il peut, ceci dit et c'est votre liberte de "scientifique" .
A tout le moins vous decridibilisez completement tout ce que vous avez dit.
Je vais aller m'acheter "l'Equipe", on me dit qu'ils ont de bons articles sur le traitement du cancer.
Vous avez raison: le contenu n'a aucune importance, jugeons à l'étiquette. C'est comme les revues scientifiques, seul compte le prestige de la revue, peu importe ce qu'il y a écrit dans les articles.
Et j'ai maintenant écrit un article sur le sujet: https://scilogs.fr/ramus-meninges/la-carte-mondiale-des-qi-explications-completes/
Polygenic score à partir de l'étude de Lee.
Père Bac + 2 : {user_value: 16.91
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/30/2/1563863171-genplzafather.png
Pas d'antécédent.
Mère Bac + 3: {user_value: 17.611
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/30/2/1563863171-geneplazamother.png
Antécédents : dépression sévère peu après être entré dans la vie active. Arrêt longue durée.
Enfant 1 Bac professionnel. {user_value: 17.638
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/30/2/1563863171-geneplza.png
Antécédents : trouble anxio dépressif. Déscolarisation du collège 2 ans.
"Comparison of adopted and non-adopted individuals reveals gene-environment interplay for education in the UK Biobank"
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/707695v1
individuals in the lowest decile of education polygenic score attain significantly more education if they are adopted, possibly due to educationally supportive adoptive environments. Overall, these results suggest that genetic influences on education are mediated via the home environment.
"The genetic architecture of the human cerebral cortex"
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/399402v3
"A candidate causal variant underlying both higher intelligence and increased risk of bipolar disorder"
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/580258v1
"A kainate receptor GluK4 deletion, protective against bipolar disorder, is associated with enhanced cognitive performance across diagnoses in the TwinsUK cohort."
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29243543
"Genetic Association of Phosphodiesterases With Human Cognitive Performance."
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6376954/
Tout ce qui détermine l’Homme (notamment sur le plan génétique) doit-il être connu ? Est-il possible d’ignorer cette connaissance ? A quoi (et à qui) peut-elle servir ? Les scientifiques ont-ils le droit de publier une vérité sur le sujet sans se préoccuper des conséquences ? Vaste débat…
Etant personnellement convaincu qu’on ne peut, de toute façon, pas empêcher l’émergence de la connaissance sur le long terme, je ne parviens cependant pas bien à visualiser où ce chemin (la connaissance de nos déterminismes) nous mènera très concrètement.
On peut effectivement se prendre à rêver d’une société humaniste dans laquelle, sur la base de cette connaissance, on s’attacherait à optimiser au mieux les potentiels et destinées particulières de chacun (qui devront cependant rester compatibles avec les besoins propres de la société). Mais dans cette optique, j’ai du mal à imaginer autre chose qu’une évolution vers un « meilleur des mondes » à la Huxley…Pas très sexy, mais admettons…
Malheureusement, l’heure n’est pas à l’humanisme ces jours ci, même à la sauce Huxley. On peut parier que ces connaissances ne profiteront pas en priorité aux programmes éducatifs/sociaux, mais à ceux désireux de justifier leurs domination sur d’autres (retour en force d’un darwinisme social) ainsi qu’à ceux qui souhaitent transformer cette science en espèces sonnantes et trébuchantes ( les « multi-nationales » par exemple, devenues plus fortes que les états , équipées en ‘Big Data’/ IA, qui parviendront à déterminer toujours au mieux (de leurs intérêts) nos comportements).
La science n’est que la systématisation du besoin humain de contrôler son environnement. Elle n’a pas de morale. Dans le domaine social, elle fournira inéluctablement à certains les outils qui leur permettront de « contrôler » les autres. Pour le meilleur ou pour le pire…
Vous avez raison mais ce que Mr Ramus range dans le cadre "genetique" est en fait bcp plus complexe qu'un set de genes. L'epigenetique est infiniment plus importante que la genetique brute.
Ceci etant, (et ne me traitez pas d' illumine avant qq annees) je vais vous faire une confidence: en Asie, tout particulierement en Chine du sud et en Coree, les hommes riches choisissent deja certains genes de leur progeniture. En Serbie egalement pour les bourses pleines.
Legal/pas legal? ces considerations n'ont aucune importance quand la realite est deja actee.
https://airmail.news/issues/2019-7-27/should-the-rich-be-allowed-to-buy-the-best-genes
Je ne fais pas partie des gens qui rejettent l'eugénisme par réflexe et sans réfléchir. Mais voilà tout de même une manière de raisonner intéressante. Laissez-moi l'essayer un peu:
"En Chine, certains parents choisissent de tuer les nouveaux-nés filles. En Afrique, certains parents choisissent d'exciser leur fille. Légal/pas légal? ces considérations n'ont aucune importance quand la réalite est déjà actée."
Autrement dit, sous prétexte que certaines personnes font quelque chose quelque part, cela nous dispenserait de tout questionnement moral, et de décider librement si nous voulons autoriser les mêmes choses dans notre pays?
Cette manière de penser se défend. Et pourtant, croyez-vous vraiment que la société était plus humaniste et les individus plus libres et moins opprimés avant l'essor de la science? Seriez-vous prêt à retourner au Moyen-Age pour en faire l'expérience?
Tout cela nous ramène au débat sur le rôle de la raison, de la science et de l'humanisme dans la condition humaine: https://scilogs.fr/ramus-meninges/le-triomphe-des-lumieres/
Mon propos ne consistait évidemment pas à affirmer que « c’était mieux au moyen âge » et comme je l’ai dit, je considère comme inéluctable la progression vers la connaissance de ce qui détermine l’Homme (et de tous les déterminismes d’ailleurs, pas seulement humains). Je tente simplement, et sincèrement, de comprendre où cela nous mènera dans 10 ans, dans un siècle, dans un millénaire.
On a souvent dit que la science réduisait chaque jour un peu plus la possibilité de l’existence de Dieu. Aujourd’hui, Dieu est mort (pour les gens sensés, en tout cas), mais sa mort n’était qu’un « trophée » intermédiaire sur le chemin de la connaissance. La « victime » ultime de la science des hommes sera la croyance dans le libre-arbitre. Peut-il en être autrement ?
Or, c’est sur cette croyance que se fonde l’organisation de notre société actuelle (responsabilité, mérite, etc…). Que se passera-t-il lorsque cette illusion sera définitivement enterrée ? Serons-nous capables de nous réorganiser ? De rester motivés ? Sur quelles nouvelles bases ?
Saurons-nous même garder gout à la vie ? Le progrès scientifique, et notamment la connaissance des déterminismes humains, ne va-t-il pas nous transformer inéluctablement en zombies désabusés, automatiquement guidés en toutes occasions par une intelligence suprême vers la meilleure action possible (la plus efficace), et seulement celle-ci?
Or, l’imprévu, l’inconnu, les erreurs, c’est le sel de vie ! Il y a là une contradiction de taille pour la science : prétendre permettre l’épanouissement à l’homme tout en détruisant doucement ses conditions de réalisation.
Alors, certes, quand je cherchais mon chemin en voiture dans les années 90, ce n’était pas « mieux ». J’utilisais une carte papier, je demandais à des passants, je descendais du véhicule pour consulter les plans municipaux. C’était fastidieux et très peu efficace comparé aux systèmes actuels tels que Waze…. mais je m’en souviens bien! J’étais présent, j’étais conscient d’être « ici et maintenant » car confronté à l’inconnu, et donc à des « choix » (mêmes illusoires). Bref, je me sentais plus vivant…même si mon action était moins efficace.
Aujourd’hui, une fois à destination, je suis bien incapable de dire quel chemin Waze m’a fait prendre. Je me suis contenté, tel un zombie de suivre le parcours optimisé que des algorithmes ont choisi pour moi. Terriblement efficace…mais la conscience du chemin emprunté à disparue au passage. Est-ce vraiment le chemin vers l’épanouissemet ?
Scientifique dans l’âme, j’ai pourtant le sentiment que la science va inéluctablement « Wazifier » nos vies, laissant de moins en moins de marge à l’imprévu, à l’inconnu, à la perte de temps, à l’action par essais/erreurs. Le prix à payer de cette efficacité accrue sera la réduction de ces espaces de conscience qui nous rendent si humain et qui nous permettent parfois de toucher le bonheur.
Alors ? Vaut-il mieux souffrir au Moyen-Age ou vivre dans l’anesthésie généralisée qui se profile, façon « Waze » ? Ou positionner le curseur ? Finalement, la question mériterait débat...
C'est bien sûr à chacun de déterminer ce qui fait le sel de sa vie.
Si vous tenez aux erreurs humaines et aux imprévus, Waze et les autres IA ne vont certainement pas vous en priver, elles remplacent simplement les erreurs humaines par les erreurs logicielles, et n'empêchent pas les sources externes d'imprévu (p. ex: les accidents de la circulation et les variations du trafic).
Personnellement, je ne suis pas convaincu que le sel de ma vie tienne à mes erreurs et aux imprévus qu'elles engendrent. Je n'ai pas le sentiment que le sel de l'expérience d'un voyage tienne au fait de perdre du temps le nez dans les cartes ou coincé dans des embouteillages. Au contraire, le fait de pouvoir déléguer la tâche de navigation à un système automatique plus efficace que moi dans ce domaine me fait gagner du temps que je peux consacrer à des activités que je trouve plus enrichissantes, et libère mes ressources attentionnelles pour mieux profiter du paysage et partager mes impressions avec les gens qui m'accompagnent. Sur ce sujet plus généralement, Pinker a tout un chapitre montrant comment les progrès technologiques (et autres), loin d'appauvrir l'expérience humaine, l'ont considérablement enrichie. Par exemple, comment les progrès des moyens de transport et de communication permettent aux humains d'être plus proches de ceux qui leur sont chers (il faut faire l'effort de se rappeler comment c'était avant!). Je vous recommande vraiment de le lire.
Concernant le libre-arbitre, c'est un vaste débat qu'on ne va pas rejouer entièrement ici. J'ai déjà écrit à ce sujet:
http://www.lscp.net/persons/ramus/docs/MEDDRO2011.pdf
et il faut lire Daniel Dennett "Varieties of free will worth wanting".
Je ne crois pas plus que vous à une certaine notion de libre-arbitre, et je n'ai pas pour autant perdu le goût de la vie, c'est bien la preuve qu'il n'y a pas d'implication de ce genre.
En bref: si vous allez au restaurant ce soir, la notion de liberté qui compte pour vous est d'avoir plusieurs menus possibles, et de pouvoir choisir sans contrainte externe celui qui correspond le mieux à vos goûts et à vos envies du moment (plutôt que de n'avoir qu'un menu unique, ou d'être forcé par quelqu'un à en avaler un particulier). Le fait qu'à un niveau de description biologique, vos goûts, vos envies, et vos décisions soient matérialisés par des états cérébraux dont vous n'avez pas conscience, et que ces états cérébraux soient entièrement déterminés par des causes antérieures, ne change rien à votre expérience au niveau subjectif et comportemental. S'il y a plusieurs menus ce soir au restaurant, il vous faudra choisir, et personne d'autre que vous ne le fera.
* Est-ce que les généticiens prennent en compte l'épigénétique ?
* Le tout génétique comme le tout cerveau sont des dogmes techno-scientistes. Cela a fait du tort à la génétique et cela fait du tort aux neurosciences. C'est comme le tout phonétique en éducation. Sur le « réchauffement climatique » et sur pas mal d'études, je pense qu'il y a à revoir les pleinement statistiques en tenant des contradictions et du chaos déterministe.
* Comme le rappelle Henri Wallon, si biologie, psychologie, sociologique s'interpénètrent et interagissent entre elles, il ne faut surtout pas les confondre. C'est justement l'amalgame entre le biologique et le sociologique qui génère le racisme. Il existe aussi des amalgames entre le biologique et le psychologique, et entre le psychologique et le sociologique. Ce qui est dommageable.
* Cet article reste pleinement dans le questionnement du « Le Devenir de l'Intelligence » de René Zazzo, écrit en 1943 et publié en 1945. Il parle de l'hérédité probable de l'intelligence mais qui ne fait pas tout. Il sous-entend aussi de son intention d'étudier les jumeaux et de reprendre les études d'Alfred Binet.
S'il parle dans ce livre, des études sur la puissance et celles du niveau de l'intelligence, il ne fait pas l'impasse sur les études des types d'intelligence contrairement aux "neuro-cognitivistes" et aux "généticiens" influencés par la cybernétique et la théorie de l'information.
Or, les catégories de Charles Spearman ressemblent à celles de la théorie pragmatique des intelligences multiples d'Howard Gardner et aux Modes Opératoires Naturels (MoON) d'Yves Richez (ISTE, 2017) : https://wikirouge.net/Intelligence#b1_Charles_Spearman
Suite à la découverte de Josiane, Zazzo parlera en 1946, d'IntelligenceS et non plus de l'intelligence : https://wikirouge.net/Intelligence#21_Josiane_ou_la_rupture_intellectuelle (extrait de Zazzo)
* S'il est clair que des personnes opèrent de manière naturelle selon un mode logico-mathématique surtout dans sa composante abstraite - qui se corrèle à la composante phonétique du mode linguistique, il est clair aussi que la société européenne les avantage d'un point de vue social et historique. Les tests QI actuels mesurent seulement le degré de la composante abstraite et phonétique des modes logico-mathématique et linguistique. Il semblerait que les filles ont naturellement des difficultés en math selon des études. De ce fait elles seraient donc les premières dés-avantagés dans une société qui mettent les maths et la techniques au sommet de sa hiérarchie.
Par ailleurs, abstrait et phonétique génèrent des visions spiritualistes depuis l'antiquité (être au centre de tout), des pratiques technoscientistes depuis l'époque moderne (empirisme pur) et une dynamique fascisante « spiritualisme technoscientisme » depuis 1880. Les gens ayant un fort QI semblent en effet perdre le nord c'est-à-dire qu'ils ont des difficultés à émuler l'espace et donc par extension à appréhender le concret réel.
En Chine où les notions d'être et d'intelligence n'existent pas ce sont les personnes opérant selon un MoON logico-mathématique général et un MoON linguistique figuratif qui sont avantagés.
* La dynamique « génétique épigénétique » ne peut pas se faire sans milieu « situation.configuration échange. (affectivité.utilité) actions impliquées.potentialisation » qui permet l'émergence et l'actualisation des « potentiels » soit leur production et leur reproduction. La génétique seule ne permet pas de déterminer un mode opératoire naturel.
Bien sûr, non seulement ils la prennent en compte, mais ce sont eux qui mènent la recherche dans ce domaine.
Cela dit, les données de l'épigénétique complètent de manière intéressante les données de la génétique, mais ne les remettent pas en cause. Par exemple, les travaux discutés dans l'article ci-dessus montrent clairement une association entre des facteurs génétiques (mesurés comme tels, donc pas épigénétiques) et la réussite scolaire. Peut-être que des facteurs épigénétiques jouent aussi un rôle, mais dans ce cas leur effet se superpose aux effets génétiques, mais ne s'y substitue pas.
Certains non-spécialistes semblent vouloir faire dire à l'épigénétique beaucoup plus que ce qu'elle ne dit. Certains utilisent le mot épigénétique comme un synonyme d'influence environnementale, mais cet usage est tout à fait inapproprié. L'épigénétique est un type de mécanisme par lequel des influences environnementales peuvent s'exercer sur l'organisme, parmi beaucoup d'autres.
L'épigénétique est devenu le nouveau quantique: un terme opaque faisant référence à des phénomènes complexes que la plupart des gens ne comprennent pas, idéal pour les charlatans qui veulent impressionner le public avec un discours pseudo-scientifique.
Revenons donc aux fondamentaux:
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique
Pour le reste de votre commentaire, c'est pour moi une succession d'affirmations sans preuve et de phrases incompréhensibles, je ne vois donc pas comment y répondre.
J'n'aurais pas dû écrire si tard.
Je ne mets pas en avant des preuves. Je ne suis pas du tout fan de l'Evidence based et de ses démarches d'assureurs ultra-empiristes et hyper-pragmatiques traduits de manière trompeuse par « démarche fondée sur les preuves/les faits ». Je la considère dans sa position « a priori » comme du charlatanisme. Charlatanisme qui n'est pas ici spiritualiste (que vous combattez) mais techno-scientiste (que vous occultez).
De mon côté, je suis sensible aux démarches dialectiques (SJG, KM, AZ, HW, LV) que l'on trouve aujourd'hui timidement aux USA sous le nom de Science based, démarches fondées sur les sciences. Je suis dans le questionnement (logique complexe, multiple) et le regard sur le réel (général, appréhension, corrélation, figuratif) et non a priori dans l'hypothèse (logique classique, un) et les validations (géo)métriques (abstrait, classification, pragmatisme, phonétique).
Or, on voit dans les années 40 que ça cherchait déjà comme Terman à montrer que « la réussite des enfants riches s'expliquait par une meilleure hérédité » (R.Z., Le Devenir de l'Intelligence, 1945 p.126). Aujourd'hui, l'Evidence Based, la démarche dont vous êtes fait le prosélyte, démontre l'intelligence de la famille Bush, Thatcher, Trump, Obama, Sarkosy, Lagardère, Dassault et cie, et aussi l'alcoolisme et la dépravation sociale du reste de la population. Mais, il n'y a rien de nouveau sous le Soleil. La recherche actuelle, surtout l'Evidence based, est en phase avec la « sphère communaliste » (AZ) bourgeoise d'Herbert Spencer. Ce qui n'est pas anormal d'un point de vue sociologique selon les études d'Alexandre Zinoviev.
À l'époque d'Henri Wallon, il y avait encore de la Résistance. Mais aujourd'hui, ça accuse d'hérésie les faits opposés et les contradictions qui démontrent que « la différence de milieu a donc plus d'influence sur l'instruction que la différence d'hérédité » (RZ, p.137). Si je ne me trompe pas, l'article sous-entend le contraire : « En vérité, le revenu de la famille explique 7% des différences individuelles de réussite scolaire, soit moins que le score polygénique produit dans cette étude (11%) ».
Zazzo écrit aussi que si l'« on peut parler d'identité génotypique, on ne peut parler d'identité psychologique » (p.139). Nos expériences originales (milieu, moment-position) donnent à chacun son originalité, sa « personnalité » (à définir/conceptualiser/représenter dans notre langue selon moi à partir des études de Lucien Sève et Henri Wallon).
Les recherches de l'article ci-dessus qui est dans la lignée de ce qui se faisait dans les années 40 touche en fait au « problème de la personnalité » (p.139).
Mais, qu'est-ce que le milieu ?
Zazzo définit le milieu ainsi : « Le milieu n'est pas seulement la famille, la profession, la nation, la classe sociale, l'époque où nous vivons, toutes les larges catégories géographiques et sociales où peuvent se classer les individus, 'mais une expérience originale de tous les instants'. » (p.138)
J'ai donné dans le commentaire ci-dessus, mon petit schéma définissant le « milieu » basé sur les termes d'Henri Wallon donnés par Jacqueline Nadel et de la théorie C.U.P. d'Yves Richez. Mais, mon schéma a été mal imprimé. Les touches plus petit et plus grand (avant échange et avant actions) ne s'inscrivent pas sur le blog.
Sinon, j'ai adopté la formule d'Émile Jalley résumant Principes de psychologie appliqué d'Henri Wallon (Oeuvre 1, L'Harmattan, 2015) : « on ne saurait distingué l'intelligence de ses opérations ». Yves Richez a mis en lumière sur le terrain 10 Modes opératoires Naturels (MoON) dont 20 composantes cœurs. Cela est plus exploitable pour la pédagogie et l'orientation des personnes que la génétique et les neurosciences.
Vous manifestez de la défiance vis-à-vis de la démarche scientifique fondée sur des données factuelles, en revanche vous semblez prendre pour argent comptant des textes écrits il y a 75 ans dans la totale ignorance de toutes les connaissances scientifiques acquises depuis en psychologie et en génétique. Que valent les croyances de Zazzo en 1945 par rapport à des faits quantifiés et répliqués en 2019 (Zazzo lui-même aurait largement révisé ses croyances au vu des nouveaux résultats)? Au nom de quelle épistémologie fantasque faudrait-il préférer les premières aux seconds? Et les délires ésotériques d'un obscur auteur Yves Richez (que vous semblez considérer comme le messie) aux travaux de scientifiques reconnus par leurs pairs au niveau international?
Vos critères épistémologiques sont tellement étranges et décalés que vos commentaires ne peuvent avoir aucune pertinence par rapport à ce qui est écrit sur ce blog.
Si je comprends bien toutes les études scientifiques avant vous et qui ne rentrent pas dans la vision techno-scientistes (d'après « Popper version Groucho ») et vos applications numériques (Evidence based, peer review, méta-analyse, ERC...) rentrent dans le cadre des croyances ?
Mais, je considère les peers reviews comme des prêtres de l'église techno-scientiste. Alexandre Zinoviev a parfaitement mis en lumière les processus des milieux communalistes dont dans le domaine de la science. La pensée scientifique a tendance à tomber vers zéro soit à légitimer l'idéologie du milieu. De plus, si les faits mis en avant par peer review et réplication sont reconnus de tout le monde, leurs conclusions sont loin de faire l'unanimité d'autant plus que l'evidence based (EB) à tendance à rejeter les faits rétifs à la réplication mécanique, à ne pas reconnaître les faits opposés aux faits déifiés et à exclure les contradictions contrairement à la science based.
De plus, l'Evidence based fait fi de la « théorie » donnée par les méthodes historiques, d'abstraction ou de terrain. Or, « Les faits ne « parlent pas d'eux-même » ; ils sont interprétés à la lumière de la théorie. » (Stephen Jay Gould, https://fr.wikiquote.org/wiki/Fait).
Le livre « technicité vs scientificité » aux éditions ISTE montrent bien les antagonismes qui existent en science entre les domaines plutôt ingénieriques (pragmatique, classificatoire) comme le vôtre et les domaines plutôt scientifiques (corrélatif, appréhension) comme mes références. Mais, les médias, les politiques et les ingénieurs amalgament technicité et scientificité soit font de la technique LA science. Ce qui est dommageable.
Or, « le Devenir de l'intelligence » écrit en 1943 est justement d'actualité. Il met en avant les problématiques et questionnement de 2019.
Je rappelle que comme vous, René Zazzo est un fervent défenseur de la quantification de l'« intelligence ». Mais, selon moi, Zazzo est dans un point arithmétique (Chine, non-Être) avec ses écarts (évaluation), et vous dans un point de géométrique (Occident, Être) avec son ordre (mesure).
La quantification (puissance, niveau) ne l'empêche pas de reconnaître et d'avoir perçu dans sa pratique des « styles » d'intelligences. Sur l'article « intelligence » de wikirouge, on retrouve la conférence québécoise de 1980 « A propos de ces enfants que vous dites exceptionnels » où il parle de Josiane qui l'a convaincu de la réalité des intelligences (in 'Où en est la psychologie de l'enfant ?', 1983).
On parlerait plutôt à la lumière du sémiologue et anthropologue Yves Richez de « Mode opératoires Naturels » (MoON) et non plus d'intelligence(s).
La théorie C.U.P. (configuration, utilité, potentialité) d'Yves Richez est un dépassement/une déconstruction de la théorie pragmatiste de Howard Gardner. Charles Spearman avait dans l'analyse de l'intelligence par analyse factorielle avait mis à jour des groupes d'activité qui ressemblent aux catégories de Gadner et aux MoON de Richez (cf article intelligence sur wikirouge).
Je vous envoie aussi au livre en français d'Yves Richez aux éditions ISTE : Détection et développement des talents en entreprise, 2017. On y retrouve dans cette éditions aussi un livre d'un de mes profs de fac des débuts 2000, le paléontologue Pascal Neige.
Ou alors comme vous préférez l'anglais au français, je vous envoie à la traduction anglaise du livre d'Yves Richez : 'Corporate Talent Detection and Development', Wiley Publishing, 2018.
Sa démarche, vue d'un point de vue extérieur (et non pas de lui-même), est un peu expliciter sur la page intelligence de wikirouge. Elle se consilie comme je l'ai écrit à Henri Wallon où l'« on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations », à Joseph Needham par sa mise en lumière des écarts entre l'occident et la chine, et par sa méthode de terrain (Maurice Mattauer). C'est une démarche que l'on peut qualifier de dialectique. Ce qui pourrait donner un cadre théorique à vos faits.
Si son livre des éditions ISTE vise l'entreprise, sa théorie C.U.P. touche globalement la pédagogie nouvelle et la psychologie complexe. Elle est exploitée par l'école Montessori en Terre d'Enfance. D'un point de vue de la pédagogie et de l'orientation, cette pratique se consilie (sic) globalement à la pédagogie Decroly et à Henri Wallon soit au rapport de la commission Langevin-Wallon.
C'était la dernière fois que je vous lisais, il est maintenant clair que ce n'est pas une utilisation rationnelle de mon temps.
Toujours impressionné par vos articles et votre liberté de ton.
1/ Existe-t-il des etudes sur un lien entre predisposition genetique a "l' intelligence" et le sentiment de bonheur?
2/ En tant que parent comment pourrais-je refuser a mon enfant quelques cm et points de qi de plus, la supression de son acnée et de sa miopie et de ses risques de diabete? Et cela dans un monde ou ce sera une quasi norme?
1) Question intéressante. La réponse la plus à jour que je connaisse est dans l'article de Krapohl et al. (2016) sus-cité: https://www.nature.com/articles/mp2015126. Dans la Figure 1, vous voyez la corrélation entre les GPS pour l'éducation (ancienne version, pas celle de 2019) et pour le QI avec de nombreux autres traits. Pour le trait "life satisfaction" qui se rapproche le plus de votre question, la corrélation est strictement nulle. En revanche, ces GPS ont tout de même des corrélations globalement négatives avec la plupart des scores de psychopathologie, comme l'inattention, l'hyperactivité, l'impulsivité, les troubles du comportement, etc. Autrement dit, les prédispositions génétiques pour le QI et les études confèrent aussi des prédispositions pour la bonne santé mentale, ce qui ne fait peut-être pas le bonheur mais peut tout de même épargner bien des souffrances.
2) Peut-être pas. Est-ce que cette forme d'eugénisme serait nécessairement la catastrophe que tout le monde décrie, je n'en sais rien. Ca vaut la peine d'y réfléchir plutôt que de réagir de manière impulsive.
Merci pour vos reponses. Mon pauvre anglais est tres loin de me permettre de me faire un avis, je vous croi s sur parole :). J' ignore si vous etes amateur de science-fiction. Je vous recommande le livre de Greg Egan, " le secret de l' univers" qui aborde assez creativement des questions d ethique de la genetique humaine.
Dans ton billet, tu indiques que "quand des chercheurs se sont penchés sur le cas des Afro-Américains, les variantes génétiques n’ont prédit les résultats scolaires que de manière très marginale.".
Je me demande dans quelle mesure cette absence d'effet chez les Afro-Américains invalide certaines interpretations.
Je m'explique. Il me semble qu'il est difficile dans ces études de dissocier l'effet causal du score polygénique (via modification des capacités cognitives ou autre) des effets liés à la dérive aléatoire de certains polymorphismes au sein d'une classe sociale dominante qui tend depuis toujours à se reproduire suivant une logique aristocratique ou nobiliaire.
Ces effets de dérives aléatoires ont bien moins de chance d'être effectifs dans des populations dont le statut socioéconomique est plus bas ou qui n'ont pas eu l'opportunité d'enclencher ces dynamiques aristocratiques.
Si ces associations polygéniques reflètaient réellement un effet causal, pourquoi seraient-elles différentes chez les Afro-américains? Si les bases génétiques de l'intelligence diffèrent à ce point entre deux groupes éthnique, que faut-il conclure? Il y a là, il me semble, une question assez inflammable...
En outre, la proposition visant à "apparier" a priori les élèves suivant leur prédispositions génétiques me semble catastrophique. C'est une prophétie auto-réalisatrice! Généralisée sur plusieurs générations, elle aboutira effectivement à une explosion de la variance expliquée par les facteurs génétiques! Car qui étudie ensemble vit ensemble et se reproduit ensemble!
En outre, même si on le prend pour argent comptant, ce predictive R2 de 10% me paraît très faible. N'est-ce pas négligeable par rapport à tous les méchanismes controllables impliqués dans le succès scolaire? Du côté de l'éducation nationale: cartes scolaires, tailles des classes, méthodes pédagogiques, formation des professeurs, stratégies de réponse à l'échec scolaire. Du côté des affaires sociales: aides familiales, aides au logement, prime de rentrée, planning familial. Du côté de la santé: accès égalitaires aux soins (notamment pédopsychiatriques).
Ces facteurs ne sont-ils pas infiniment plus important que la génétique?
Même en avançant (ou refusant de reculer) sur tous ces fronts, il restera bien sur des différences inter-individuelles, mais je ne vois pas en quoi la génétique est nécessaire pour prendre ces dernières en compte...
En règle générale, je trouve tes prises de positions très intéressantes, sans être forcément d'accord. Et je déplore comme toi le rejet de la biologie par les sciences sociales (cf mon billet sur "l'erreur de Lordon") Mais dans ce cas précis, je n'arrive pas à suivre...
Merci Romain de poser des questions intéressantes et pertinentes, ça me change des collègues qui ont des opinions sur la génétique comportementale mais n'ont pas mis à jour leur logiciel depuis les années 70 et lisent les études de génomique superficiellement à travers une grille de lecture dogmatique immuable ("CES MÉTHODES NE SONT PAS VALIDES")!
Sur le premier point, qui est que des facteurs génétiques pourraient par dérive se co-stratifier avec des facteurs socio-économiques: cette possibilité est réelle, mais elle est bien prise en compte dans les études génomiques. Si tu regardes par exemple l'étude de Lee et al. dont il est question ici, "We measure prediction accuracy by the ‘incremental R2’ statistic: the gain in the coefficient of determination (R2) when the score is added as a covariate to a regression of the phenotype on a set of baseline controls (sex, birth year, their interaction and 10 principal components of the genetic relatedness matrix)." (p. 1114)
Autrement dit, ils éliminent ces potentiels biais en soustrayant l'effet des 10 premières composantes principales de la matrice de similarité génétique. Une fois cela fait, il ne doit plus rester de part de variance explicable par des différences entre groupes humains, quels qu'ils soient.
Note qu'en faisant cela, ils se privent d'une part de variance génétique ayant potentiellement un réel effet causal, et donc que leurs estimations des effets génétiques résiduels sont conservatrices.
D'abord il est important de préciser que c'est un fait qui n'est pas propre aux scores polygéniques de l'intelligence ou de l'éducation, mais qui vaut pour tous les scores polygéniques de tous les phénotypes. Voir à ce sujet l'étude très intéressante de Duncan et al. (2019).
Il y a certainement plusieurs raisons à cela, et on ne les connait encore pas toutes. En voici quelques-unes:
- un effet bêtement statistique: on optimise les scores polygéniques sur des populations qui sont principalement européennes. Forcément, ils sont moins optimisés pour d'autres populations (régression vers la moyenne). Mais ce n'est pas juste la conséquence d'un overfitting, car les scores polygéniques européens sont maintenant bien cross-validés, et il y a de bonnes raisons de croire qu'ils ont un effet causal réel (comme leur capacité, réduite mais réelle, à prédire les différences entre frères et soeurs au sein même d'une famille).
- un effet de diversité génétique réduite: en calculant les scores sur une population ayant une diversité génétique réduite (comme les Européens), on rate toute une part de variance qui peut être pertinente dans d'autres populations. En particulier dans la population africaine, qui est non seulement la plus éloignée de nous, mais qui est aussi la plus diverse génétiquement (deux africains d'ethnies éloignées sont typiquement plus différents génétiquement qu'un aborigène australien, un japonais et moi). Toute cette diversité génétique qui serait potentiellement pertinente pour expliquer l'intelligence des africains est totalement invisible vu de chez nous.
- il semble être vraiment le cas que les effets de certains allèles sur certains phénotypes diffèrent (voire même puissent être opposés) entre populations, pour des raisons que nous ne comprenons encore que peu. Là encore, ce n'est pas propre à l'intelligence, il me semble que cela a été démontré pour des allèles de susceptibilité à des maladies somatiques, comme le diabète. (tu m'excuseras de ne pas rechercher la référence, je pense que tu sauras trouver)
Bref, le fait que les facteurs génétiques aient des effets en partie dépendant de la population complexifie encore le sujet. Mais ce n'est pas un signe que ces facteurs génétiques n'ont pas d'effet causal. La conclusion, c'est qu'il est urgent de conduire des études génomiques sur l'ensemble des populations mondiales, pour mieux capturer toute la diversité génétique pertinente. Il nous faut un World Biobank, à l'instar de UK Biobank.
Duncan, L., Shen, H., Gelaye, B., Meijsen, J., Ressler, K., Feldman, M., Peterson, R., & Domingue, B. (2019). Analysis of polygenic risk score usage and performance in diverse human populations. Nature Communications, 10(1), 3328. https://doi.org/10.1038/s41467-019-11112-0
Sur l’appariement, je répondrai au second commentaire. Sur la suite de ton argument, je ne pense pas que le bien-fondé d'une politique s'évalue sur la base de la manière dont elle répartit la variance entre facteurs génétiques et environnementaux. On s'en fout complètement. Rappelons que dans le cas où on fournirait le même environnement optimal* à tous les enfants, la variance environnementale serait nulle, et donc toutes les différences individuelles seraient expliquées par des différences génétiques. Et alors, si l'environnement est optimal et que le développement des enfants est meilleur? Une politique doit simplement s'évaluer en fonction de l'objectif qu'on s'est fixé: amélioration de l'éducation, de la santé, réduction des inégalités (phénotypiques, peu importe quelle est leur origine), ou encore maximisation du potentiel de chacun.
*En fait, il n'est pas un certain qu'il existe un "même environnement optimal" pour tous les enfants. Il y a sans doute contradiction entre le fait de tous leur fournir le même environnement et le fait que ce soit optimal.
Ca me semble être une pétition de principe. Prends ton courage à deux mains, et va vérifier dans la littérature la taille d'effet réelle de tous ces facteurs, dans des études bien contrôlées. Tu risques d'être surpris.
Le plus récent score polygénique de l'éducation prédit 11% de la variance de la réussite scolaire. C'est-à-dire plus que le revenu du foyer (7%). Est-ce que tu aurais envie de dire aux sociologues et aux économistes que le revenu du foyer est une variable négligeable, que ce n'est plus la peine de l'inclure dans leurs modèles, et qu'ils feraient mieux de le laisser tomber? 😉
Sérieusement, 11% c'est beaucoup, c'est autant ou plus que la plupart des variables sociales ou éducatives qu'on est capable de mesurer et/ou de manipuler (le niveau d'éducation des parents est la seule exception). Et bien entendu, cette proportion de variance ne fera qu'augmenter avec la taille des échantillons, et cela restera toujours une sous-estimation des effets génétiques, puisque les scores polygéniques ne prennent en compte que les 0,2% du génome qui sont génotypés, ne prennent en compte que les effets additifs, et ne prennent en compte que les SNPs, pas les mutations rares et les variations de nombre de copies de segment.
Bref, mon propos n'est pas de jouer à qui explique le plus de variance. A ce jeu-là, le génome dans son ensemble gagnera toujours. Mon propos (et celui de Paige) est de dire qu'à partir du moment où il existe des facteurs qui ont un effet significatif sur ce qui nous intéresse, qui sont mesurables, et qui sont potentiellement confondus (ou qui interagissent) avec les facteurs qu'on étudie ou qu'on essaie de manipuler (à travers les politiques éducatives ou sociales), il faut les mesurer, faute de quoi on aboutit à des résultats qui sont au mieux incomplets (car occultant une partie de la réalité), au pire faux (car attribuant à des facteurs sociaux des effets qui sont génétiques). Cf. ma FAQ ci-dessus.
PS: si tu regardes les méta-analyses en sciences de l'éducation (site EEF par exemple), les effets de carte scolaire et de taille des classes sont quasi-nuls (0,1 SD), les effets de formation des maîtres sont très controversés, pour ce qui est des méthodes pédagogiques quand on atteint 0,4 SD (=4% de la variance) on est vraiment content ! (ça me fait penser à cet article récent de Robert Slavin). Je te laisse chercher les tailles d'effet des politiques sociales.
Deux précisions
1°) je sais que tu ne proposes pas d'apparier les élèves en fonction de leur score génétique, mais simplement d'utiliser le score génétique comme une variable contrôle dans l'évaluation evidence-based des procédures pédagogiques.
Cependant, ces différences interindividuelles aboutissent dans de nombreux pays (ex. Allemagne, Pays-Bas) à un appariement par compétence. D'où ma remarque. Et donc une seconde question: au dela de leur utilisation comme variable contrôle (dont on peut sans doute se passer avec des designs expérimentaux bien pensés, surtout dans un contexte où les associations sont variables d'un groupe éthnique à l'autre), ces différences génétiques sont-elles appelées à jouer un rôle quelconque dans le domaine éducatif? Si oui, lequel, d'après toi?
2°) Si les marqueurs génétiques de la réussite scolaire diffèrent entre éthnies, cela pourrait signifier que les traits requis pour réussir diffèrent. Cela, il me semble, réhabiliterait une lecture très "sociale" du problème éducatif, et remettrait en perspective la signification des associations obtenues chez les blancs.
Romain
1) l'idée de regrouper les élèves par potentiel génétique n'est pas que théorique, puisqu'elle est défendue par Robert Plomin (Asbury & Plomin, 2014). Pas nécessairement pour faire des groupes de niveau (dont les recherches en éducation ont montré qu'ils ne sont pas si efficaces que la plupart des gens le croient), mais plutôt pour offrir à chaque élève une éducation qui soit la plus adaptée à son potentiel et ses talents (p. ex. offrir dès le plus jeune âge une éducation musicale ou mathématique à ceux qui ont le potentiel pour en tirer le maximum).
Ni moi ni Paige Harden ne défendons cela. Personnellement, l'intérêt des tests génétiques pour ce genre d'objectif me laisse froid. Si on veut savoir si un enfant est doué en maths ou en musique, le plus simple, le plus fiable et le moins coûteux est de le tester en maths ou en musique. Avant qu'un score polygénique prédise des aptitudes spécifiques mieux qu'un test ou qu'une observation comportementale, de l'eau va couler sous les ponts. Le seul avantage d'un test génétique est de pouvoir prédire ce potentiel dès la naissance, avant même qu'il ne soit testable chez l'enfant. Mais je ne suis pas convaincu qu'il soit justifié de détecter le potentiel avant même qu'il soit mesurable dans le but de gaver des enfants dès la naissance.
Certains font aussi un argument similaire pour la détection des troubles développementaux: si un test génétique permet de mesurer le risque de dyslexie avant même que l'enfant ne commence à lire, ne pourrait-on pas lui offrir une intervention préventive pour diminuer son risque? Si, bien sûr, et je devrais être le premier à être sensible à cet argument. Mais là encore, on dispose de moyens bien plus fiables pour le faire: les mesures de langage oral chez le jeune enfant sont les meilleurs prédicteurs du risque de dyslexie, ils sont simples, peu coûteux, et ils seront plus prédictifs que n'importe quel test génétique pendant encore longtemps. Et pourtant, bien qu'on connaisse les prédicteurs, on ne les utilise toujours pas bien pour faire de la prévention. Essayons donc de mieux utiliser la connaissance qu'on a déjà et d'offrir les interventions préventives qui ont déjà fait leurs preuves, plutôt que de miser sur la génétique.
Asbury, K., & Plomin, R. (2014). G is for Genes : The Impact of Genetics on Education and Achievement. Wiley.
Je pense que c'est une hypothèse qui mériterait d'être élaborée pour voir si elle a un semblant de plausibilité. Crois-tu vraiment que chez les Africains ou les Papous, l'intelligence générale, la motivation, la confiance en soi, la persévérance, l'effort, et parfois une pointe de roublardise ne soient pas les principaux facteurs de réussite (y compris si leurs critères de réussite sont différents des nôtres)? Alors, que seraient-ils?