Vers une éducation fondée sur des preuves
Actualisé le 8 janvier 2019.
L'éducation fondée sur des preuves est un courant visant à fonder les pratiques éducatives sur des preuves (ou au moins des éléments de preuve) scientifiques de leur efficacité. L'expression "éducation fondée sur des preuves" vient de l'anglais "evidence-based education". La notion de preuves peut sembler excessivement forte, mais il faut comprendre que c'est un problème de traduction. Le mot evidence fait avant tout référence à des données factuelles, plus qu'à de véritables preuves. L'esprit est donc de promouvoir les pratiques éducatives basées sur des données factuelles (concernant leur efficacité), par opposition aux pratiques fondées sur de simples croyances ou sur des philosophies.
Ce courant découle bien entendu de la même approche adoptée avec succès depuis plusieurs décennies en médecine, la médecine fondée sur des preuves (evidence-based medicine). Aujourd'hui, plus personne ne voudrait prendre un médicament ou subir un traitement médical qui n'ait auparavant fait la preuve de son efficacité, selon les standards de la médecine fondée sur des preuves. Standards qui requièrent généralement la conduite d'essais cliniques randomisés contrôlés, permettant d'évaluer statistiquement les bénéfices apportés par un traitement, comparé à un autre traitement de référence (ou à un placebo). Pour une excellente introduction aux origines historiques et aux principes de la médecine fondée sur des preuves, reportez-vous à l'article de Simon Singh et Edzard Ernst.
Le fait est que les principes de la médecine fondée sur des preuves ne sont pas propre à la médecine, et que les méthodes expérimentales qu'elle met en oeuvre sont d'utilité générale et sont totalement indépendantes de la nature des traitements, qu'il s'agisse de médicament, de pratique médicale ou paramédicale, de psychothérapie, de pratique pédagogique, ou même d'action économique ou politique. C'est pour cela que l'approche "evidence-based" tend à se généraliser à tous les domaines, en premier lieu dans les cultures pragmatiques où l'action et les faits sont plus valorisés que les beaux discours.
Une dernière précision utile est que l'éducation fondée sur des preuves n'est pas une théorie ni une philosophie de l'éducation. Ce n'est pas non plus une orientation politique particulière sur l'éducation. Cette approche ne prescrit en fait absolument rien, elle est neutre par rapport à toutes les hypothèses que l'on peut avoir sur l'éducation. Tout ce que dit cette approche, c'est que ces hypothèses, quelles qu'elles soient (et cela inclut toutes les affirmations que l'on peut faire sur le sujet de l'éducation), peuvent et doivent être évaluées à l'aune de données factuelles, obtenues par l'observation ou (de préférence) l'expérimentation. C'est donc tout simplement l'approche scientifique usuelle appliquée à l'éducation.
Constatant que le courant est insuffisamment développé et reconnu en France, j'ai regroupé ici quelques livres et sites dont je recommande particulièrement la lecture. Cette liste est destinée à évoluer au fur et à mesure des parutions et de mes lectures. Je signale également cet excellent article de Ben Goldacre qui explicite plus en détail les tenants et les aboutissants de l'éducation fondée sur des preuves: article original en anglais, et traduction en français.
Enfin, on peut maintenant visionner ma conférence TEDx "Tout ce que vous avez toujours su sur l'éducation et qui est faux" (format court, avec sa bibliographie associée), ou ma conférence "Les neurosciences peuvent-elles éclairer l'éducation?" (format long), dans lesquelles j'explicite cette démarche scientifique appliquée à l'éducation.
L'éducation fondée sur des preuves en français
Ouvrages et sites généraux
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Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école de Daniel Willingham. Contient de nombreuses connaissances essentielles sur les mécanismes des apprentissages, ainsi que d'excellents conseils pour aider les enseignants à améliorer leurs pratiques et à développer un véritable professionnalisme de l'enseignement. |
Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d'apprentissage à la lumière des sciences cognitives.
J'en ai écrit une recension plus complète sur le Café pédagogique. Mathieu Hainselin a traduit des posters qui récapitulent les principales recommandations, à afficher dans tous les établissements! On peut également regarder la vidéo de ma conférence "Apprendre à apprendre", qui reprend les principaux résultats évoqués dans ce livre. Il en existe deux versions:
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L'apprentissage visible pour les enseignants. Le livre de John Hattie pour les enseignants, enfin traduit en français! Ne vous laissez pas rebuter par quelques termes malheureux comme "maximiser le rendement de tous les élèves", il s'agit de traductions maladroites (de l'anglais néo-zélandais vers le français québecois). |
Apprendre! Les talents du cerveau, le défi des machines, de Stanislas Dehaene. |
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Changer d'état d'esprit, de Carol Dweck. Je n'ai pas lu le livre, mais l'auteur et ses travaux sont bien connus. Il y a là une clé de plus pour motiver les élèves et les aider à progresser. | |
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Les conférences internationales du Conseil Scientifique de l'Education Nationale sont un bon moyen de se tenir à jour des derniers développements de la recherche scientifique en éducation:
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Pour des explications pointues sur les mécanismes cognitifs des apprentissages scolaires, le cours en ligne de Stanislas Dehaene est une excellente source. |
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Le site Cerveau et apprentissage de la fondation La main à la pâte est en passe de devenir une source incontournable pour les enseignants. Il va s'enrichir de plus en plus. |
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Les neurosciences en éducation, par Sander, Gros, Gvozdic & Scheibling-Sève chez Retz. Un bon antidote contre les neuromythes. |
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Le blog de la start-up Didask est intéressant et très bien documenté. |
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Le site de l'association Syn-lab est une bonne source d'informations, notamment celle sur les apprentissages scolaires. |
Par temps clair | Le blog Par temps clair est une bonne source d'informations et de réflexions sur l'éducation fondée sur des preuves. |
Sur des thématiques plus spécifiques:
La lecture: |
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Apprendre à lire, de Stanislas Dehaene et collègues. |
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Pour ceux qui veulent creuser à un niveau plus fondamental et cérébral, il y a bien sûr Les neurones de la lecture, du même auteur. |
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L'apprentissage de la lecture et ses difficultés, de Jean Ecalle et Annie Magnan. |
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Lecture et dyslexie: approche cognitive, de Liliane Sprenger-Charolles et Pascale Colé. Très fouillé sur les mécanismes cognitifs de la lecture, je le recommanderais surtout aux orthophonistes et psychologues. |
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"Lire et écrire en classe de CP": conférence donnée aux inspecteurs du 1er degré le 13/09/2018 à l'ESENESR. |
Les sciences: |
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Du labo à l'école: science et apprentissage, d'Elena Pasquinelli, spécialiste des sciences cognitives au sein de la Fondation La main à la pâte. |
Les enfants en difficulté et en situation de handicap |
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Neuropsychologie et troubles des apprentissages chez l'enfant, de Michèle Mazeau et Alain Pouhet. |
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Lecture et dyslexie: approche cognitive, de Liliane Sprenger-Charolles et Pascale Colé. Très fouillé sur les mécanismes cognitifs de la lecture, je le recommanderais surtout aux orthophonistes et psychologues. |
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A la découverte de l'autisme: des neurosciences à la vie en société, de Dominique Yvon et collègues. |
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Aide-mémoire TDAH en 57 notions, de François Bange et collègues. |
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100 idées pour venir en aide aux élèves dyslexiques de Gavin Reid et Shannon Green. |
Pour les anglophones
Malheureusement, bien des sources incontournables ne sont accessibles qu'en anglais. En voici quelques-unes. Editeurs et traducteurs, il y a du travail pour vous!
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Le département d'Education des USA a publié un excellent rapport de synthèse avec 7 grandes recommandations pour améliorer l'enseignement de manière à renforcer les apprentissages: Pashler, H., Bain, P. M., Bottge, B. A., Graesser, A., Koedinger, K., McDaniel, M., & Metcalfe, J. (2007). Organizing Instruction and Study to Improve Student Learning. IES Practice Guide. NCER 2007-2004. National Center for Education Research. Consulté à l’adresse http://eric.ed.gov/?id=ED498555. |
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Visible learning de John Hattie, une méta-analyse de toutes les méta-analyses dans le domaine de l'éducation, une œuvre colossale qui résume tout, et qui en propose la synthèse personnelle de l'auteur. Attention, c'est un ouvrage avant tout pour les chercheurs et pas forcément très digeste. Il y a aussi une version simplifiée pour les enseignants, que je n'ai pas consultée. |
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The everyday parenting toolkit d'Alan Kazdin se présente avant tout comme un guide pour aider les parents ayant des enfants difficiles à mieux gérer leur comportement. Mais l'intérêt de ce livre va bien au-delà. C'est une ressource indispensable pour tous les parents et pour tous les enseignants, dans la mesure où tous les enfants présentent parfois des comportements indésirables que les adultes cherchent à réduire ou à modifier, avec plus ou moins de succès. Kazdin distille de manière très simple et pédagogique les grands principes des sciences du comportement, et explique leur mise en application à l'aide de nombreux exemples vécus en famille ou en classe. Tous les parents et tous les enseignants devraient y trouver des éléments adaptés à leur situation, qui devraient grandement leur simplifier la vie, tout en rendant celle des enfants plus agréable. Car l'un des mérites de ce livre est de fournir des méthodes plus efficaces que les punitions pour modifier le comportement de l'enfant. Malheureusement je n'ai pas connaissance d'un livre équivalent en français. Une traduction parait urgente.Il existe maintenant une bonne présentation du livre en français.La province d'Alberta au Canada a également produit trois guides, basés sur les mêmes principes, et traduits en français, pour gérer le comportement des élèves dans les écoles. |
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L'Education Endowment Foundation est une fondation à laquelle le gouvernement britannique a donné la mission et les moyens de déterminer "ce qui marche" dans le domaine de l'éducation, et d'en diffuser les résultats. Elle conduit de nombreux essais randomisés contrôlés de pratiques pédagogiques, des synthèses de la littérature scientifique, des évaluations coût-bénéfice des différentes réformes possibles, et publie des recommandations. L'approche est non-prescriptive: toute l'information est simplement mise à disposition des chefs d'établissements et des enseignants, à eux de décider ce qu'ils en font. Un exemple à suivre!
Là encore, une traduction en français serait souhaitable. Le tout nouveau rapport sur l'enseignement des mathématiques à l'élémentaire vient d'être traduit en français sur le blog MathémaTICEs. |
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Dans le même esprit que l'EEF, le site web américain What Works Clearinghouse conduit des évaluations permanentes des études scientifiques publiées dans le domaine de l'éducation, et en publie des synthèses. Une source incontournable pour les anglophones. |
Blogs recommandés: Daniel WillinghamRetrieval practiceLearning scientistsTurn to your neighbor |
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Beaucoup plus général, et pour prendre un peu de hauteur sans attendre des conseils clé en main, le livre de Kathryn Asbury et Robert Plomin "G is for Genes: The Impact of Genetics on Education and Achievement" est tout à fait remarquable. On y trouvera:
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Au-delà de l'éducation: la politique et la décision fondées sur des preuves (evidence-based policy)
Véritable révolution intellectuelle, on pourra s'y initier en regardant les vidéos de ce colloque très intéressant et pertinent intitulé "La décision publique fondée sur la recherche de preuves", qui s'est déroulé à l'Académie des sciences le 11 septembre 2015.
Pour approfondir, je recommande particulièrement les livres suivants.
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Superforecasting: The art and science of prediction, de Philip Tetlock et Dan Gardner. Ou comment rendre plus scientifique et plus juste la prévision économique et politique. Passionnant! |
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Inside the Nudge Unit: How small changes can make a big difference, de David Halpern. Ou l'on découvre que depuis Blair et Obama, les gouvernants britanniques et américains ont commencé à s'intéresser à l'évaluation scientifique des choix politiques, avec des résultats intéressants. Approche évidemment impensable pour nos dirigeants français, pour lesquels rien ne vaut un bon argument d'autorité. |
Le livre ci-dessus s'appuie sur l'incontournable et désormais classique Nudge de Thaler et Sunstein, dont on peut lire cette recension en français. Pour ceux qui s'intéressent à cette approche on pourra réécouter la conférence Nudge in France qui s'est tenue à l'ENS le 8 juin 2017, et se rapprocher de l'association Nudge France. Félicitations à Richard Thaler pour l'obtention du prix de la Banque de Suède 2017! |
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Dernier-né dans le mouvement de "la vie fondée sur des preuves", voici "la générosité fondée sur des preuves"!
Donner (du temps, de l'argent), c'est bien, mais donner là où cela a le plus d'impact sur la vie et le bien-être des autres, ça n'a rien évident, et ça ne peut pas juste se faire au doigt mouillé: c'est une science! Ce livre de Peter Singer L'altruisme efficace, maintenant traduit en français, en offre un panorama. Pour ceux que ce mouvement intéresse, il existe une association française dont c'est l'objet. |
Depuis son origine, le courant de la Pédagogie Explicite recommande les pratiques basées sur les preuves (ce que les Canadiens appellent “les données probantes”). Barak Rosenshine s’est précisément appuyé sur les preuves pour définir les modalités de mise en œuvre de l’Enseignement Explicite. Sa réponse à ceux qui lançaient des affirmations non prouvées est restée fameuse : « Show me the data! ». Sans données tangibles, toute affirmation éducative reste à nos yeux sans valeur.
Dès lors, il est grand temps que l’éducation fondée sur des preuves s’impose en France et que l’on cesse de recourir à des démarches d’enseignement basées sur des croyances ou de l’idéologie.
Les enseignants du courant explicite apprécient et soutiennent les efforts de Franck Ramus qui vont dans le sens d’un enseignement efficace basés sur les données recueillies en grand nombre. Les résistances, souvent issues des rangs du constructivisme pédagogique, sont encore nombreuses mais elles ne sont pas insurmontables. De fait, en enseignement comme ailleurs, seuls les résultats constatés comptent…
Sur les données probantes : http://www.formapex.com/donnees-probantes?layout=default
Bien cordialement.
Elena Pasquinelli a écrit la préface de "Mets-toi ça dans le tête !" et a également commenté ce livre sur le blog [lab]map : https://labmap.wordpress.com/2016/02/15/apprendre-a-apprendre-lecon-1-lart-de-la-memoire/
Il me semble que toutes vos références concernent la pédagogie, l'apprentissage scolaire. Dès lors votre titre "Vers une éducation fondée sur des preuves" ne devrait-il pas être plutôt "Vers un enseignement fondé sur des preuves" ?
A votre décharge, cette confusion est assez générale. Dans sa page https://fr.wikipedia.org/wiki/Enseignement la Wikipédia fait la distinction:
"L'enseignement ne doit pas non plus être confondu avec l'éducation : ce dernier terme (du latin educare, tirer hors de), beaucoup plus général, correspond à la formation globale d'une personne, à divers niveaux (au niveau religieux, moral, social, technique, scientifique, médical, etc.). Néanmoins, l'enseignement contribue à cette formation et constitue donc une composante de l'éducation"
mais l'oublie dès l'introduction de la page https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ducation ...
Je suis assez sensible à cette différence ayant remarqué (grâce à mon épouse éducatrice) que la France dispose d'un Ministère de l' Education Nationale alors qu'en Suisse nous avons des Départements de l'Instruction Publique...
Je suis d'accord avec vous. Je dirais plus simplement que l'éducation est le but, et que l'enseignement est l'un des principaux moyens pour y parvenir, et c'est celui sur lequel on peut agir au niveau national, via les écoles et les enseignants. D'où la focalisation sur l'enseignement fondé sur des preuves.
Cela dit, l'approche "fondée sur des preuves" n'est pas intrinsèquement limitée à l'enseignement, comme l'illustre la dernière section de cette page. Il est par exemple possible d'apporter également des connaissances scientifiques, fondées sur des données factuelles, sur les moyens que peuvent utiliser les parents pour éduquer leurs enfants. C'est ce que fait le livre d'Alan Kazdin "The everyday parenting toolkit" (http://alankazdin.com/everyday-parenting-toolkit/), que je vais ajouter immédiatement à cette page. Merci de m'y avoir fait penser!
Dans la liste de livre sur l'éducation basée sur des preuves, pourquoi ne pas rajouter des livres sur la théorie de la charge cognitive ? En francais, il existe le livre nommé "La charge cognitive, Théorie et applications" par Lucile Chanquoy, André Tricot et John Sweller. En anglais, j'ai apprécié le livre "Cognitive Load Theory" par Sweller, Aryes et Kalyuga (nettement plus technique, cependant). Après, certains pans de la théories sont un peu bancals (notamment la partie basée sur la psychologie évolutionniste), mais le reste me semble relativement solide niveau empirique, et relativement utile et applicable en classe. Vu que vous citez des livres assez "techniques" dans les problématiques spécialisées, je pense que de tels livres auraient leur place dans cette liste.
Je ne connais pas ces livres, mais ils me semblent tout à fait dans le même esprit que ceux que je cite ici.
Commentaire reçu par email:
"Le problème méthodologique est qu' une méthode éducative quelle qu’elle soit est appliquée par des personnes, qui même si elles suivent fidèlement la méthode, ne peuvent pas ne pas utiliser des éléments relationnels singuliers, difficilement mesurables et généralisables et peut-être plus opérants que la méthode elle-même. Un médicament agit par lui-même et les facteurs relationnels dans la prescription et la prise peuvent être jusqu’à un certain point négligés. Il n’en est pas de même quand une orthophoniste ou une psychomotricienne rencontre un enfant. C’est tout le problème du général et du particulier. "
Mes réponses ci-dessous.
Le problème méthodologique que vous soulevez me semble tout à fait fictif. On peut s'en convaincre de plusieurs façons.
Premièrement, les éléments relationnels que vous évoquez, incontestables bien sûr, peuvent faire partie de la méthode elle-même. De fait, c'est le cas dans la plupart des psychothérapies, qui spécifient plus ou moins finement comment le thérapeute interagit avec la patient, et aussi dans une certaine mesure comment il s'adapte à différents types de patients, de troubles, et de situations. Il me semble que c'est le cas pour la psychanalyse comme pour les TCC. Autrement dit, s'il est incontestable que les éléments relationnels singuliers introduisent de l'hétérogénéité dans l'application de chaque intervention, cette hétérogénéité n'est pas nécessairement arbitraire mais peut être caractéristique de la méthode elle-même. Similairement, certaines méthodes pédagogiques peuvent spécifier précisément comment adapter l'enseignement à des enfants ayant des besoins différents.
Deuxièmement, quand bien même les éléments relationnels introduisent une hétérogénéité plus ou moins arbitraire, la conséquence est simplement d'introduire du bruit (au sens statistique) dans l'application de chaque méthode. Cela se traduit par une variance augmentée, et donc une taille d'effet (de la différence entre deux traitements) réduite par rapport à ce qu'elle pourrait être si les méthodes pouvaient être appliquées de manière parfaitement uniforme. Qu'à cela ne tienne! Si la taille d'effet est réduite, cela implique simplement qu'il faut augmenter les effectifs des groupes pour assurer une puissance statistique suffisante pour détecter les différences. En aucun cas cela ne rend impossible la comparaison entre les traitements.
Troisièmement, dans les faits, une intervention relationnelle n'a même pas nécessairement une taille d'effet inférieure à celle d'un médicament. A ma connaissance, parmi les traitements pour la dépression, les antidépresseurs ont un effet supérieur au placebo d'une taille de 0.3 (d de Cohen), alors que les TCC ont un effet supérieur au placebo d'une taille de 0.25 (voir mon article à ce sujet: https://scilogs.fr/ramus-meninges/de-lefficacite-des-antidepresseurs-et-des-psychotherapies-pour-la-depression/). Autrement dit, c'est largement comparable, et cela montre au passage que la mesure de l'effet d'une psychothérapie est parfaitement possible.
De fait, on peut aussi vous faire la réponse de Mark Twain: "ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait". Heureusement que des milliers de chercheurs depuis plusieurs décennies ne se sont pas laissés paralyser par le faux problème méthodologique que vous soulevez, et ont créé le mouvement en avançant. Des milliers d'études ont mesuré l'effet de différents types de psychothérapies, ont été méta-analysées pour en extraire les résultats convergents, et ont ainsi montré que c'était possible, que l'on pouvait parfaitement détecter de manière fiable des effets de traitements supérieurs au placebo, de même que des différences d'efficacité entre différents traitements, malgré le bruit introduit par les éléments relationnels. Il en est de même dans le domaine de l'éducation. Dans son livre de 2008, John Hattie a répertorié 800 méta-analyses, synthétisant les résultats de plus de 50000 études, portant sur plus de 100 millions d'élèves. Les tailles d'effet mesurées varient de -0.7 à +2, avec une médiane aux alentours de 0.4, ce qui montre qu'il existe de nombreuses pratiques pédagogiques qui ont des effets mesurables très importants sur les apprentissages des élèves, et que les méthodes de l'éducation fondée sur des preuves sont parfaitement capables (et à mon sens, les seules capables) de les révéler.
Il me semble que dans tout domaine où les relations intersubjectives sont engagées, le bruit a peut-être autant d'intérêt que la méthode formalisée elle-même. J'ignore quelle méthode utilisait mon professeur de français de 1ère, mais sa personnalité m'a marquée toute ma vie et il m'a donné le goût de la littérature. Par contre mon professeur de philo en terminale avait sans doute une bonne méthode (il avait près de 100% de réussite au bac, à une époque où ce n'était pas courant), mais il m'a dégoûté pour de nombreuse années de la philo et il m'a fallu d'autres rencontres pour trouver ce goût. Cela dit, je ne nie pas l'intérêt des méthodes protocolisées mais pense que la manière de les appliquer vaut autant que ce qu'on applique. Aux USA, les limites de l'EBM sont de plus en plus étudiées. Tout un courant, la médecine narrative, (cf. entre autres les publications de Rita Charon) essaie d'apporter un complément d'humanité dans une relation médecin malade qui retrouve son importance.
Il est certain que les facteurs relationnels jouent un rôle important dans toute méthode. En médecine, c'est ce que l'on appelle l'alliance thérapeutique, et il y a toute les raisons de penser qu'un phénomène similaire existe dans l'éducation.
L'importance de l'alliance thérapeutique ne montre en rien les limites de l'evidence-based medicine (EBM). Il est parfaitement possible de la conceptualiser, de la mesurer et d'en mesurer les effets dans le cadre de l'EBM. Son effet est bien établi par des méta-analyses (d=0.28) et explique environ 7.5% de la variance des résultats des psychothérapies, ce qui est non-négligeable, mais n'en fait pas non plus le facteur principal. Voyez par exemple:
Horvath, A. O., Del Re, A. C., Flückiger, C., & Symonds, D. (2011). Alliance in Individual Psychotherapy - Oxford Scholarship. In J. C. Norcross, Psychotherapy Relationships That Work: Evidence-Based Responsiveness. Retrieved from http://www.oxfordscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780199737208.001.0001/acprof-9780199737208-chapter-2
Bref, s'il s'agit de dire que les médecins devraient prendre un peu plus de temps pour écouter leurs patients et établir une bonne alliance thérapeutique, tout le monde est d'accord là-dessus. Les principales TCC, à la différence de bien d'autres méthodes, font d'ailleurs des recommandations explicites sur ce point.
De la même manière, l'établissement d'une "alliance pédagogique" entre l'enseignant et les élèves est un facteur important, qui a certainement fait l'objet de recherches scientifiques de qualité, qui devraient être incluses plus systématiquement dans la formation des enseignants. Je n'ai pas creusé la littérature spécifiquement sur ce sujet, mais le livre de Kazdin indiqué ci-dessus donne des éléments importants.
Les travaux de John Hattie montrent que la qualité de la relation enseignant / élève est un élément très important dans les résultats obtenus, ça aussi c'est un apport de la science. On peut certes supposer que tous les enseignants sont naturellement chaleureux, mais rien n'empêche de leur donner des techniques pour le faire, et d'avoir une approche factuelle de ce que ça représente (par exemple par l'aspect plus ou moins coercitif des instructions). Quand on se filme, on est parfois surpris nous-mêmes par notre propre mode de communication avec les autres.
Voici un article moins apologistes sur la notion d'evidence-based policy :
Laurent Catherine, Baudry Jacques, Berriet-Solliec Marielle et al., « Pourquoi s'intéresser à la notion d' « evidence-based policy » ? », Revue Tiers Monde, 2009/4 (n° 200), p. 853-873. DOI : 10.3917/rtm.200.0853. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-853.htm
Peu de monde sait ce qu'est la démarches par les faits. Ça n'a rien d'évident contrairement à ce que sous entend le terme anglais d'evidence based.
Les notions de fait ou de preuve ne sont pas non plus simple. Les penseurs naturalistes immanents (aristotéliciens, empiristes) trouvent la preuve de Dieu dans/par la nature de manière rationnelle même si ça brise le concept transcendent de Dieu.
Le fait/la preuve a priori ne suffit pas a lui-même d'autant plus avec les ambivalences ou les contradictions dans un même objet d'étude. Sans cadre théorique, on ne peut aller à l'appréhension (naturaliste), ni à la corrélation (scientifique), ni au généralisation (logico-mathématique).
Personnellement, je reproche au promoteur de l'evidence based de promouvoir leur démarche à la façon des prosélytes religieux, de manière hautaine et de manière discriminatoire.
Ça rejette toutes démarches qui ne sont pas par les faits. Ça accuse les autres démarches de pseudosciences comme ça accusait d'hérésie pour disqualifier tout regard opposé ou en contradiction à l'ordre divin. Ça réagit plus en religieux qu'en scientifique.
Cependant, ceci peut se comprendre à lumière de ce que je nomme « la théorie sur le talent, l'émergence et l'actualisation des potentiels » d'Yves Richez (ISTE, 2017). Ça opère exclusivement selon le registre abstrait du mode opératoire (MoO) scientifique, du registre pragmatique du MoO scientifique, du registre phonétique du MoO linguistique et probablement du registre classificatoire du MoO naturaliste. Ce qui conduit selon moi à la négation du doute moteur du mode opératoire naturel logico-mathématique (« abstrait général ») et principe scientifique. Notre langue alphasyllabaire construit sur des millénaires génère a priori des concepts abstraits. Ça génère des visions spiritualistes et scientistes.
Ce prosélytisme exclu notamment les méthodes historiques ou de terrains qui mettent en pratique des démarches dialectiques ou « méthodes du passage de l'abstrait au concret » (Alexandre Zinoviev).
Or, ce sont justement ces méthodes d'abstraction qui forment un cadre théorique qui permet de juger logiquement les résultats des méthodes empiriques et ainsi d'évaluer soit de mettre en lumière les écarts entre la mesure (le fait/la preuve) et le concret pensée. Ce n'est donc pas inconciliable même si ça brise et retourne les conclusions des démarches purement empiriques.
Par ailleurs, en Médecine, certains préfèrent la 'science based' à l'évidence based : https://www.painscience.com/articles/ebm-vs-sbm.php
Bonjour,
Voici, un article en français sur l'evidence based policy :
Laurent Catherine, Baudry Jacques, Berriet-Solliec Marielle et al., « Pourquoi s'intéresser à la notion d' « evidence-based policy » ? », Revue Tiers Monde, 2009/4 (n° 200), p. 853-873. DOI : 10.3917/rtm.200.0853. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-853.htm
Or, il existe aussi la 'science based medecine' : https://sciencebasedmedicine.org/about-science-based-medicine/ .
Le rapport Langevin-Wallon (Deux grands savants et communistes), une décision politique sur l'éducation, n'était il pas définit par un cadre théorie scientifique donnée par la psychologie complexe et la pédagogie nouvelle notamment du docteur Ovide Decroly (un franc-maçon) ?
Mais, il semblerait que comme chez Platon, la théorie soit rejetée par les promoteurs de l'EB. De ce fait il y un rejet des méthodes de la science fondamentale soit des méthodes historiques et des méthodes de terrain avec ses « expériences naturelles » sans contrôles/sans randomisation.
Cette rationalisation conduit à faire que le milieu est unique et homogène. [Ca me rappelle le temps décimal opposé aux cycles naturelles cosmologiques soit au réel]. De ce fait, on peut y trouver LA technique idéale, facile et vendable, qui marche partout et pour tout temps. Ça me semble être la raison de l'EB même si l'enjeu est capitaliste avec une recherche de profit soit d'efficacité et de performance soit de plus-value non garant d'efficience.
Ainsi, les démarches empiriques de l'EB rejettent en somme les milieux dans leur concert réel avec leurs disparités et leurs ambivalences.
Je représente le « milieu » ainsi selon Henri Wallon d'après Jacqueline Navel (éd. Scarabée,1980) et la théorie C.U.P. d'Yves Richez (éd. ISTE, 2017) :
« situation (configuration) actions impliquées (potentialisation) »
On observe facilement que les décisions actuelles prises à partir de l'evidence based, réduit exclusivement aux démarches empiriques et méthode de laboratoires, ne font que rassurer les traditions sous couvert de technologie.
Dans le discipline de l'économie, l'EB est nommé de « misère du scientisme » suite à l'affaire Pierre Cahuc et André Zylberberg.
La réforme Blanquer fait échos au projet Brunold mais dont les décisions sont légitimées par ce que je nomme les domaines inspirés par la cybernétique et la théorie de l'information comme les neurosciences et la psychologie cognitive. On se rappelle de son conseil qui à conduit à créer une évaluation des comportements à risques dès la maternel dans la prévention contre la délinquance.
On reste dans un vision purement mécaniste à la sauce hightech. On reste dans la tradition platonicienne et empiriste.
Toute démarche empirique et les décisions qui font suite ne font que rassurer l'ordre en place soit le libéralisme soit la vision bourgeoise et occidentale du monde. Ce n'est pas nouveaux. Et ça n'a rien de révolutionnaire ni intellectuellement, ni d'un point de vue sociétale. Ça fait du surplace.
Cependant, la science based semble remettre un peu de dialectique notamment le principe du « doute » que l'evidence based et les zététiciens ont perdu dans leur chasse aux fantômes et aux services publics.
Mais, ce n'est pas avec la pensée/la vision du monde anglophone qu'il y aura une révolution intellectuelle et sociétale.
Je vous ai ailleurs signalé les études d'Yves Richez dont ses études se corrèle sans le savoir à la psychologie complexe dont d'Henri Wallon où l' « on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations » pour citer la formule d'Émile Jalley résumant 'Principes de psychologie appliquée' de Wallon.
Sur son blog d'entreprise vous pouvez vous procurer son article « Qu'est-ce que l'intelligence ? ». C'est une critique des deux conceptions extrêmes (Ritchie vs Gardner) qui forment en définitif une même pièce.
Comme on le constate sur la page discussion de wikipédia de la « théorie des intelligences multiples », ça ne plaît pas à un cognitiviste (Damien Raczy) et au gardien du temple de l'Intelligence. La réponse sourcée au commentaire sans réflexion de Raczy a été censurée/supprimée mais disponible à partir de l'historique.
Cordialement.