Finissons-en avec les problèmes !

02.02.2023 | par Didier Nordon | Uncategorized

Le pari de Pascal tente de transmuer l’angoisse métaphysique en un problème de probabilités. Opération étrange, mais pas plus étrange que celle que nous réalisons aujourd’hui : nous faisons de la notion de problème un outil structurant tous les domaines, une méthode universelle d’approche. Nous analysons en termes de problèmes la vie sous ses aspects financiers, économiques, personnels, psychologiques, affectifs, culturels, sociaux, sexuels, cognitifs, relationnels (liste sans fin). Grâce à quoi, nous n’avons plus à explorer des terres inconnues, où nous risquons de nous sentir perdus, mais à résoudre des problèmes formulés selon des catégories. Cela nous donne l’impression de disposer de repères pour cerner les évènements et de techniques pour les maîtriser, circonscrit l’informe donc jugule l’angoisse devant lui. Même si des problèmes inattendus surgissent en permanence, même si chacun de nous peste parce que - c’est fatal ! - les problèmes débattus en public lui paraissent mal posés, nous sommes plus rassurés que si nous nous sentions jouets des voies impénétrables du destin.
Les expressions « problématiser » ou « établir une problématique » le disent : un problème n’est pas donné, mais construit ; on décide de le poser. Que ces expressions soient aujourd’hui envahissantes résulte de notre propension à appliquer la notion de problème à tous les domaines. Les élèves, désormais, apprennent à « problématiser » l’histoire, la littérature, la philosophie.
Un champ cependant fait exception, et c’est justement celui à propos duquel Pascal a tenté son pari. Notion informe par essence, l’au-delà ne se laisse pas réduire à des problèmes formalisés. Pascal a échoué, nous n’essayons plus.

Publier un commentaire