Sans orgueil, ce n’est pas la peine

12.03.2023 | par Didier Nordon | Uncategorized

Seul l’orgueil permet à un individu d’atteindre, autant que faire se peut, à une pensée libre.
L’orgueil n’a rien à voir avec la prétention, la morgue, la suffisance, le mépris, la vanité, la vantardise, la fatuité, qui expriment des désirs d’en imposer à autrui, alors que l’orgueil exprime celui de s’en imposer à soi-même. Un orgueilleux veut être son seul juge. Sévère. Les éventuelles louanges qu’il reçoit ne lui donnent pas l’illusion d’avoir réussi. Il ne se surestime pas, ce qui serait de la présomption, mais a une image élevée de ce qu’il doit réaliser. Mégalomane lucide, il est contraint à la modestie par son propre orgueil.
L’orgueilleux ne croit pas qu’on puisse échapper à la solitude. Certes, il se sait fruit, comme chacun, d’innombrables influences mais il refuse les faux-fuyants mondains (compliments mutuels, communions de pensées...) par lesquels nous nous dissimulons que nous sommes seuls. Indifférent aux maîtres et aux orthodoxies, il ne dit que ce qu’il a pensé par lui-même et ne se soucie pas de répéter ce qu’il n’a fait qu’entendre dire. Se passer de tout semblant de garantie venue de l’extérieur le stimule : étant seul à en répondre, il doit être d’autant plus soigneux dans son travail. S’il trébuche, nul ne sera pressé de le secourir.
Beaucoup de gens s’exonèrent de leurs erreurs si elles ont été largement partagées. Ils se sont enthousiasmés pour une théorie qui s’est révélée bancale, ont porté aux nues un artiste dont la gloire fut un feu de paille ? Ils ne s’en font pas grief, les meilleurs esprits à l’époque s’y étaient trompés. Rétif aux adhésions collectives, l’orgueilleux risque moins que les autres de partager des toquades ; s’il le fait quand même, il en est, après coup, plus mortifié. La force du nombre peut expliquer qu’il se soit laissé entraîner, mais il ne prend pas cette explication pour une circonstance atténuante.
Ériger l’originalité en but mène au conformisme, puisque chercher à être original, c’est vouloir se différencier des autres, donc les prendre comme référence, c’est-à-dire évoluer à partir du cadre qu’ils offrent. Se différencier des autres n’est pas la priorité d’un orgueilleux, qui se juge à partir de ses propres exigences. Ne faisant pas de l’originalité une valeur, il a moins que d’autres le désir d’être original. Du coup, il a plus de chances d’éviter le conformisme. Pour atteindre à une originalité digne de ce nom, rien de mieux que de ne pas la rechercher.
Voilà pourquoi l’orgueil est une qualité que doivent développer les artistes, les créateurs, les penseurs, les chercheurs...


Un commentaire pour “Sans orgueil, ce n’est pas la peine”

  1. A. Répondre | Permalink

    Merci pour ce texte. Il mériterait un approfondissement, si vous le voulez bien. tout au moins je serais très heureux de le lire.

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