Enseigner à l’université, pendant le confinement
Les universités françaises sont fermées depuis maintenant deux semaines. Ce billet a pour objectif de dresser le bilan des actions mises en place pour assurer la « continuité pédagogique », pour les enseignements de physique, à l'université Savoie Mont Blanc.
Le contexte
Il s'agit d'une université de taille moyenne, au sein de laquelle la communication avec les étudiants est plus simple que dans d'autres universités plus grandes. En particulier, il nous a été possible de donner des consignes précises aux étudiants le vendredi qui a précédé la fermeture, en leur indiquant que les cours allaient continuer, et qu'ils devaient impérativement surveiller leurs messageries. Notre crainte était de voir les étudiants se démobiliser et de les "perdre" si nous n'agissions pas assez rapidement. J'appellerai F le jour de la fermeture des universités (lundi 16 mars 2020).
Tensions sur un choix technique
Assez rapidement, plusieurs pistes ont été proposées, validées et mises en œuvre et de fait, les cours ont pu reprendre au jour F+2, après que les enseignants ont pu tester des solutions techniques et choisir celles qui semblaient convenir au mieux. Ce fut l'occasion de quelques tensions lorsqu'il a fallu choisir un système de visioconférence : notre université avait acheté une licence de site pour Teams (solution microsoft), mais les enseignants penchaient pour zoom (j'y reviendrai plus loin), après avoir testé les deux en conditions réelles (le jour F-3, une visioconférence a été proposée à une quarantaine d'étudiants, et le jour F, deux visios comparatives ont été proposées aux enseignants-chercheurs de science). Beaucoup d'autres outils ont été suggérés et/ou testés (discord, skype, outils Renater, etc.) mais n'ont pas résisté aux premiers essais (chez nous en tout cas).
Les cours en visio-conférence
La première piste fut bien sûr d'utiliser le matériel dont nous disposions déjà : corrigés d'exercices sur internet, vidéos de cours de physique (votre serviteur... 🙂 ). La seconde, plus novatrice pour nous, fut de proposer les cours magistraux en visio-conférence. L'outil zoom s'est avéré très adapté (et robuste du point de vue technique), car il permet à chaque participant
- de partager son écran avec l'ensemble des participants ;
- d'annoter l'écran partagé, d'y écrire du texte, des graphiques ;
- de lever la main virtuellement pour demander la parole ;
- l'enseignant peut également créer des salles virtuelles, y envoyer des groupes d'élèves, qui peuvent parler et échanger entre eux, et l'enseignant peut passer d'une salle à l'autre, comme il le ferait en TD ;
- la visio-conférence peut être enregistrée (voir ici pour la captation de la première séance d'un cours de maths pour la physique, en deuxième année de licence de physique).
Lors de ces visio-cours, les étudiants formulent des questions et les interactions enseignants/étudiants suggèrent qu'une bonne partie d'entre eux suivent effectivement le cours (par opposition à "jouent à la Playstation en même temps") (une enquête rapide montre que les profs ne jouent pas non plus à la Playstation en donnant leur cours).
Difficultés rencontrées
Les principales difficultés que nous avons rencontrées (et que nous rencontrons encore) :
- Quelques étudiants (deux ou trois sur une centaine) ont des connexions internet insuffisantes pour suivre la visio. L'enregistrement du cours et sa mise à disposition ultérieure permet de répondre en partie à ce problème ;
- Le logiciel utilisé, zoom, est payant. La version gratuite répond pour le moment aux besoins des enseignants, mais ceci pourrait évoluer (l'éditeur du logiciel a levé certaines limitations à cause du confinement) ;
- Un cours en visio-conférence demande une préparation particulière. Certains enseignants remplacent le tableau noir par une feuille blanche sur laquelle ils braquent une webcam. D'autres utilisent des présentations de type "powerpoint", qui doivent être intégralement préparées pour des enseignants qui ne les utilisent jamais (c'est mon cas).
Conclusion (?)
Il reste beaucoup de choses à inventer et à échanger. Nous sommes en train de faire le tour des autres universités pour échanger sur les solutions mises en œuvre ici et là. Nous sommes sur le pont, en appréhendant toutefois la vraie grosse difficulté qui nous attend : les évaluations (examens, contrôles continus) dont l'organisation, dans ce contexte, pose de vrais problèmes d'équité. J'y reviendrai quand nous auront avancé sur ce point.
bonjour,
allez vous capter tous vos cours pendant le confinement et les mettre à dispo sur youtube ?
bien cordialement,
F.E
Bonjour,
Le semestre était déjà bien entamé lorsque l'épidémie a pris cette ampleur et j'avais déjà commencé, voire terminé, plusieurs enseignements. Je mettrai très probablement sur youtube un cours, celui que j'aurai intégralement donné depuis chez moi, un cours de maths pour la physique consacré à l'utilisation des matrices (un prototype est proposé en lien dans le billet de blog).
Bonne journée et bon courage !
Bonjour,
pourriez vous nous confirmer que ce cours sera effectivement publié sur votre compte youtube?
merci pour le partage!
elno.
Bonjour,
Les cours sont enregistrés et montés, pour le moment ils ne sont disponibles que pour les étudiants, mais je les rendrai effectivement publics un peu plus tard. Peut-être plutôt sur http://videos.univ-grenoble-alpes.fr/la-formation/ que sur youtube, d'ailleurs.
Ok c'est noté, Merci !
Merci pour le billet.
Du côté de l'INSA Lyon, une promotion en Génie Mécanique d'environ 300 en tronc commun, 75 en parcours, et 25 par groupe de TD, nous n'avons pas bien pu nous synchroniser pour harmoniser. La continuité se fait aussi en visio, les TP sont annulés pendant la période de confinement, et les évaluations individuelles seront principalement en examen final.
Pas de consigne commune aux enseignants, n a un peu hésité entre Discord et Zoom, et pour ma part, j'avais testé Webex, les outils Renater (qui ont ensuite demandé de ne pas l'utiliser massivement), et Zoom. J'avoue que pour l'utilisateur un peu amateur, Zoom semble aisé à prendre en main, et c'est la solution que j'ai retenue, en particulier aussi car elle était déjà utilisée en premier cycle (L1-L2) mais en moins grande capacité.
Le mot d'ordre général est de faire au mieux, et d'essayer de mettre un peu de souplesse dans le système. Une particularité aussi : le face à face était très lourd (volume plus important qu'en formation Master), et donc ne pas hésiter à alléger un peu les sollicitations pour les étudiants.
Pour limiter la bande passante : ne partager que l'écran/tableau de l'enseignant, couper les caméras côté étudiants, supports à télécharger en offline sur une page de l'espace numérique, couper les micros quand on n'intervient pas (situation par défaut à la connexion).
Merci pour votre intervention. Nous prenons effectivement les mêmes mesures pour limiter l'encombrement de la bande passante.
Merci de partager votre expérience.
Beaucoup de mes collègues (de l'enseignement secondaire) utilisent Discord, Zoom, les classes virtuelles du CNED.
Les Environnements numériques de travail ont été défaillants, inutilisables au début du confinement: Les outils mentionnés se sont présentés naturellement comme une solution pour assurer une certaine "continuité pédagogique", mais est ce que nos élèves (mineurs dans le secondaire) sont protégés avec ces plateformes?
Malheureusement nous ne sommes pas assez formés sur les questions de droit à l'image et/ou droits du numérique pour faire un bon choix. Tout est allée trop vite et nous n'avons pas eu ce temps nécessaire de réflexion. Nous allons devoir nous auto-former sur le droit du numérique (ironie...).
J'ai utilisé les classes virtuelles du CNED que parce que c'était l'outil mis en avant par le ministère et qui probablement respecte le plus les données de notre jeune public (mais j'en sait rien en fait!)
Je me pose également des questions sur l'évaluation à distance, j'attendrai la suite de votre article.
Encore grand merci pour vos contributions et votre partage d'idées et connaissances.
à bientôt-
S.B
Merci pour votre commentaire !
En effet, ce sont des vraies questions que vous posez et en effet, personne n'était prêt à étudier sereinement ces questions avant de mettre en place des solutions, au gré des sensibilités de chacun.
Bonjour,
J'ai lu hier matin ce court article de France24 sur Zoom et ses failles.
Certaines académies demandent de ne pas utiliser Discord pour les classes virtuelles. D'autres utilisent Discord et le mettent en avant...
Bref, Prendre le temps de jouer plus à la Playstation s'avère une bonne option finalement.
Merci encore pour vos contributions. Prenez soin de vous.
SB
ARTICLE: https://www.france24.com/fr/20200331-coronavirus-zoom-l-appli-vid%C3%A9o-au-m%C3%A9pris-de-la-vie-priv%C3%A9e
Bonjour Monsieur Taillet,
Je souhaitez juste vous informer que j'ai posté des commentaires sous certains des vidéos de vos cours en ligne sur votre chaîne YouTube afin de renseigner des utilisateurs qui n'y avaient plus accès depuis la fermeture de podcast.grenet.fr et son remplacement par videos.univ-grenoble-alpes.fr/la-formation.
Rassurez-vous, ces utilisateurs ne me semblent pas être des étudiants de l'université Savoie Mont Blanc mais des étudiants d'autres universités, des lycéens passionnés de physique voire, comme moi, de simples curieux.
Je saisis l'occasion pour vous remercier pour vos vidéos de cours, celles de la série Weightless et celles de vos Quart d'Heure Insolite. J'ai pu constater, sur Twitter, qu'elles avaient suscité et suscitent toujours des vocations (licence de physique, master de physique théorique en France ou à l'étranger, etc.).
Cordialement,
Olimparis