weightless #4 : objets en apesanteur
Ce billet s'appuie sur la vidéo suivante, quatrième épisode de la série « Weightless » :

Cliquer pour accéder à la vidéo (HD1080p), en accès libre et gratuit (je recommande de télécharger la vidéo plutôt que de la visionner en streaming).
Il est rare de tomber sur des scènes d'apesanteur complètement crédibles, ici un objet semble accroché au bout d'un fil (Space Cowboys, Riders to the Stars), là un lancer d'objet suit une trajectoire qui semble tordue ou peu naturelle (Moonraker, Mission to Mars). À cet égard, le film « Apollo 13 » de Ron Howard (1995) constitue une exception remarquable. Les scènes d'apesanteur y sont parfaites et pour cause : elles ont été tournées en apesanteur ! Non, le réalisateur n'a pas envoyé d'équipe de tournage sur la station spatiale internationale (on peut s'amuser à parier sur le moment où cette étape sera franchie). Le tournage a eu lieu dans un avion réalisant des vols paraboliques, permettant de réaliser les conditions d'apesanteur (j'ai bien écrit « réaliser », pas « simuler », il s'agit véritablement d'apesanteur !).
Pour en comprendre le principe, revenons à notre homme-canon du dernier épisode. J'avais affirmé qu'il était en apesanteur pendant tout le temps de son vol, depuis le tir jusqu'à son arrivée dans le filet. Ceci ne serait exact qu'en l'absence de frottements. Là, du fait du mouvement du bonhomme par rapport à l'air, il est freiné et n'est pas véritablement en chute libre. On peut toutefois pallier à ce problème, en entourant le bonhomme d'une coque qui emmène l'air avec elle (le bonhomme est donc tout le temps au repos par rapport à l'air, il ne subit pas de frottement) et en équipant cette coque d'un réacteur dont la poussée est ajustée pour compenser la perte de vitesse due aux frottements de la coque avec l'air. Ajoutez des ailes, vous obtenez un avion ! Si la trajectoire est calculée pour suivre une parabole de chute libre, c'est-à-dire si la poussée des réacteurs est ajustée en permanence pour lutter contre les frottements, alors les passagers sont en apesanteur dans la carelingue. Une autre façon de le dire, c'est que les passagers sont en train de suivre une loooongue trajectoire de chute libre, en forme de parabole, et le pilote ajuste en permanence la trajectoire de l'avion pour garder ces passagers au centre de la carelingue, en les suivant le long de cette parabole, en encaissant (et compensant) à leur place les frottements avec l'air.
Il existe plusieurs avions de ce type, utilisés pour entraîner les astronautes ou pour réaliser des expériences de physique en micro-gravité. La limitation majeure est la durée : chaque parabole de l'avion ne dure que 20 à 30 secondes au maximum. Le plus célèbre de ces avions est appelé la « Vomit Comet » pour des raisons qu'on imagine aisément. C'est celui qui a été loué par la production du film « Apollo 13 ». Encore une fois, ceci a permis d'obtenir de véritables scènes d'apesanteur, sans effets spéciaux en post-production.
Les scènes d'apesanteur fournissent l'occasion de montrer des phénomènes amusants ou surprenants. On voit souvent, par exemple, des liquides se mettre en boule ou prendre des formes changeantes. La variété des liquides que l'on peut ainsi voir flotter en apesanteur dans les films est impressionnante : cognac dans « Frau im Mond », whisky dans « Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne », café dans « Red Planet », Dr Pepper dans « Mission to Mars », jus d'orange dans « Apollo 13 », larmes dans « Gravity », sueur dans « Avatar », sang humain dans « Mission to Mars », sang d'alien dans « Star Trek VI », liquide de refroidissement dans « Event Horizon ». Intéressons-nous ici brièvement à quelques points de physique associés à la forme des gouttes. La forme d'une goutte est déterminée par les forces qui s'exercent dessus. Or la surface d'une goutte se comporte comme une membrane élastique, comme un ballon de baudruche, et la force associée à ce phénomène est appelée la « tension superficielle ». Cette force tend à minimiser la surface de la goutte, c'est-à-dire à lui donner la forme d'une sphère. On voit clairement dans « Avatar » et dans « Event Horizon » deux gouttes se rencontrer pour en former une plus grosse, qui prend alors une forme sphérique.
Toutefois, lorsqu'un volume de liquide est étiré en une forme allongée, celui-ci tend à se fragmenter en gouttes plus petites, ce phénomène est appelé « instabilité de Plateau-Rayleigh » en mécanique des fluides, il est notamment responsable du fait qu'un filet d'eau coulant d'un robinet se brise spontanément en une multitude de gouttes. On le voit clairement à l'œuvre dans « Apollo 13 » ou dans « Mission to Mars », par exemple.
Enfin, pour monter d'un cran encore dans la complexité des phénomènes, la question de l'apparence du feu en apesanteur est un problème très complexe. La comparaison avec des images issues de vraies expériences montre que les films « Red Planet » et « Gravity » s'en sortent plutôt bien, tandis que « Solaris » de Tarkovski (1972) fait apparaître une physique incorrecte, mais la scène est si belle qu'on l'oublie rapidement !
Liste des films présentés
- Frau im Mond / Fritz Lang / 1929
- Rockatship X-M / Kurt Neumann / 1950
- Riders to the Stars / Richard Carlson / 1954
- The Reluctant Astronaut / Edward Montagne / 1967
- Solaris / Andreï Tarkovski / 1972
- Apollo 13 / Ron Howard / 1995
- Event Horizon / Paul Anderson / 1997
- Star Trek VI: The Undiscoverd Country / Nicholas Meyer / 1997
- Mission to Mars / Brian de Palma / 2000
- Space Cowboys / Clint Eastwood / 2000
- Red Planet / Antony Hoffman / 2000
- The Matrix Reloaded / Andy & Larry Wachowski / 2003
- Avatar / James Cameron / 2009
- Les aventures de Tinin : le secret de la Licorne / Steven Spielberg / 2011
- Gravity / Alfonso Cuarón / 2013
Prochain épisode : se déplacer en apesanteur.