À propos de Louis Pasteur : pourquoi commémorer sa naissance ?

Note liminaire : sutor non supra crepidam

 

 

 

 

Nous commémorons le 200e anniversaire de la naissance de Louis Pasteur... mais pourquoi ?

Parce que la contemplation éclairée des travaux de Pasteur peut donner à de jeunes citoyens l'envie de s'intéresser aux sciences ou à la technologie, et de contribuer à la prospérité nationale, voire à la marche du monde humain.

D'ailleurs, ajoutons : pas seulement un goût pour les sciences (de la nature), parce que Pasteur, après des études scientifiques, a très rapidement bifurqué vers des études technologiques : il chercha des remèdes aux maladies du vin, du ver à soie, des vaccins, etc.

Il a d'ailleurs bien dit lui-même qu'il avait quitté les sciences pour les applications de celles-ci, en raison d'une volonté d'être utile.

Et, effectivement, après des études de cristallographie, il a exploré les fermentations, puis la microbiologie.

 

Pour ce bicentenaire, on m'a demandé d'explorer les premiers travaux de Pasteur à propos de l'étude des cristaux, et aussi les raisons de son passage de la physico-chimie vers la microbiologie.

Après une petite dizaine de texte où j'ai exploré cette question, je crois mieux voir maintenant l'homme, ses bon côtés et ses limites.

Tout d'abord, Pasteur a été moins chimiste que physico-chimiste, puisque certes, il préparait des cristaux (ce qui relève la chimie) mais il les caractérisait physiquement, soit en mesurant l'inclinaison de leurs faces, soit en mesurant leur activité optique.

Ce sont donc deux thèses (la règle, à l'époque) qu'il a soutenues, l'une de chimie et l'autre de physique, et c'est ce mélange qui le conduisit à détecter que ce que l'on nommait "acide racémique" était en réalité un mélange de deux acide tartrique différents.

Pour ces travaux, on voit déjà apparaître le caractère de l'homme : il publie beaucoup, avec une écriture grandiloquents, prétentieuse ; il se pose en découvreur extraordinaire, oubliant que c'est le chimiste Auguste Laurent qui lui montra la réunion des deux techniques de physique qu'il mettait en œuvre, et, mieux, qui lui fournit les cristaux avec lesquels il sépara les deux formes de l'acide tartrique.

Il est tout à fait surprenant, choquant, d'observer que, dans la publication où il décrit cette découverte, il ne dit pas un mot de Laurent !
Au point même que Laurent dût, un peu plus tard, publier aux Comptes rendus de l'Académie des sciences une note où il soulignait lui-même ses apports.

A n'en pas douter : il y eut un grave différend entre les deux hommes, et Pasteur s'est mal comporté.

Certes, il publiait, travaillait, mesurait, et c'est cela qui est à porté à son crédit : beaucoup de travail, de l'opiniâtreté... mais avec des dents qui rayaient le parquet et qui ne me font pas trouver l'homme sympathique.

D'ailleurs, quand on a cela en tête, le reste de sa carrière ne nous étonne pas, jusqu'à la statue de savant national qu'il se construit progressivement.

Le pire, ce sont les textes de son gendre Vallery-Radot, homme de lettres qui fut le thuriféraire quasi officiel de son beau-père.

Ajoutons que, pour ce qui concerne la partie physico-chimique, Pasteur n'est que le rejeton de Jean-Baptiste Biot, qui est bien insuffisamment connu.

Et, pour la microbiologie, étonnons-nous que les pages wikipédia françaises en fassent le découvreur de la microbiologie... alors que les pages allemandes créditent Robert Koch de cela !

Enfin, je n'oublie pas que Pasteur fit tout ce qu'il pouvait pour être proche de ce Napoléon III qui confisqua la révolution française aux Français, et fut plus tard à l'origine d'une guerre qui engendra ensuite deux guerres mondiales.

 

Bref, c'est une commémoration ambiguë que nous devons faire. Est-ce contre productif ?

 

Je ne crois pas : car cela donne l'occasion de rappeler que c'est un travail opiniâtre qui permet d'obtenir des résultats... mais que, ayant cet exemple à ne pas suivre sous les yeux, il y a lieu d'être et de rester intègre ! D'éviter la prétention, d'avoir en toutes circonstances des valeurs dont nous ne rougirons pas.

Au fond, il faut en conclusion que j'insiste sur quelques qualités de Pasteur. La première est son travail, son opiniâtreté. Nul doute qu'il a passé du temps au laboratoire et à la table d'écriture.

Même s'il se répète dans ses textes, il cherche des généralisations, intelligemment.

Mais il n'a pas la remarquable capacité d'un Lavoisier qui voyait bien la nécessaire généralisation dont la frontière était l'expérimentation.

Relisons les textes de cet homme merveilleux, et notamment ceux où il discute la notion d' "élément".

Ajoutons pour terminer, que ces travaux sur Pasteur m'ont fait bien comprendre combien, aux 17e et 18e siècles, les acceptions des mots atomes, molécules, particules, éléments, etc. différaient des acceptions modernes de ces mots.

La chimie a beaucoup progressé, et, si l'on a conservé des mots anciens, nous ne pouvons pas comprendre la science du passé en leur donnant le sens qu'ils ont aujourd'hui.

 

Pour en savoir plus de façon très argumentée :

https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/des-cristaux-dauguste-laurent-et-des-techniques-danalyse-optique-de-0

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