Aimons les calculs !
Il y a des professeurs merveilleux... mais il y a aussi des professeurs détestables, et, bien que cela nous fasse considérer la fange, je prends ici un exemple très important, parce qu'il montre une dérive de l'enseignement des sciences de la nature au lycée. Le point que je développe est le suivant : les sciences de la nature ne sont pas la vulgarisation, et la différence, c'est que les sciences de la nature sont en réalité du calcul, des équations, alors que la vulgarisation s'apparente à ces histoires que l'on raconte aux enfants pour les endormir le soir. De l'invention, et certainement pas de compétences !
Partons d'une histoire vraie. Un mes fils, dans un excellent lycée, avait pour projet de construire une montgolfière, et le groupe voulait y adjoindre un petit moteur. Comme un moteur pèse, le groupe avait compris du cours de physique qu'il fallait dimensionner la montgolfière pour qu'elle puisse emporter le moteur. Ne sachant calculer cela, mon fils m'avait interrogé, et j'avais fait le calcul pour son groupe, arrivant à gros volume de montgolfière.
Consulté ensuite, le (très mauvais) professeur de physique avait alors répondu qu'il ne croyait pas aux calculs. Oui, pas à ce calcul-là en particulier, mais aux calculs ! Mais alors, qu'enseignait-il ? Pas la physique en tout cas puisque cette dernière se fonde essentiellement sur les calculs.
Cette idée d'une science qui serait toute de récits, cette "physique avec les mains" comme on dit, est très néfaste quand elle est donnée à des imbéciles, et elle risque de faire des dégâts. Il ne faut pas oublier que ceux qui ont bien fait de la physique avec les mains savaient parfaitement calculer. Je pense en particulier à Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique, qui avait une capacité remarquable non seulement pour le calcul formel, mais aussi pour les calculs d'ordres de grandeur, qui lui permettaient précisément de mieux faire du calcul formel, lui permettant de sélectionner dans des équations compliquées les termes qui étaient négligeables, que l'on pouvait donc négliger pour devenir capable de résoudre les équations simplifiées que l'on avait ensuite.
Ni les sciences de la nature, ni la technologie ne sont de simples récits. Il faut dire et redire que ce sont des discours ancrés dans les équations, et qui imposent des compétences en calcul, la maîtrise des calculs.
Ici, je fais une différence entre le calcul et les mathématiques, ces dernières étant une exploration du monde mathématiques. Les mathématiques sont parfois considérées comme un peu inutiles, opinion que je ne partage évidemment pas. Mais, de toute façon,pour les sciences de la nature et la technologie, il y a la nécessité d'apprendre les calculs, de maîtriser des outils tels que les matrices, les fonctions, et ainsi de suite. Il ne s'agit pas d'aimer cela ou non ; il s'agit surtout de reconnaître que, quand on fait de la science ou de la technologie, le calcul est omniprésent, parce que la question n'est pas la vulgarisation, mais l'apprentissage des outils théoriques, à savoir les équations.
Oui, je veux des professeurs de physique, mais aussi de chimie, de biologie, de géologie... qui font comprendre aux étudiants que calculer est une chose simple, et essentielle en sciences de la nature et en technologie.
Et c'est vers ce ciel bleu que je propose de regarder : un bon professeur, c'est celui qui, ayant bien compris la matière qu'il professe, ayant bien compris que le calcul est essentiel, permet aux étudiants de le comprendre aussi, et de l'aimer !
Je dois avouer que j'ai du mal à croire votre anecdote.
J'ai enseigné les mathématiques pendant quarante ans, au collège et au lycée.
J'ai discuté avec beaucoup de professeurs de physique ( et de chimie ou de biologie ).
Leur demande principale était que l'on fasse le programme de math de l'année en deux semaines, un mois à la rigueur, parce qu'ils en avaient besoins pour leurs calculs.
Je peux facilement imaginer un professeur de physique qui ne croit pas aux calculs des élèves, je ne les croyais pas non plus avant de les avoir refaits. Et leurs calculs étaient souvent faux ( au moins dans deux tiers des cas ).
J'ai souvent eu des enfants de collègues, et j'ai pu constater qu'il y avait souvent plus qu'une nuance entre ce que les élèves racontaient à leurs parents ( le prof a dit ça ) et ce j'avais effectivement dit.
J'ai pris mille précautions pour bien dire que c'était un cas pathologique. Car je suis très admiratif du travail de très nombreux professeurs d'écoles, de collèges, de lycées, d'universités.
Mais c'est un cas où j'étais si étonné moi même (il y a 30 ans : on voit que je reste choqué) que j'avais investigué pour être bien sûr.
Et ce sont mes propres calculs qui étaient en jeu 😉
Au fond, pas de raison que, pour toute profession, il n'y ait pas une répartition gaussienne, non ?
Et le billet dépasse cette question, pour discuter autre chose : la merveilleuse adéquation du monde et du calcul, qu'admirait déjà Galilée : oui, le monde est écrit en langage mathématique, et c'est cela qui fait lever certains le matin. C'est une étrangeté merveilleuse, et un des deux pieds (avec l'expérience) sur lesquels les sciences de la nature reposent tout entières.
Le nombre, le fait, l'équation...
Merci pour votre réponse.
Je fais certainement parti des gens qui sont fascinés par le rapport entre les mathématiques et l'expérience.
Je ne critiquais pas le fond de votre message, mais je dois bien avouer qu'un professeur de physique qui ne croit pas aux calculs en physique me semble un oxymore.
Je me permets une remarque :
il n'y a aucune raison, pour quelque profession que ce soit, que la qualité des gens suive une répartition gaussienne. Et il y a beaucoup de raisons pour que ça ne soit pas le cas. Par exemple les examens sont censés éliminer les trop incompétents.
L'invocation à la loi normale est, à mon avis, une erreur grave.
Mais, bien sur, on peut savoir faire les calculs sans y croire.
Je ne suis pas complètement d'accord avec vous.
Les sciences de la nature ne sont pas essentiellement du calcul. Les sciences (et vous en serez je pense d'accord) sont d'abord de l'observation, puis de la modélisation, puis, au bout du compte, effectivement, du calcul.
Mais, à mon sens, l'étape "calcul" est loin d'être la plus intéressante. La meilleure preuve est que c'est celle qui est la plus facilement automatisable ou, pour le dire brutalement, celle qui est le plus facilement réalisable par la stupidité artificielle.
Les sciences de la nature ?
1. identifier un phénomène
2. le caractériser quantitativement ("tout nombrer")
3. réunir les données de mesures en "lois", à savoir des équations
4. induire une théorie, en réunissant des lois et en introduisant des concepts nouveaux (l'entropie, l'électron, le boson de Higgs...)
5. chercher des conséquences testables de la théorie
6. tester expérimentalement les conséquences théoriques de (5)
7. et ainsi de suite à l'infini, puisque toute théorie est insuffisante !
nice Keep up the goood work! factech.