Non, la cuisine n’est pas de la chimie !
On me parle d'un auteur qui dit que "la cuisine, c'est de la chimie".
Non, mille fois non : la cuisine, c'est de la cuisine, et pas de la chimie. Et, d'ailleurs, la chimie, c'est de la chimie, et pas de la cuisine !
Voyons pourquoi.
La cuisine, pour commencer, c'est une activité technique, de production des mets à partir d'ingrédients (voir mon Cours de gastronomie moléculaire N°2 : les précisions culinaires, éditions Quae Belin).
Oui, c'est une activité technique, du mot grec "teche", faire. La cuisinière, le cuisinier produisent des mets, par des gestes techniques : laver, parer, couper, cuire, assaisonner... Bien sûr, cette activité peut avoir une composante artistique plus ou moins grande, car "le bon, c'est le beau à manger". Et il y a ainsi, d'un côté, des aliments qui parlent au corps, par une cuisine artisanale, et des mets qui parlent à l'esprit, si l'on peut dire, pour la cuisine artistique... avec, au milieu, de l'artisanat d'art, à savoir des mets très élaborés, mais qui sont des répétitions, et pas des créations.
Pour la chimie, c'est bien différent, car il s'agit d'une activité non pas technique, mais scientifique. La chimie est née de l'alchimie, peu avant la Révolution française, quand, dans la quête de la compréhension des mécanismes des transformations de la matière, on a fini par comprendre qu'une expérience qui n'était pas conforme au dogme alchimique n'était pas ratée, mais au contraire une réfutation du dogme alchimique. L'alchymie est devenue ainsi "chymie", avant de devenir la chimie moderne, notamment grâce à Antoine Laurent de Lavoisier et quelques autres, qui ont réfuté la théorie fausse du "phlogistique".
Et la chimie, comme toute science de la nature, n'a pas pour objectif de "produire" (des matétiaux, des médicaments, des cosmétiques, etc.), mais bien de comprendre les mécanismes des transformations.
Un exemple
Par exemple, les Gaulois savaient fabriquer des savons en chauffant de la graisse avec des cendres : cela est de la technique.
Mais Michel-Eugène Chevreul a compris que le glycérol pouvait s'unir à des acides gras pour former des molécules de triglycérides : il s'agissait de compréhension, de science de la nature.
Et, après lui, on a utilisé les connaissances scientifiques obtenues pour faire des savons différents, et cela est de la technologie, l'amélioration de la technique par la science.
Pour en revenir à l'idée FAUSSE selon laquelle la cuisine serait de la chimie
Oui, maintenant, nous voyons bien, j'espère que la cuisine, technique, ne se confond pas avec la chimie, science de la nature.
Et une personne qui ne le comprend pas n'a en réalité rien compris aux sciences, ou à la cuisine.
D'ailleurs, on pourra conseiller à des personnes de ce type mon livre intitulé "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".